de Rebecca Zlotowsky **

Avec Natalie Portman, Lily Rose Depp, Emmanuel Salinger, David Bennent, Louis Garrel, Pierre Salvadori

Synopsis : Paris, fin des années 30.
Kate et Laura Barlow, deux jeunes mediums américaines, finissent leur tournée mondiale.

Fasciné par leur don, un célèbre producteur de cinéma, André Korben, les engage pour tourner dans un film follement ambitieux. Prise dans le tourbillon du cinéma, des expérimentations et des sentiments, cette nouvelle famille ne voit pas ce que l’Europe s’apprête à vivre.

Je suis la première, en tout cas pas la dernière, à dire et reconnaître qu'il n'est pas nécessaire de comprendre un film pour l'aimer. Ici ce n'est pas tant qu'on ne comprend pas ce qu'on nous raconte mais que le film part dans tant de multiples directions qu'on finit par ne plus savoir quelle histoire on est censé suivre. Être délicieusement perdu comme dans Mulholland Drive de David Lynch est un bonheur de tous les instants qui se renouvelle à chaque vision du film. Ici on a l'impression d'assister au brouillon de plusieurs films d'une réalisatrice qui aimerait nous dire beaucoup de choses mais ne parvient pas à s'y consacrer, à se concentrer. J'ai conscience que ce que je dis peut avoir de désagréable. Mais on aurait dû, on aurait pu assister à un GRAND film incontournable. Le lendemain, il n'en reste pas grand chose.

D'abord il y a l'histoire incroyable (et vraie ?) de ces deux sœurs mediums américaines qui parcourent l'Europe et finissent par s'installer à Paris. Elles vivent de leur talent sur scène et en séances privées. Elles font "apparaître" en pensée, en visions, des personnes mortes à ceux qui souhaitent les revoir. C'est Kate, la plus jeune, qui a le "don". Laura l'aînée sert de conducteur en quelque sorte entre Kate et le "client". Un producteur, très sceptique au début, mais troublé par l'expérience qu'il vit, va héberger les deux sœurs et tenter de faire un film qui évoque leur don.

Puis il y a l'histoire du film dans le film où rien n'est moins cinégénique qu'une apparition qui n'a pas lieu. Comment la matérialiser sans effets spéciaux ? Lors de la première scène filmée, il se trouve que Kate sensée être au centre puisqu'elle a le don, se trouve éclipsée par l'incroyable photogénie de son aînée. On passe directement et sans transition de l'étude des pouvoirs des deux jeunes femmes à la naissance d'une actrice... Ce fut pour moi la partie la plus intéressante tant Natalie Portman, comédienne, tragédienne déploie toute l'étendue de ces capacités d'interprétation.

Se greffent alors des histoires d'amour improbables où l'on ne sait jamais vraiment qui aime qui, qui est attiré par qui. La jalousie puis l'éloignement des deux sœurs jusque là fusionnelles. Laura est-elle troublée par le premier baiser de cinéma qu'elle reçoit ou imagine-t-elle, rêve-t-elle que Korben l'embrasse ? Korben lui-même "utilise"-t-il ces deux femmes ou les aiment-ils, l'une amoureusement, l'autre comme un père ? On ne sait jamais et on finit par ne plus s'en préoccuper. Puis l'antisémitisme, la montée du nazisme font leur apparition dans ce milieu d'artistes qui semblent totalement sourds aux bruits de bottes. Sans compter que les moments dramatiques ne touchent absolument pas.

Le lendemain ce qui (me) reste du film n'est pas l'histoire, les histoires qui n'ont fait que s'embrouiller pour ne plus ressembler à rien mais l'interprétation irréprochable et troublante de Natalie Portman, son stupéfiant rire de vieux routier, son français à l'accent délicieux, celle tout en douceur, en naïveté parfois d'Emmanuel Salinger. Lily-Rose Depp est charmante toujours et la réalisatrice insiste sur l'étrangeté de son visage au morfing étonnant Johnny/Vanessa. Mais je me suis parfois demandée si son rôle était celui d'une jeune fille surdouée ou d'une simplette tant elle semble souvent déconnectée. Et puis, on retrouve l'incroyable David Bennent (Ossskkkaaarrr), et ça c'est bon. Mais sinon...