JONCTION 48
de Udi Aloni ***
Avec Tamer Nafar, Samar Qupty, Salwa Nakkara
Synopsis : Dans la petite ville de Lyd à 20 minutes de Tel Aviv, Kareem, rappeur palestinien, mène une vie faite de petits boulots et de virées entre potes. Lui et son amie Manar doivent lutter pour s’aimer et s’exprimer par leur musique, que ce soit dans leur ghetto rongé par la criminalité ou sur la scène hip-hop de Tel-Aviv…
Quelques mots sur ce film avant qu'il ne disparaisse des écrans.
Il est des "petits" films précieux qu'il faudrait défendre et surtout qu'il faudrait voir.
Celui-ci m'a brisé le cœur. Tant voir cette jeunesse qui ressemble à toutes les autres pourtant, au prise avec un quotidien tellement chargé d'histoire, de haine et de racisme endémiques qu'il en devient dangereux, est triste et désolant. Sans parler qu'être une jeune femme dans ces milieux où les "grands frères", les cousins se mêlent de l'honneur de la famille est un combat permanent. Il faut se cacher pour vivre un peu. Il faut du courage. Du courage pour vivre, c'est dingue ! Alors imaginez une fille amoureuse d'un rappeur, qui elle-même chante.
La dernière scène, la dernière image m'ont laissé quasiment anéantie. En voyant ce qui se passe là-bas, on se prend à penser que nos petits problèmes du quotidien sont bien insignifiants. Ici, il faut se battre continuellement, résister, contester. Contre les contrôles aléatoires et injustifiés de la police, contre les expulsions, contre les traditions familiales, contre la criminalité qui règne dans ce quartier chaud de cette petite ville.
Être un citoyen arabe dans une ville israélienne ! Être citoyen musulman parmi les citoyens juifs !
Plus le film avançait plus je m'attachais à Kareem. Il fait ce qu'il peut, avec ses parents, son frère, son amie adorée. Quand il la regarde, le cœur fond ! Il dit, il affirme qu'il ne fait pas de politique, mais ses textes ne parlent que de ça. De l'injustice d'un conflit sans fin ! Et lorsqu'il dit, au bord de l'épuisement moral : "il y a toujours quelque chose pour me tirer vers le bas...", cette phrase résume toute la difficulté de s'en sortir quand le déterminisme s'acharne.
C'est manichéen, oui. On voit avec certitudes de quel côté se trouve le réalisateur qui est très controversé paraît-il mais son film est plein d'une énergie communicative. Et beaucoup de scènes, la plus belle étant celle où une famille du quartier s'étant faite expulser et sa maison détruite, Kareem et ses amis organisent en pleine rue un concert et une soirée improvisés, sont vraiment très belles. Et les intermèdes musicaux très forts et superbement interprétés.