FÉLICITÉ
d'Alain Gomis ***
Avec Véronique Beya Mputu, Papi Mpaka, Gaetan Claudia
Synopsis : Félicité, libre et fière, est chanteuse le soir dans un bar de Kinshasa. Sa vie bascule quand son fils de 14 ans est victime d'un accident de moto.
Pour le sauver, elle se lance dans une course effrénée à travers les rues d'une Kinshasa électrique, un monde de musique et de rêves. Ses chemins croisent ceux de Tabu.
Je n'aime pas comparer les films les uns avec les autres. J'évite autant que possible de le faire. Mais lorsque deux histoires sont tellement basées sur le même principe, la même finalité (trouver de l'argent en un temps record), il est difficile de résister. Surtout que la comparaison est largement à l'avantage de cette Félicité ! Ce film ressemble donc comme une soeur à Ma' Rosa, sauf qu'il lui est mille fois supérieur. Là où le parcours de Ma' Rosa était fatigant et le personnage interprété par une actrice (étrangement couronnée d'un prix d'interprétation à Cannes en 2016) totalement apathique et inexpressive, ici on s'attache aux pas de Félicité et à sa course contre la montre pour sauver son enfant.
L'actrice dont c'est le premier film, Véronique Beya Mputu (une beauté !) bouffe littéralement l'écran et lorsqu'on la découvre la première fois, elle chante, elle crie plutôt, dans une sorte cabaret coincé entre deux bâtiments où les hommes viennent se saouler, tripoter les femmes au passage, mais aussi discuter, palabrer, pérorer sur la vie, la mort, les vaches ! On la voit ensuite, forte femme, forte tête, grande gueule, rabrouer un type, un voisin, un ami... chargé de réparer son frigo en panne.
Très vite, elle est prévenue que son fils a été transporté à l'hôpital suite à un accident de moto. Dès lors, sa vie se fige, plus rien ne compte. Mais le système de santé congolais est bien étrange. Aucun soin n'est prodigué sans l'apport d'une forte somme. Samo, la jambe quasiment arrachée, a beau se vider de son sang, aucune intervention ne sera réalisée sans cette somme. L'hôpital ne fournit pas non plus les médicaments qu'elle doit se procurer elle-même à la pharmacie. On est sans voix. Et alors qu'elle n'est que méfiance vis-à-vis des hommes, et même de Tabu, séducteur invétéré certes, réparateur approximatif de frigos mais manifestement amoureux de Félicité, elle accorde sa confiance à la première "maman" venue, à l'air particulièrement doux, réconfortante et prête à l'aider. Erreur.
Le parcours du combattant pour trouver de l'argent va mener Félicité à travers les rues sales, bouillonnantes et bruyantes de Kinshasa. Lors de son porte à porte effréné elle n'hésite pas à s'humilier, va droit à l'essentiel, peu importe qu'on la rejette ou qu'on l'insulte. Et elle devient sublime dans sa quête quasi silencieuse.
Entrecoupé de plages musicales, Félicité sur scène ou une chorale magnifique, le film est d'une intensité dramatique hors normes et réserve des surprises parfois choquantes, parfois plaisantes, tant on connaît mal ce pays, ce continent. L'interprétation de Véronique Beya Mputu, tout en silence et en intériorité donne au film une partie de sa puissance.
D'une grand beauté formelle, la réalisation frôle parfois le surnaturel et lorsque Félicité sourit enfin, on sourit avec elle.
Commentaires
Il est sublime ce film, quelle réussite. Je l'avais comparé aussi à Ma Rosa, et clairement, j'ai la même analyse que toi.