LA DANSEUSE
de Stéphanie Di Giusto *
Avec : Soko, Mélanie Thierry, Gaspard Ulliel, Lily-Rose Depp
Loïe Fuller née Marie-Louis Fuller se fait exploiter dans le grand ouest américain. Rien ne destine cette fille de ferme à devenir la gloire des cabarets parisiens de la Belle Epoque et encore moins à danser à l’Opéra de Paris.
A la mort de son père, elle se rend à New-York et s'installe avec sa bigote de mère qui n'apprécie guère les rêves artistiques de sa fille. De casting en casting, elle obtient un petit rôle muet et se fait remarquer par un très beau Comte toxyco (Gaspard Ulliel) lorsqu'elle agite ses voiles. Cette façon de danser est tout à fait accidentelle et comme la Tarte Tatin pourrait être un bel exemple de sérendipité (à vos dicos !).
Elle se fait piquer l'idée d'agiter des voiles sur scène, vole de l'argent au beau Comte et s'envole pour Paris. En fait, elle prend le bateau mais je ne sais comment on dit. Bref, elle s'enrame* pour Paris et avec l'aide du beau Comte toxyco et amoureux, elle enflamme les cabarets par l'originalité de ses créations.
*elle vogue :-) Merci Aifelle. Parfois les mots les plus simples m'échappent. Pas vous ?
Sauf que ça a eu peu d'impact sur moi. Voir évoluer cette artiste recouverte de plusieurs mètres de tissus vaporeux devant et derrière des éclairages qu'elle voulait de plus en plus sophistiqués, ce qui était coûteux et innovant, est très joli, voire impressionnant, mais de là à regarder ces papillons et libellules soyeux pendant plusieurs minutes !!! Mouais. Néanmoins, il semble que l'art de Loïe Fuller et ses danses serpentines aient fait d'elle une pionnière en matière de danse moderne. Sauf que la danse, on est en droit de la chercher et tout étourdissantes que soient ces chorégraphies de derviche tourneur, elles tiennent davantage de la prouesse gymnique que de la danse. D'ailleurs, la réalisatrice s'applique davantage à nous montrer les souffrances d'une athlète hors du commun plutôt que la joie, la souplesse et la légèreté. Sans rien y connaître, je trouve que la danse est synonyme d'élégance, de souplesse, de légèreté. Ici tout semble être accompli en force et l'artiste terminait ses prestations au bord de l'évanouissement. Loïe Fuller devait être une force de la nature pour supporter et agiter pendant de longues minutes ses voiles accrochés à de longs morceaux de bois. Son dos, ses cervicales ont rapidement été endommagés, ainsi que ses yeux constamment exposés à de violents éclairages. Elle a constamment dû se battre contre des directeurs de théâtres, puis de l'Opéra pour imposer son style et ses idées qui ravissaient les foules. Jusqu'à l'arrivée d'Isadora Duncan qu'elle a elle-même révélée au public et qui révolutionna d'une autre manière la danse, la rendant plus libre et spontanée.
L'amitié amoureuse puis l'affrontement, la compétition entre les deux jeunes femmes, la seconde finissant par éclipser la première, surviennent aux deux tiers du film et ne passionnent pas davantage. Si Lily-Rose Depp repérée pour ce rôle symbolique (la toute jeune génération chassant la précédente pas beaucoup plus âgée) est un astre de lumière, clone parfait de Johnny et Vanessa, mais en mieux, elle n'a pas grand chose à faire ou à prouver. Elle n'a qu'à paraître et à exhiber son physique et son minois parfaits. Soko, que je vois de plus en plus au cinéma, ne réussit toujours pas à me convaincre tant je trouve qu'elle réussit jusqu'à présent à rendre antipathiques des personnages torturés, douloureux pour lesquels je devrais mais ne parvient pas à éprouver la moindre empathie.
Mais il y a dans ce film d'indéniables qualités comme cette superbe scène où Loïe "entraîne" ce qu'elle nommait les "petites danseuses" qui l'accompagnaient sur scène. Dans un jardin paradisiaque, elles courent, sautent, dansent, rient et c'est très beau... mais beaucoup trop court.
Et puis il y a l'excellence des seconds rôles qui éclipsent les premiers, tout en discrétion et pourtant remarquables. Gaspard Ulliel, d'une beauté quasi irréelle, d'une élégance folle. En amoureux transi, éconduit mais persévérant et protecteur, dépendant à l'éther... il est fiévreux, ardent et passionné. Magnifique. Et Mélanie Thierry, elle aussi amoureuse dans l'ombre, amie, camériste, impresario, gouvernante, d'une fidélité indéfectible, impose une présence discrète mais solide. J'adore cette actrice.
J'ai lu que les homosexuels trouvaient ce film homophobe... Faut pas pousser, mais il est vrai que l'homosexualité de Loïe est vraiment traitée avec des pincettes !
Commentaires
J'étais très très tentée par ce film, jusqu'à effectivement lire les critiques qui accusent le film de lesbophobie. Pour moi ces critiques sont justifiées. Le film est censée dépeindre la vie de Loïe Fuller, qui bien que brièvement mariée à un homme avait ensuite affiché sa relation avec une femme, Gabrielle Bloch. La réalisatrice a décidé de gommer cette relation et d'inventer le personnage de Gaspard Ulliel, sous prétexte que le film allait manquer d'hommes (!), ce qu'elle a déclaré en conférence de presse... Soko en a rajouté en disant que c'était mieux de ne pas faire un énième film lesbien (re-!)
Dommage :-(
A l'éclairage de ce que tu me dis, je vais retirer une étoile.
Un énième film lesbien ??? Ah bon, il y en a tant ??? De la part de Soko c'est encore plus étonnant.
La réalisatrice devrait donc plutôt faire des fictions car le personnage inventé de Gaspard Ulliel est beaucoup plus intéressant.
Quant à Gabrielle Bloch (Mélanie Thierry dans le film), c'est encore plus dingue, sachant qu'elles ont vécu plus de 20 ans ensemble de faire comme si elles s'ignoraient.
N'importe quoi !
On dit "elle vogue vers Paris" ;-) Je ne suis pas très tentée par ce genre de sujet, toujours un peu casse-gueule. J'ai entendu Socco parler de son rôle, bof ... ça se prend très au sérieux tout ça.
Mais bien sûr... Elle vogue... et pas elle rame :-)
Oh que oui ça se prend très au sérieux ! L'art, la vie, l'amour tout n'est que souffrance.
SERENDIPITE (oui je sais je n'ai pas mis les accents en majuscules), un terme appris durant mes études... Tu penses quand l'objet de tes études c'est d'apprendre à chercher notamment....
Bon j'avoue que moi rien que de lire la critique cela m'endort....
Ce que tu es savante ! Je l'ai découvert hier ce mot.
Oui tu t'endormirais :-)
Et paf, rétrogradé :-)
Oui il faut se pincer pour y croire...
Voici l'article de blog que j'avais lu à ce propos : https://blogs.mediapart.fr/aude-fonvieille/blog/150916/chronique-de-la-lesbophobie-ordinaire