LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES
de Marlon Brando ***
États-Unis 1961
Avec : Marlon Brando (Rio), Karl Malden (le sheriff Dad Longworth), Katy Jurado (Maria Longworth), Ben Johnson (Bob Amory)
Synopsis : En 1880, dans le village mexicain de Sonora, Rio (Marlon Brando) et Dad Longworth (Karl Malden) pillent une banque et s’enfuient. L’une des montures est blessée et Dad promet à Rio de revenir avec un autre cheval. Mais il disparaît avec le butin, abandonnant son complice aux mains des autorités. Évadé de prison, Rio retrouve Dad, devenu le respectable shérif d’une petite ville de Californie.
L'envie profonde de rédemption est constamment contrecarrée par les méchants et Karl Malden s'y entend comme personne pour souffler le chaud et le froid.
Ce qui surprend également dans ce film, ce sont les décors. Il s'agit d'un western bien sûr mais tourné à la toute extrémité de l'ouest près de la petite ville de Monterey Californie et du coup, la plupart des scènes se passent sur la plage. Ce qui fait de ce film une rareté. Lorsqu'après s'être fait fouetter jusqu'à l'os et briser la main droite par son ancien ami, Marlon se rend dans une retraite, sorte d'auberge tenue par des chinois... c'est directement sur la plage. Sublime.
Le côté anti-raciste, défenseur des minorités de l'acteur réalisateur transparaît également ici : son meilleur ami est mexicain, il tombe amoureux d'une mexicaine, il se réfugie chez des chinois.
N’écoutant que sa soif de vengeance, Rio, figure de l’Ouest sauvage, prépare ses représailles. Mais sa rencontre avec Louisa, la belle-fille mexicaine du shérif, vient bouleverser ses desseins. Dans ce film contemplatif, traversé de vagues d’une rare brutalité, Brando filme des paysages encore inviolés. D’un côté, les étendues désertiques de la vallée de la Mort. De l’autre, l’océan Pacifique à perte de vue. S’il participe du genre western, La Vengeance aux deux visages s’en distingue pourtant par son rythme lent, sa violence baroque et l’ambiguïté de ses personnages.
Seule réalisation signée par le comédien, La Vengeance aux deux visages connaît une production pour le moins chaotique. Pour mettre en scène le scénario initial – dont Sam Peckinpah serait à l’origine, mais pour lequel il n’a jamais été crédité au générique –, Brando fait appel à Stanley Kubrick. Mais les divergences artistiques entre les deux hommes se multiplient. Après six mois de préparation, Brando remercie Kubrick et prend lui-même la tête du projet.
Homme de tous les excès, Brando se lance dans un interminable tournage, dépense six millions de dollars au lieu des deux prévus par la production, enregistre quatre-vingt-dix heures de film et livre un director’s cut de près de cinq heures. Les studios Paramount sont contraints de remonter le film et détournent la vision de Brando, imposant un happy end et privilégiant toujours la romance entre Rio et Louisa. À sa sortie en salles, le film connaît un échec cinglant.
Malgré cette genèse difficile, Brando signe une œuvre surprenante, tumultueuse, parfois inégale, mais résolument personnelle. « Même dans sa version tronquée, c’est une réussite stupéfiante, un des meilleurs westerns de tous les temps » déclare Martin Scorsese (Positif n°241, avril 1981).