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DUNKERQUE

de Christopher Nolan ****

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Avec Fionn Whitehead, Tom Glynn-Carney, Jack Lowden, Cillian Murphy, Tom Hardy, Kenneth Brannagh

Synopsis : Le récit de la fameuse évacuation des troupes alliées de Dunkerque en mai 1940.

Je sais que j'arrive un peu après la bataille et que d'autres que moi ont déjà évoqué et sans doute beaucoup mieux que je ne vais le faire ce film étrange et inédit en tout point je trouve. Et après cette bienheureuse interruption et totale déconnection, il m'est bien difficile de reprendre la rédaction. Je vais donc tenter de faire au mieux.

Je me suis d'abord demandé pourquoi cet américain de Christopher Nolan se préoccupait tant et avec tant de passion, du sort des rosbeefs pendant la guerre. Simplement parce que, erreur de ma part, Nolan est britannique et à ce titre doit porter en lui cet épisode marquant et dramatique de son pays alors en guerre. Un peu comme nous Waterloo... quoique ce n'est pas ce qui personnellement m'empêche de dormir.

Je n'irai pas jusqu'à prétendre que j'ai vu le film en apnée mais pas loin. Et trois jours après sa vision, il est encore bien présent dans mon esprit. Je revois des images, j'entends des sons, la musique me hante et m'obsède. Et tout cela dans le sens le plus positif qui soit concernant le second effet kiss cool d'un film. La nuit fait parfois entrevoir qu'un film est bien meilleur ou bien pire que l'impression qu'il a laissée dès la fin du générique. Alors imaginez après trois nuits ! J'en suis actuellement à avoir envie de le revoir alors que j'avais pensé qu'il s'agissait d'un excellent film que je ne reverrai sans doute pas. Tout cela étant inutilement dit, qu'en est-il exactement ? Car évidemment si l'on a pas porté un intérêt précis à la seconde guerre mondiale, ce n'est pas non plus à l'école que cet épisode étonnant nous a été rapporté. Et pourtant je suis née à quelques encablures de Dunkerque à la frontière belge, y ai vécu plusieurs décennies et reviens tout juste de la sublime Côte d'Opale (où, n'en déplaise aux réfractaires, je me suis baignée chaque jour).

Revenons-en à nos soldats/privates. Début juin 1940 les armées britannique et française sont repoussées vers le Nord de la France par l'armée allemande. Prises en étau entre la mer et l'ennemi, si l'armée française reste forcément au pays, les anglais décident sans se préoccuper davantage du sort de leurs alliés d'évacuer le territoire. On comprendra d'ailleurs sans grand discours que sur le terrain, la belle alliance entre anglais et français souhaitée par les états major n'est en aucun cas la réalité. La résistance française est héroïque et désespérée mais il n'est pas question de cela ici et le film s'ouvre sur une scène hallucinante de tension où un groupe de troufions british, affamés et assoiffés tente de rejoindre la plage. De cette poignée d'hommes, il n'en restera qu'un dont nous allons suivre l'insensée et tumultueuse rage à survivre. Ce à quoi ce jeune homme échappe défie la logique et l'entendement, mais quand c'est pas ton heure soldat, c'est pas ton heure !

Dunkerque : Photo Fionn Whitehead

Il est donc question ici de l'évacuation, de la fuite diront certains, de l'armée anglaise. Et la façon dont Nolan construit son film nous rappelle à quel point le garçon sait nous retourner le cerveau et nous faire tourner sadiquement la tête et les tripes comme des toupies. Il m'a fallu du temps pour comprendre les 3 points qui s'inscrivent successivement à l'écran. Une heure dans l'air, une semaine sur le môle, un jour à bord du Moonstone. J'ai souri quand j'ai compris (au bout d'une heure et quart au moins, car je ne suis pas une rapide) et me suis dit bon sang mais c'est bien sûr et pensé derechef qu'il faut être fichument malin pour réussir à raconter simultanément, et en moins de deux heures s'il vous plaît, trois moments qui n'ont pas la même durée. Quitte à revenir en arrière, à revoir un épisode d'un point de vue différent. Nous sommes donc simultanément sur terre, sur mer et dans les airs. La réalisation est magistrale, le montage remarquable, la tension permanente.

Tom Hardy survole l'ensemble, finalement en solitaire et en majesté à bord de son spitfire de la R.A.F. avec une jauge qui faiblit de minute en minute. Je reviendrai à Tom plus tard...

300 000 troufions se trouvent donc sur la plage. Churchill veut en sauver 30 000. Ils constituent une cible parfaite et docile pour la Luftwaffe qui s'en donne à cœur joie à intervalles réguliers.

