NOCTURAMA
de Bertrand Bonello *(*)
Avec : Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers, Hamza Meziani, Manal Issa,
Synopsis : Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents. Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale. Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux. Ils convergent vers un même point, un Grand Magasin, au moment où il ferme ses portes. La nuit commence.
Encore un film de Bonello (décidément je m'obstine) qui est loin de me convaincre. J'avais failli périr d'ennui et n'avais pas pu aller au bout de L'Apollonide - Souvenirs de la maison close où il déshabillait ou défigurait complaisamment de jolies filles alanguies. J'avais détesté De la guerre marmelade absconce à propos d'un type qui rejoint une secte pour apprendre à nager. Et je n'avais sauvé de son Saint-Laurent que l'interprétation fiévreuse de Gaspard Ulliel.
Ici, comment dire..., rattrapé par des événements tragiques, le réalisateur signe un film d'une grande beauté et d'une maestria incontestables mais d'une vacuité abyssale. Si la première demi-heure, saisissante, intrigante et muette nous donne à suivre une poignée de jeunes gens qui chacun de son côté parcourt Paris à vive allure et le regard inquiet, à pieds, en métro, en voiture et dont on ne sait ce qu'ils font, elle est suivie d'une heure et demi (c'est long 2 h 10) toujours aussi virtuose du point de vue de la réalisation mais dénuée de la moindre réflexion, de la moindre explication ! Liberté totale est laissée au spectateur d'imaginer ce qui se passe dans la tête des personnages.
Les jeunes gens, après avoir fait péter plusieurs bombes dans la Capitale se laissent enfermés volontairement pour 24 heures dans un grand magasin. L'explication de ce choix laisse aussi rêveur car s'ils étaient rentrés tranquillement chez eux... le cours de leur vie en aurait sans doute été changé ! Mais bon, ils sont dans ce grand magasin et bien sûr ce n'est pas au rayon livres ou culture qu'ils se dirigent mais vers les fringues hors de prix, les alcools, les endroits où tout n'est que luxe et volupté. Sans oublier de pousser l'ampli à 12 car ils bénéficient des conseils d'un agent de sécurité dans leur équipe qui sait où sont placées les caméras et qu'aucun son ne sort vers l'extérieur. De toute façon, qui peut se douter qu'ils sont planqués là ? Y'aurait-il un traitre dans la bande ?
Alors évidemment, on peut creuser un peu et se dire que ces apprentis terroristes représentent la jeunesse sacrifiée du troisième millénaire et que sans haine et sans colère ils décident de tout faire péter, car comme le dit un personnage "il fallait bien que ça pète !" mais ce ne serait pas un peu court jeune homme ? Car justement, même si l'on constate vite que dans ce groupe, Bonello a pris soin de mélanger des petits bourges de science-po à l'avenir prometteur, des jeunes de banlieue à l'avenir incertain des employés, des filles, des garçons, des blancs, des noirs, des "issus de"... il ne les fait jamais ou presque pas parler. On ne saura donc rien de leur motivation, du point de rupture, car parfois monté en flash-back on découvre vaguement leur vie d'avant, rien de leur colère, de leurs déceptions. On comprendra qu'ils sont comme la plupart des jeunes actuels, victimes de la consommation et du grand capital ("c'est Facebook et le Médef qu'on aurait dû faire péter" !) qu'ils sont au final plus contrariés et finalement terrifiés parce qu'on découvre les grosses conneries qu'ils ont faites que pris de remords par l'énormité de leurs actes. D'une naïveté confondante et tout compte fait plutôt attendrissante.
Là où le réalisateur tape vraiment juste c'est sur cet aspect terrible et aberrant qu'en temps réels, grâce à leurs portables (déception pour eux que leur exploit ne soit pas plus relayé par Facebook), à la télé, BFM et ces chaînes qui passent en boucle les images et commentent sans rien savoir... les terroristes savent toujours précisément ce qui se passe à l'extérieur, ce que l'Etat, la police sont en train de faire et prévoir. Jusqu'au moment précis où une journaliste de la télé annonce : "A partir de maintenant plus aucune image ne sera diffusée car la police va intervenir".
Et là, vraiment ce n'est plus de la fiction mais une triste et grotesque réalité. Si les média pouvaient fermer leur bouche...
Mais... mais... il y a cette réalisation, ce sens du cadre hautement artistique, cette virtuosité de tous les instants. Dans les couloirs du métro, dans la rue, dans les escalators, les rayons et les couloirs du grand magasin, la caméra de Bonello ne lâche pas ses protagonistes sans pour autant et sans jamais nous donner le vertige voire plus des caméras virevoltantes. Mais que cette maîtrise et ce savoir-faire soient si remarquables et visibles, n'est-ce pas aussi ou plutôt un défaut d'orgueil : regardez comme je filme bien ! Même si plusieurs plans insistants sur Jeanne La Pucelle s'embrasant sur son bûcher m'ont un peu fait sourire...
La scène finale ATTENTION SPOILER, proprement hallucinante, laisse toute la salle muette de stupeur. Là je me suis demandée ce qu'a bien pu vouloir dire, prouver ou démontrer le réalisateur ! Est-ce cela le G.I.G.N ? Des hommes en noir casqués qui tirent sur des jeunes gens désarmés, qui lèvent les mains en suppliant "aidez-moi !" Plus que douteux !
Commentaires
Pas facile de réagir sur ce film "à chaud", sans le faire de façon épidermique.
Je suis partagé, sur certains points, Bonello nous laissant combler quelques trous narratifs, mais imposant aussi un point de vue plus explicite dans certaines scènes.
Sur le plan formel, j'ai trouvé ça brillant, et je pense que c'est un film important, dans le mesure où il nous secoue et nous interpelle dans nos possibles certitudes. Je le crois digne d'intérêt, donc, et je me dis qu'il pourrait bien vieillir, comme le témoin de ce qu'est la France à un temps T, sans présager de la suite ou donner des leçons pour un avenir encore incertain.
Oui ça se défend. Mais c'est quand même lui accorder beaucoup de crédit... Ses personnages m'ont semblé assez creux. Perdus, manipulés... mais tu as sans doute raison, le reflet de la jeunesse actuelle ! Chépa.
Quant à la leçon de cinéma : elle est incontestable.
Petite précision : pour ma part, je ne pense pas que le film reflète la jeunesse actuelle, mais je dirais qu'il reflète UNE PARTIE de la jeunesse actuelle. Sans pour autant verser dans un prêchi-prêcha trop simpliste. C'est en partie ce que j'ai apprécié.
Ah ça c'est sûr qu'il n'y a pas de prêchi précha trop simpliste... Ya pas de prêchi précha du tout :-) On ne sait pas ce qu'ils veulent !
Bonjour Pascale, je ne dirai rien de ce film qui ne me tente pas du tout. Je passe mon tour. Bonne journée.
:-) petite joueuse va !