TONI ERDMANN
de Maren Ade °
Avec : Peter Siminischek, Sandra Hüller
Synopsis : Quand Ines, femme d’affaires d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son exaspération.
Sa vie parfaitement organisée ne souffre pas le moindre désordre mais lorsque son père lui pose la question «es-tu heureuse ?», son incapacité à répondre est le début d'un bouleversement profond. Ce père encombrant et dont elle a honte fait tout pour l'aider à retrouver un sens à sa vie en s’inventant un personnage : le facétieux Toni Erdmann…
Je ne dirai pas que j'y suis allée à reculons mais presque. Il faut dire qu'à force de voir et revoir la bande-annonce, je doutais. Mais je ne voulais surtout pas rater ce film "hilarant" "Palme du Public et de la presse". Mais de quel public parle-t-on ? De celui d'une projo presse à Cannes ou de vrais gens comme moi qui n'ont rien fait à personne et qui se retrouve face à deux personnages plus détestables l'un que l'autre dans une esthétique Allemagne de l'Est (je me comprends). Tout ici est sinistre, grisâtre et plutôt navrant. Quant à l'hilarité... quand était-elle censée surgir ? Lors de la scène du coussin péteur ? Quand il ôte et remet son dentier baveux ? Lorsqu'il se râpe du fromage sur la tête ? L'humour et l'esthétique bavarois ont sans doute dû m'échapper.
Je ne sauverais de ce film que l'analyse plutôt réaliste je pense (quoique très flippante) du monde de l'entreprise, des affaires internationales et du caractère exécrable de tout cet univers. Et peut-être aussi (mais là encore je suis très mitigée) l'interprétation courageuse mais finalement assez monolithique de l'actrice principale Sandra Hüller, chargée de défendre un personnage indéfendable de femme plus froide que la banquise. Mais sûrement pas celle crasseuse et répugnante de Peter Siminischek.
En effet était-il nécessaire que Toni Erdmann qui au début du film est Winfried Conradi, père d'Inès Conradi, ait cette apparence repoussante ? Si sa fille n'a sans doute jamais souri, il a dû lui-même oublier de se laver depuis plusieurs décennies. D'ailleurs il fait cadeau de sa bouteille de shampoing à sa fille car il ne doit sans doute pas en connaître l'utilité.
Et puis de quoi se mêle-t-il ? Evidemment s'il ne se mêle pas, il n'y a pas de film. Mais ce père et cette fille qui ont dû partager dans l'enfance un moment fort intime et émouvant en chantant ensemble une chanson... n'ont plus rien à se dire depuis sans doute bien longtemps. Le père a toujours fait des blagues douteuses qui n'amusent que lui (et encore, à peine) et la fille est devenue consultante pour de grandes entreprises et parcourt le monde uniquement préoccupée par sa carrière. D'ailleurs, si j'ai bien compris, rien ne changera. Mais pourquoi imagine-t-il qu'il aurait brusquement la possibilité et le pouvoir d'intervenir sur le cours de la vie de sa fille ? Pourquoi n'accepte-t-il pas qu'elle ne peut évoluer que dans ce milieu sans fantaisie et que lui de son côté continue ses blagues pourries ? Elle est d'un sérieux, d'une tristesse et d'une solitude à faire peur. De toute façon, comme son père, elle fait fuir tout le monde. Toiser, rejeter voire humilier son prochain est ce qu'elle réussit le mieux alors que face à ses supérieurs hiérarchiques elle n'est qu'excuses, courbettes et flatteries... quoique. Rabaisser un amant (scène de sexe sans sexe consternante et à haut pouvoir transgressif sans doute destinée à choquer le bourgeois... moi, c'est là que j'ai eu envie de rire), certes un rien macho mais visiblement sincèrement amoureux, écraser une assistante/stagiaire plus que dévouée, rejeter une amie sans raison... voilà comment se comporte cette fille aussi antipathique que son père.
J'ai trouvé par contre admirable la façon dont tous les personnages se montrent particulièrement polis, patients et compréhensifs face aux interventions jamais drôles mais parfaitement sans gêne de Toni Erdmann.