Dunkerque : Photo

Alternativement la plage est balayée à la sulfateuse ou criblée de bombes qui tombent des avions. Le seul bateau amarré dans lesquels les premiers soldats ont réussi à embarquer est coulé. "Qu'est-ce qu'on fait des blessés chef ?", ces bienheureux en civière (scène de cavale hallucinante, course cauchemardesque à perdre haleine pour atteindre le bateau...) qui sont prioritaires pour embarquer.

La mer se fait tour à tour alliée, l'eau n'est pas très froide, on est en juin, et pire adversaire lorsqu'elle s'embrase à cause du pétrole qui s'échappe des bateaux transformant les hommes à l'eau en torches vivantes.

Ce film ne conte pas une histoire comme on a coutume d'en découvrir au cinéma. Même si quelques "figures" émergent, il n'y a pas de numéro de stars et pourtant il est difficile de passer certains sous silence. Ce que Nolan privilégie c'est la tension permanente, l'absurdité de la situation n'a pas besoin de mots et les dialogues doivent tenir sur une page. Le but est la survie et le seul moyen d'y parvenir la fuite. Les côtes anglaises et les white cliff de Douvres sont visibles par temps clair. Le pays, la délivrance sont à portée de vue et pourtant l'intervalle de quelques dizaines de miles entre la plage de Dunkerque et les falaises s'apparentent à l'enfer sur terre.

La peur, le découragement, la lâcheté parfois, suintent de chaque pore, de chaque regard pétrifié d'angoisse. L'humanité, la compassion, la générosité surgissent également. Et rien n'est manichéen dans ce film. Et cette complète débâcle, ce ratage absolu, cette banqueroute totale en termes militaires transformera les survivants honteux en héros. "Nous n'avons fait que survivre" dira l'un d'eux.

La narration éclatée laisse certains sur le carreau. Je l'ai trouvée absolument admirable. J'ai parfois retrouvé les accents langoureux de Terrence Malick qui avait dépeint lui aussi admirablement l'absurdité de la guerre dans son exceptionnel Ligne rouge (l'un des plus grands, des plus beaux films de guerre qui soit). L'aspect le plus étonnant de cette histoire déroutante est sans doute l'appel lancé aux civils et marins plaisanciers pour venir en aide aux soldats de l'autre côté de la Manche.

J'ai lu aussi que "rien que les combats aériens avec Tom Hardy valent à eux seuls le ticket de cinéma", ce n'est pas faux mais pas uniquement. Impossible de ne pas évoquer la musique de Hans Zimmer qui ne sort pas les violons romantiques mais des accords grinçants, lancinants, interminables qui mettent les nerfs à rude épreuve.

Côté casting, c'est très luxueux. Le jeune Fionn Whitehead offre son visage juvénile face à la bêtise d'un fiasco lamentable. Il jette son fusil car pour survivre 1 contre 1 000 il ne faut plus se battre mais fuir. Cillian Murphy est impeccable en soldat terrorisé, prostré, traumatisé et pourtant responsable d'une horreur, Kenneth Brannagh droit dans ses bottes verse une émouvante larme devant cette déconfiture grandiose et Mark Rylance porte la noblesse et la compassion sur le visage.

 
 Dunkerque : Photo Mark RylanceDunkerque : Photo Kenneth BranaghDunkerque : Photo Cillian Murphy, Tom Glynn-Carney
 
 
Quant à Tom Hardy, quasiment toujours invisible (ce qui est presque insupportable) sous son harnachement d'aviateur, il  porte l'héroïsme à des hauteurs incalculables et invisibles à l'œil nu. Le sublime morceau de bravoure que lui offre son acolyte Nolan sur un plateau, hisse la scène aérienne finale à des sommets.
 
 
Dunkerque : Photo Tom Hardy
 
Mais même sans cette scène admirable le film vaut qu'on lui accorde toute son attention. Pour lire un texte beau et lyrique à ce sujet, je vous invite à vous rendre ici.

Commentaires

  • Un grand Nolan, un grand film sur une certaine absurdité de la guerre et que d'actions, sur la plage, sur la mer, dans les airs. Du haut vol, dans tous les domaines et pas qu'à l'intérieur du Spitfire, mais aussi à fond de cales. Pas de tête d'affiche, l'affiche étant mené par Dunkerque, mais des jeux justes et sobres. Et ce fracassement sonore... grandiose !

  • C'est un film sublime, immersif mais je suis de ceux que la narration en 3 lignes temporelles ont laissé sur le carreau, hélas :(

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