de Gorune Aprikian **

Avec Fanny Valette, Amaury de Crayencour

Paul et Vanessa viennent de faire l'amour dans une chambre d'hôtel. On comprend rapidement que c'est la première fois, qu'ils viennent de se rencontrer.

Rapidement on découvre aussi que les actes de la demoiselle sont tarifés. Et c'est dommage. Ce n'est pas un jugement de valeur que je porte mais je trouve que cela crée un déséquilibre entre les deux. Connaissant quelques trentenaires, hommes et femmes, célibataires, je peux constater à quel point c'est un parcours du combattant pour eux de trouver un ou une partenaire, un compagnon ou une compagne. Entre les "je sors d'une histoire compliquée", les "en couple" qui trompent et ne quittent pas, les séparés mais équipés d'une marmaille, sans parler des grosses misères causées par les sites de rencontres et autres réseaux sociaux (se faire plaquer par sms... être constamment branchés sur What'sap, Facebook et compagnie...) trouver sa moitié d'orange relève du parcours du combattant. Je n'aimerais pas être à leur place.

Il n'en demeure pas moins que nonobstant la profession de la demoiselle, ce film me semble être une analyse assez subtile de certaines situations que vivent les trentenaires et notamment cette misère affective qu'ils cherchent désespérément à combler. Car évidemment, les deux tourtereaux de l'histoire, outre qu'ils sont splendides à observer, sont équipés de l'usage de la parole, sont plutôt intelligents et cultivés et font même montre d'une cinéphilie réjouissante.

Ils vont donc discuter une bonne partie de la nuit. Et le huis clos dans cette superbe chambre avec vue sur l'écluse du Canal Saint-Martin, haut lieu de la cinéphilie, alternera les moments tendres, drôles, intimes, légers et parfois plus profonds et sérieux.

En résumé, je dirai que j'ai passé un bon moment en bonne compagnie.

Ce film m'a rappelé Nuit d'été en ville de Michel Deville dans lequel Jean-Hugues Anglade et Marie Trintignant, se connaissant à peine, ne quittaient pas leur chambre pour évoquer leur vie, l'amour, le sexe. Comme le film de Deville, celui-ci m'est apparu tour à tour terriblement attachant et profondément agaçant. Même si je peux croire au coup de foudre qui change la vie, j'ai du mal à croire qu'on puisse tout se dire en une nuit au point que tout en soit bouleversé en quelques heures. Mais nous sommes au cinéma où tout est possible et il faut donc en passer par les moments réalistes et crédibles et ceux un peu tarabiscotés et plus douteux. Et notamment le passage obligé du je te raconte le moment le plus délicat de ma vie avec les yeux mouillés qui vont avec... Cela ne fait rien perdre du caractère sincère de l'entreprise.

Ce qui sauve les petites faiblesses et autres lieux communs qui jalonnent le film est la jolie réalisation et surtout l'interprétation des deux jeunes gens à l'écran. D'une beauté incontestable l'un comme l'autre, ils semblent parfaitement à l'aise dans ce dispositif du huis-clos. Si Fanny Valette peut avoir quelques minauderies et mines boudeuses  VRAIMENT agaçantes, elle déploie un bel échantillon d'émotions et se montre vive et pleine d'humour. Amaury de Crayencour, comme son nom le laisse supposer, est un mélange de gendre, mari, amant,  frère, copain idéal. Normal qu'il soit paré de toutes les qualités, le réalisateur est un garçon.