LE CIEL ATTENDRA
de Marie-Castille Mention-Schaar ***
Avec Sandrine Bonnaire, Noémie Merlant, Clotilde Courau, Naomi Amarger
Synopsis : Sonia, 17 ans, a failli commettre l'irréparable pour "garantir" à sa famille une place au paradis. Mélanie, 16 ans, vit avec sa mère, aime l'école et ses copines, joue du violoncelle et veut changer le monde. Elle tombe amoureuse d'un "prince" sur internet.
Sonia et Mélanie ne se connaissent pas mais sont un jour tombées, via Internet entre les mains de types chargés de recruter des jeunes filles qu'elles épousent sans les connaître et qu'elles rejoindront en Syrie. On sait désormais que le sort qui est réservé à ces jeunes filles est la privation totale de liberté pour faire des enfants qui leur seront enlevés. Si elles ne parviennent pas à rejoindre la Syrie, elles doivent "acter", c'est-à-dire commettre un attentat.
Le film suit le parcours de déradicalisation de Sonia et l'embrigadement progressif de Mélanie. Parallèlement on observe la douleur et l'impuissance des parents confrontés à ce bouleversement dont ils ne comprennent pas forcément l'origine. Le changement de comportement de Mélanie fait penser à une crise d'adolescence, rien de plus. Elle devient boudeuse, s'enferme, claque les portes... Hélas ici, le mal est plus profond. Il suffit d'une seconde d'inattention, de ne pas constater que la mort d'une grand-mère adorée plonge une ado dans la souffrance terrible et tout bascule. Un beau parleur à l'écoute via les réseaux sociaux... et la demoiselle est conquise, se sent comprise
La construction du film permet de faire naître le suspens alors qu'on comprend très rapidement que pour l'une d'entre elle il est trop tard. On est tenu en haleine et même si le discours des recruteurs est consternant de bêtise, repérable à cent lieues, on comprend que leur art de la manipulation et la façon qu'ils ont de mettre en valeur leur interlocuteur qu'ils sentent fragile peut en troubler plus d'une. Dès lors que la proie est ferrée, le discours se fait pourtant plus ferme, plus agressif mais une jeune fille amoureuse devient sourde et aveugle.
Dans ce film, j'ai fait la connaissance de Dounia Bouzar et je l'ai trouvée épatante. Elle joue son propre "rôle" puisque dans la vraie vie, elle a fondé en 2014 le «Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam». Dans le film comme en réalité, elle reçoit les familles et les enfants qui ont été embrigadés. Je découvre qu'elle est énormément critiquée. Evidemment c'est tellement facile... Elle parle pourtant de l'Islam, qu'elle semble parfaitement connaître avec des mots simples, clairs et précis et peut se faire aussi convaincante que les recruteurs, mais dans le but de sortir les victimes de leur embrigadement, en leur parlant des véritables valeurs de cette religion. Elle tente de recréer le lien perdu entre les parents et les enfants. Je la trouve courageuse et utile, même si j'aurais préféré qu'elle soit athée ou agnostique. Il semblerait qu'elle se soit convertie à l'Islam. Mais elle n'en parle pas comme d'une religion qui sème le malheur, la terreur et la mort.
Pour son film, la réalisatrice s'est entourée d'un casting de choix. On imagine sans peine ce que les mamans interprétées par Sandrine Bonnaire et Clotilde Courau ont comme ressource d'émotion, de courage et de désespoir pour tenter de secourir leurs filles. Les pères, Zinedine Soualem et Yvan Attal sont parfaits dans leur douleur, leur colère et leur impuissance. Et les deux jeunes filles interprétées par Noémie Merlant et Naomi Amarger sont impressionnantes de justesse.