Les deux personnages sont aussi peu sympathiques l'un que l'autre et d'un égoïsme démesuré., le point commun entre le père et la fille : EUX, EUX et EUX... Tout est laid dans ce film, y compris les tenues, les chemisiers et les robes en polyamide d'Inès, les costumes crados de Toni. L'absence totale de complicité, d'émotion... Et une fois de plus 2 h 40 en compagnie de tels personnages est une épreuve. J'ai tenu bon jusqu'au bout et me suis levée dès qu'Inès a retiré son dentier gluant !
Pour cela, je mérite la Palme du spectateur. Et Gloire au jury de Cannes d'avoir écarté ce film du palmarès.
Commentaires
Et bien j'ai beaucoup aimé ce film, je suis donc en désaccord avec toi sur beaucoup de points, tellement d'ailleurs que ce serait trop long d'en parler ici. J'ai trouvé ce film très riche et il m'a fait passer par toute une gamme d'émotions. Évidemment, ce n'est pas un film comique (je ne dis pas ça pour toi mais pour tes lecteurs), car ils seraient déçus. Mais on s’esclaffe parfois, en fait ce sont plutôt les montagnes russes tant je suis passée par la surprise, le doute, le mépris, la tristesse etc. Bizarrement, je m'ennuie souvent dans les longs films mais ici, je trouve qu'il n'y avait rien de trop. SAUF cette fameuse scène de masturbation et dégustation des zakouskis qui suit, complètement débile mais que veux-tu, il fallait bien choquer la bourgeoise en y incluant la sempiternelle scène de Q. (c'est vrai qu'elle était essentielle hein, on n'avait pas du tout compris avant cette scène à quel point cette femme pouvait être dominante pffff). Pour le reste, tout est très bon et j'ai plutôt tendance à dire que le Festival de Cannes se décrédibilise totalement en ayant fait l'impasse sur ce film. Maintenant, je crois aussi que c'est typiquement le genre de film qu'on aime ou qu'on déteste.
Et bien tu es digne d'une conférence de presse !
J'aurais aimé connaître ces montagnes russes et ressentir de la joie de la tristesse... autre chose que du dégoût pour ce type. Voir évoluer leur relation m'aurait plu aussi.
Et cette fille est plus que dominatrice, elle est méprisante... voir comment elle traite son amie et son assistante. Bien sûr un personnage ne doit pas forcément être plaisant et sympathique mais là, j'ai trouvé TOUT laid et ennuyeux. J'ai soupiré mille fois.
Bonjour Pascale, "dans mes bras que je t'embrasse" car vu les dithyrambes sur ce film, je me sens un peu seule de ne pas l'avoir apprécié. Ce n'est pas que j'ai détesté le film (quoique) mais j'ai trouvé le père avec sa perruque et ses fausses dents assez repoussant. L'acteur m'a insupportée. Il n'arrête pas de mettre et d'enlever les fausses dents. Au bout d'un moment, ça lasse. Je n'ai pas ri une seule fois. Quand à un moment donné, Inès met ces fausses dents, j'ai trouvé cela dégoûtant (elle ne les avait même pas lavées). La scène du petit four au sperme n'est pas du meilleur goût. Et puis le père ne dit rien ou presque, la fille aussi d'ailleurs. Elle a l'air de se demander ce qu'elle fait là. La réalisatrice ne les aide pas. J'ai vu ce film une fois, je ne le reverrai pas.
Ah ah ah, tu me fais rire :-)
L'acteur est répugnant et joue mal.
Lorsqu'elle met son dentier à la fin... je me suis dit qu'on demandait des choses vraiment écoeurantes aux actrices...Elle fait d'ailleurs une étrange grimace non ? Le petit four au sperme... je cherche encore l'intérêt. Je pense que nous devions nous esclaffer que "oh mon dieu, cette fille réfrigérante a bien de l'imagination sexuellement parlant"... C'est sûr, que sans doute incapable d'aimer elle doit multiplier les prouesses pour retenir un amant.
J'ai eu un moment de blocage sur l'affiche du film....
L'affiche est à l'image du film : moche !
J'étais déjà très hésitante, les extraits n'étaient pas emballants. Et ce que tu décris du père, c'est totalement impossible ... beurk !
Certains trouvent cela finement analysé, les rapports humains, sociaux, filiaux... Faut supporter !
