RÉPARER LES VIVANTS
de Katell Quillévéré ***(*)
Avec : Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner, Kool Shen, Anne Dorval, Alice Taglioni, Bouli Lanners, Monia Chokri, Karim Leklou, Dominique Blanc, Finnegan Oldfield, Gabin Verdet
Au petit matin, Simon jeune homme de 17 ans, blond et beau comme un surfeur quitte la chambre de sa petite amie en loucedé. Il se rend au bord de la mer avec deux copains pour une séance de surf. Crevés à l'issue de cette escapade les trois amis reprennent la route...
Simon pose la tête sur l'épaule de son ami. Mais... c'est l'accident. Si le conducteur et l'un des passagers s'en sortent avec quelques blessures, Simon, sans ceinture, mortellement touché se retrouve très vite en état de mort encéphalique. Son coeur est maintenu uniquement par des machines et les parents sont contraints d'accepter la mort de leur enfant. Se pose alors à eux la question du don d'organe. Rose de son côté, de plus en plus diminuée par ses problèmes cardiaques n'a plus qu'un espoir : la greffe.
Je n'avais pas lu le best-seller multirécompensé de Maylis de Kerangal dont le film est tiré, tant l'auteure au cour de ses interviews de l'époque m'était apparue aussi snobinette et prétentieuse que son patronyme avec sa docte voix plus gnangnan qu'un narcotique. A quoi ça tient quand même ! Mais il y a tant de livres à lire que parfois, il est bon que le choix s'effectue d'une manière ou d'une autre.
Après la longue et magistrale scène inaugurale, quasi silencieuse mais prodigieusement belle et significative qui s'achève sur cette route qui se transforme en mer... vient l'annonce aux parents forcément dévastés, la rencontre avec l'équipe chargée des dons d'organes, la décision des parents de Simon d'autoriser le prélèvement d'organes de leur enfant... je me disais que tout ce que je voyais jusque là était presque sans surprise et que tout était dans la bande-annonce. Que la musique pianistique envahissante n'allait pas tarder à me donner la nausée... Je me demandais d'où la surprise pouvait encore venir et si je n'allais pas tarder à m'assoupir. Et puis, est arrivée la seconde partie et on part sur une autre histoire qui va rejoindre la première. Celle d'une femme d'âge mûr mais encore jeune dont le cœur épuisé ne réagit plus aux traitements et à qui on propose une greffe. Après l'hésitation à l'idée de devoir continuer à vivre avec le cœur d'un mort, elle accepte.
Et finalement, toutes les réticences se sont transformées et je n'ai plus vu que le côté humain, prodigieusement sensible, pudique et bouleversant de cette histoire, de ces histoires mêlées, et le parcours de ce cœur qui bat d'une poitrine à une autre, et la façon dont la réalisatrice s'y prend pour les raconter et nous accrocher aux personnages. C'est par ailleurs la première fois que je peux "assister" à une (et même deux) opérations à cœur ouvert sans avoir envie ou besoin de détourner les yeux. Comme les chirurgiens transplanteurs (je ne sais si le terme existe), comme toute l'équipe médicale assemblée, attentive, troublée et concentrée autour de Simon dans le coma, mort mais avec son cœur qui bat... émerveillés par ce "cœur magnifique", on a envie de plonger dans cette poitrine ouverte et de saisir ce cœur dans les mains.Et l'on est emporté par ce film où s'imposent l'empathie, la bienveillance et la compassion.
Katell Quillévéré à la tête de son casting royal a un don pour la direction d'acteurs tant ils semblent tous eux aussi portés par l'émotion, la beauté et la force de cette histoire au cœur de laquelle, suprême injustice, un jeune homme de 17 ans meurt. On peut regretter que la réalisatrice n'ait pas, comme dans le roman semble-t-il, suivi le parcours du cœur sur 24 heures et qu'elle se soit autorisée des digressions, des allers retours, des flash-backs. Mais finalement, cela permet de comprendre à peu près tous les nombreux personnages, même très secondaires, de connaître une partie de leur histoire personnelle et de s'attacher à eux. Ce qui tient de l'exploit compte tenu du nombre important de personnages. A l'exception près de celui de Monia Chokri, caricatural et sans grand intérêt, et d'une scène d'une inutilité absolue dans un ascenseur... Et je sais gré à Katell Quillévéré de ne pas nous avoir bassinés avec le manque d'effectif des hôpitaux, le nombre d'heures effectué... ce dont les malades et leurs proches ne devraient jamais avoir à souffrir. Elle évoque ces deux aspects mais très discrètement.
La course contre la montre que représente le moment décisif où le cœur est enlevé du corps de Simon, transporté en avion avec deux accompagnateurs, pour être finalement transplanté dans le corps de Claire est intense et magnifique.
Emmanuelle Seigner porte la douleur du monde dans son regard. Mais jamais elle ne sombre dans l'excès et le pathos. Cette actrice est sublime. Elle a tout compris de la détresse de se retrouver seule sur un parking d'hôpital après avoir appris une nouvelle insurmontable qui va changer sa vie à tout jamais et voir qu'autour d'elle la vie continue. Le couple de cinéma qu'elle forme avec Kool Shen bien que séparé, se retrouve solidaire dans le chagrin. Tahar Rahim est un médecin d'une douceur exceptionnelle qui ne prend pas les gens pour des cons et leur parle franchement. Je crois que c'est son meilleur rôle depuis Un Prophète. Bouli Lanners, Karim Leklou, Dominique Blanc sont aussi des médecins qu'on rêverait de rencontrer le moment venu... Anne Dorval est une malade incroyable et ses rapports avec ses enfants, avec Alice Taglioni vraiment beaux. Chaque acteur, parfois en une scène ou deux réussit à donner de la vie et du sens à son personnage. Mention spéciale une fois encore à Finnegan Oldfield qui décidément crève l'écran à chacune de ses apparitions.
Commentaires
D'habitude j'attends de lire tes critiques avant d'aller voir un film. Cette fois le hasard du jour férié de la toussaint (de circonstance pour aller voir au cinéma seule voir ce film) a voulu que j'y cours.
En dehors de ta description de l'auteur que je ne connais pas (je ne te remercie pas j'avais prévu de lire ses autres romans
Ah ben c'est subjectif... les voix douces (qui s'écoutent parler), les hésitations, les hum hum, tout ça, moi ça a tendance à me taper sur le haricot :-) !
Et qu'as tu pensé du film ?
J'ai trouvé ça... réel ! Émouvant mais jamais larmoyant. Criant de vérité et j'ai profondément aimé (presque envié) le respect des soignants, des patients. Une multitude de sentiments. Bref j'ai beaucoup aimé. Beaucoup... même si j'ai un fils sportif de 17 ans...
L'attitude des soignants pour moi c'est vraiment de la fiction...
Et oui les garçons nous font des frayeurs avec leur côté casse cou(ille) sportif.