de Clint Eastwood ****

Avec Tom Hanks, Aaron Eckhart

Synopsis : Le 15 janvier 2009, le monde a assisté au "miracle sur l'Hudson" accompli par le commandant "Sully" Sullenberger : en effet, celui-ci a réussi à poser son appareil sur les eaux glacées du fleuve Hudson, sauvant ainsi la vie des 155 passagers à bord. Cependant, alors que Sully était salué par l'opinion publique et les médias pour son exploit inédit dans l'histoire de l'aviation, une enquête a été ouverte, menaçant de détruire sa réputation et sa carrière.

L'histoire est donc vraie et elle a une fin heureuse. Tout le monde a été sauvé. Le commandant Sully lui-même le dira au téléphone à sa femme : "je suis vivant et je n'ai rien, pas même une égratignure". Apparemment, seule une personne a été blessée. L'histoire ne dit pas s'il y a eu des pneumonies car les eaux de l'Hudson un 15 janvier sont à 2°, la température extérieure descendue à - 20 °. Et avant que les secours n'arrivent, très rapidement d'ailleurs, les passagers ont séjourné dans l'eau ou debout sur les ailes de l'avion...

J'ai d'abord eu très peur car je dois vous l'avouer, je me suis copieusement ennuyée pendant un bon quart d'heure. J'en étais mortifiée vous pensez. Un film de Clint ! Quand viendrait le prochain ? Je me disais pourtant qu'il avait bien fait de ne pas raconter l'histoire de façon chronologique, mais la présence imperturbablement monolithique de Tom Hanks (qu'ensuite je trouvai plus que parfait), les discussions entre les experts des assurances, les débordements des médias, la glorification du héros alors qu'en "coulisses" ses décisions sont remises en cause... donnaient l'impression que tout était prévisible, sans trouble ni surprise. 

C'était compter sans la maestria d'un réalisateur qui n'a plus à faire ses preuves. Qui sait raconter une histoire, magnifier un héros. C'est d'ailleurs je trouve la marque des plus grands qui sont capables de raconter une histoire dont on connaît absolument tout et surtout l'issue tout en réussissant à nous scotcher au fauteuil et à l'écran. Tout comme récemment ma chère Emmanuelle Bercot avec l'affaire du Médiator révélée par Irène Frachon dans la Fille de Brest.

Dès lors qu'on se retrouve en cabine avec les 150 passagers (les autres représentent l'équipage) Clint Eastwood ne fait pas d'esbroufe. Si quelques personnages sont esquissés histoire de comprendre que parfois il vaudrait mieux ne pas s'acharner à vouloir monter dans un avion, on ne s'attarde pas sur des histoires personnelles tire-larmes ou trop marquées comme souvent dans les films catastrophe. Il faut dire que ce film n'est pas un film catastrophe même si la partie consacrée au crash... qui n'est en fait pas un crash mais un amerrissage insistera le commandant mis sur la sellette... cette scène donc, renvoie toutes les scènes de crash d'avion à l'ère préhistorique. Nous revivrons plus tard la même scène à l'intérieur du cockpit rien qu'avec le commandant et son second, puis de la salle des aiguilleurs et enfin de la façon la plus troublante qui soit, rien qu'en entendant les échanges entre le commandant et son co-pilote pendant ces 200 secondes interminables. Quatre fois la même scène de quatre façons différentes. Et c'est... absolument prodigieux !

Créer une telle tension sans multiplier les effets, les cris, les dialogues tient du miracle. Et ce qui impressionne au milieu du drame qui se joue en une poignée de secondes, c'est la totale maîtrise, le calme hallucinant dont chacun fera preuve tout au long de la catastrophe. Emmenés par leur "commandant", concentré au-delà de ce qui est humainement possible sur sa tache, il se contentera de dire au micro "préparer vous à l'impact" car même si plus tard l'avion semble tranquillement posé sur l'eau, le choc terrible de l'amerrissage est violent. Sully est suivi par ses hôtesses qui ne cesseront de répéter ce que les passagers doivent faire et là... Aucune concertation entre les membres de l'équipage, chacun a toujours su ce qu'il avait à faire. Et on imagine ce que cela a pu avoir comme effet sur les passagers. Dernier miracle, pas un passager ne perdra le contrôle de ses nerfs malgré la terreur qui se lit dans les regards, les attitudes et les cris. Lorsqu'il faudra quitter l'avion pour se réfugier sur les canoës et les ailes, le commandant prendra le temps de féliciter ses passagers qui se dirigent vers la seule issue praticable : "on continue comme ça, on s'en sort très bien". Frissons garantis.

Ce miracle, aucune victime, tient sans doute au fait que Sully habité par un sang-froid hors du commun, capable encore de prendre dans un calme impérial des décisions allant à l'encontre de ce qu'on lui propose depuis la tour de contrôle, est secondé par un homme qui fera preuve de la même solidité de nerfs, du même calme. Une équipe soudée exemplaire. Soutenue rapidement par les équipes de secours qui ont réussi l'autre exploit de sauver tout le monde en 24 minutes.

Sans plus d'esbroufe, sans grande tirade, sans effets de manche, Clint confronte ces deux héros qui n'ont de cesse de dire qu'ils ont fait leur boulot, et du bon boulot, à l'injustice aberrante des assurances qui remettent en cause les décisions. Grand moment surréaliste lors des reconstitutions et simulations de l'accident par des ordinateurs... je ne vous révèle rien...

L'ombre du 11 septembre 2001 plane inexorablement sur ce film et on ne peut s'empêcher de se dire que ce 15 janvier les New-Yorkais ont eu le temps de voir un avion faire du rase-motte au-dessus de leur tête pendant quelques instants. Et le réalisateur "s'offre" son 11 septembre en matérialisant un cauchemar du commandant Sully dont les nuits sont peuplées du scenario catastrophe qui serait advenu s'il avait pris une autre décision.

La construction du film en fait un suspense de haute volée et le palpitant bat la chamade constamment. Tom Hanks, droit dans son beau costume d'aviateur, à qui les cheveux tout blancs vont très bien, s'envole je pense, une fois encore tranquillement vers un nouvel Oscar tant son interprétation solide, sa présence calme et déterminée le hisse au sommet. Cet acteur, capable pendant deux heures de nous tenir en haleine en parlant avec un ballon renouvelle l'exploit de ne jamais en faire trop. Près de lui Aaron Eckhart, sobre et en retrait est pourtant largement à la hauteur.

Bref, à l'instar du commandant Sully, Clint, Tom et Aaron font un sacré bon boulot.

NB. : les plus attentifs repèreront peut-être comme moi une affiche de Gran Torino lorsque Tom fait un jogging. Sacré Clint. Une manière d'apparaître dans son film.

Et si vous voulez voir le VRAI Sully, sa vraie femme, les vrais passagers... patientez jusqu'à la fin du générique.