« L’humour est la politesse du désespoir » disait Chris Marker. Ce film en est une belle illustration. Le désespoir que cause le libéralisme économique via ses multinationales et ses boites de consulting impitoyables, en particulier dans les ex-pays de l’est soumis au pire dépeçage sans le filet social qui nous protège plus ou moins. Le désespoir d’un père qui perd sa fille absorbée par sa carrière dans ce monde sans pitié. Ayant bossé pour ces multinationales avides, j'ai surtout trouvé très pertinente l'analyse sociale. En ce qui concerne les rapports père/fille, ils sont un peu étranges mais assez originaux, tant pis pour les fins psychologues qui n'ont pas aimé.
J’ai donc beaucoup aimé cette manière originale d'illustrer l’absurdité de ce monde capitaliste planétaire en traitant le sujet avec un humour, plus ou moins léger j’en conviens, mais très réjouissant dans l’ensemble. En tout cas rires dans la salle. Quelques longueurs mais je ne me suis pas ennuyé. Cannes ou pas, je pense que Maren Ade (et pas Hade) dont c’est le troisième film est une cinéaste à suivre.
Et bien je ne dois pas être suffisamment désespérée pour avoir cet humour. Je n'ai pas trouvé ce père désespéré du tout. Il s'ennuie et tout son entourage le regarde avec beaucoup de condescendance lorsqu'il fait ses blagues pourries. Il est pathétique et pense qu'il a le pouvoir de changer la façon de vivre et de penser de sa fille (de quoi je me mêle) et surtout il semble savoir ce qu'est le bonheur !
J'ai effectivement "sauvé" l'analyse du monde impitoyable. Je trouve qu'Inès est faite pour ce monde et réciproquement.
Tant mieux s'il y a des gens pour suivre Maren Ade. Le "Rouge et le Noir" va se régaler...
D'ailleurs il n'est pas dit que je n'irais pas voir son ou ses prochains films, je m'obstine bien à aller voir des Bonello et autres machins :-)
Je l'ai vu à l'Utopia de Tournefeuille. Un ciné vraiment extra. Quand il passera au Rouge et Noir, je serai absent. Idem pour le Zweig qu'on verra lundi.
Je n'ai pas trouvé le personnage du père si nul. Ses rapports avec son ex semble plutôt normalisés. D'accord il tente quelques suggestions à sa fille, avoue qu'il y a de quoi. D'autre part la fille ne l'envoie pas paître preuve qu'il y a encore entre eux un peu de sentiments et de tendresse.
Tournefeuille !!! Mouarf. Où ils vont pas installer des cinémas jte jure !
Dommage que tu sois absent, tu mériterais de le revoir. Les films qu'on aime autant ont droit à une deuxième vision.
J'ia trouvé que son ex avait baissé les bras mais surtout, bonne pomme, qu'elle l'acceptait tel qu'il est tout en ayant l'air de dire : "doujézu que j'ai bien fait de quitter ce crado pas drôle !".
Et si sa fille le fait intervenir dans ses jeux de massacre c'est pour creuser encore l'écart puisqu'il se prend pour un humaniste. Pas pour se rapprocher de lui. Elle a compris que de toute façon, pot de colle comme il est elle pourra pas s'en débarrasser... sauf en partant à l'autre bout du monde.
On a pas dû voir le même film. A part ça ta critique a découragé Cath et lui a fait rater un bon film :-)
Dans mes bras Cath. Elle aurait détesté.
Si, on a vu le même film mais toi tu hurles avec les loups :-)
Arrête de me harceler avec cette horreur je te prie !
Pas aussi écoeuré que toi, mais bien moins emballé que je l'espérais.
Je crois surtout que le film est vendu pour ce qu'il n'est pas.
Du coup, un sentiment de déception prédomine chez moi...
Je n'avais pratiquement rien entendu avant si ce n'est l'emballement cannois hors de proportion.
C'est par le détour de Nifty Fifty que nous sommes arrivées sur votre blog.
On peut aimer ou détester un film, certes, mais l'argument de l'esthétique nous parait un peu "court" ! Ce film ne cherche pas être beau, il montre une certaine réalité. Le père est lourd, très lourd, ses blagues font honte à sa fille, mais finalement ce sont ses blagues navrantes qui vont les rapprocher. Beau, vous avez dit beau - non, certainement pas...
Oui tout est subjectif et je ne "juge" pas forcément un film à sa "beauté". Les personnages, l'histoire, le traitement qui en est fait... tout m'a déplu ici et en prime l'esthétique.
Merci de me donner le droit de ne pas aimer ce film même si mes arguments vous semblent "courts".