120 BATTEMENTS PAR MINUTE
de Robin Campillo ****
Avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel, Antoine Reinartz
Synopsis : Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d'Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l'indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.
Oulala comment se remettre et parler d'un tel film au cours duquel c'est sûr, mon cœur a dû atteindre les 120 battements par minute parfois. Essayons de faire simple pour l'aborder. Il est à la fois un témoignage passionnant proche du documentaire et une histoire sentimentale bouleversante.
Lorsque l'histoire débute, Act Up Paris n'est encore qu'une jeune association mais pourtant déjà solide. Elle se base sur les principes de l'association américaine fondée deux ans plus tôt. A l'époque, le Sida fait des ravages depuis une dizaine d'années déjà dans l'indifférence quasi générale. Devant l'urgence, ce sont les malades eux-mêmes qui prennent les choses en main pour alerter la population, les pouvoirs publics, politiques, pharmaceutiques. L'urgence est le mot qui saute aux yeux lorsque l'on voit le film. Il faut dire que la majorité des malades sont jeunes, voire très jeunes et cette maladie est mortelle comme rarement une autre l'a été. Certains ont été contaminés dès leur premier rapport sexuel. Nous verrons ici des séropositifs (contaminés par le virus), des séronégatifs (que le virus a épargné) et des malades chez qui le Sida s'est déclaré. Pour entrer à l'association et assister aux RH du mardi (réunions hebdomadaires) il faut être malade et surtout ne pas interrompre les différentes interventions, ne pas applaudir ou siffler pour manifester, faire des interventions courtes etc... car oui, il y a urgence et il faut aller à l'essentiel. Les nouveaux arrivants sont tout de suite informés : Act Up n'est pas une association d'aide aux malades mais une association militante et activiste qui entend alerter et faire avancer la recherche, les traitements, pour sauver des vies.
Le film est militant, politique mais aussi sentimental et le réalisateur parvient à conjuguer le verbe aimer au milieu de la lutte. Nathan va tomber amoureux de Sean et leur histoire va peu à peu vampiriser le film pour être emblématique du drame que cette maladie fait vivre. On passe du collectif au singulier pour être encore plus prêt de la réalité. Le réalisateur le fait avec élégance, sans venir chercher nos larmes. Il nous montre l'amour, celui qui dévaste le cœur et le corps. Les scènes de sexe sont fortes, touchantes, jusque sur un lit d'hôpital. Démonstratives et pourtant jamais obscènes.
Ces jeunes gens malades vivent un enfer au quotidien. Les mots ne sont pas éludés fièvre, vomissements, diarrhées mais Robin Campillo nous épargne les images. Il suffit d'un réveil qui sonne à deux heures du matin pour qu'on intègre le cauchemar d'avoir à ingurgiter toutes les 4 heures des médicaments qui freineront peut-être la maladie mais auront des effets secondaires épouvantables.
Alors Act Up se mobilise et multiplie les actions impressionnantes de plus en plus spectaculaires. L'intrusion dans des salles de classe pour informer les jeunes lycéens, une gay-pride militante avec des slogans forts, l'interpellation de l'Etat à son plus haut, l'irruption dans un labo pharmaceutique où des litres de faux sang seront déversés et j'en passe... L'intelligence, la crudité, l'urgence encore, la colère et pourtant l'insouciance de la jeunesse sont présents à chaque scène. Le film se compose harmonieusement de plusieurs parties qui se clôturent chacune par une scène de danse, de transe, de joie impérieuse. Cela paraît systématique dit ainsi, ce n'est pas le cas. Ici tout n'est que fluidité, mouvement, urgence... L'humour est là aussi car cette jeunesse oubliée, sacrifiée ne peut se limiter à être une génération de malades. Ils ont peur d'aller mal, de mourir aussi mais parviennent à rire souvent. A ne pas être malade tout le temps.
Pour avoir vainement accompagné pendant trois ans et demi un être de lumière qui n'avait pas le Sida mais une maladie qui, comme le Sida, rendait le système immunitaire inactif au point de provoquer des maladies habituellement sans conséquences et les rendre mortelles, je peux dire que l'aspect médical est parfaitement documenté. Les malades se racontent leurs difficultés de plus en plus insurmontables comme se lever, se mettre en route le matin, mais Robin Campillo ne nous montre pas ces moments. C'est inutile. Le discours suffit, il est clair, précis mais pas larmoyant. Jamais. Les personnages ne se comportent pas pour autant en super héros. Ils se battent et espèrent. Le réalisateur nous bouleverse sans pathos, sans grande scène lacrymale. Il parsème aussi son film de grands scènes époustouflantes : la Seine en fleuve de sang, le discours politique (de la Commune je crois) qui résonne étonnamment d'un à propos brûlant...
Et puis il y a la troupe d'acteurs. Si Adèle Haenel est parfaite comme toujours, le trio de garçons Nahuel Perez Biscaryart, Arnaud Valois, Antoine Reinartz est prodigieux. Impossible de les dissocier, d'en aimer un plus ou moins que les autres, de ne pas tomber amoureux des trois.
2 h 23 ? Je ne les ai pas vues passer !
Commentaires
Quatre étoiles, ça sent bon...
Je reviendrai te relire après l'avoir vu.
Oh oui, c'est du très bon !
Celui-là, je veux absolument le voir.
Je crois que c'est la 1ère fois que ça m'arrive au cinéma, mais je me sens honteuse car je n'ai pas pu tenir jusqu'à la fin du film. Je ne pensais pas être aussi retournée par ces images de lutte, ce (faux) sang qui coule beaucoup, ces jeunes qui finissent par mourir à petit feu... je ne me pensais pas aussi "sensible" ou "petite nature"
Tu es sortie avant la fin???
Dommage.
Et oui ce film est vraiment fort et beau.
C'est vrai qu'il est beau ce film. La critique est quasi unanime, et le silence à la fin de la projection dans la salle de cinéma était éloquente.
Moi j'avais quand mm hâte de partir de cette salle parce que, mine de rien, il m'a bouleversée.
Moi j'aime être chamboulée par un film.
Comment ne pas être ébloui par ces jeunes acteurs, plein de rage et de tendresse, juste humains... Magnifique...
Les acteurs sont étourdissants. On les aime.
Les acteurs sont étourdissants. On les aime.
très beau billet pour un immense coup de coeur sur l'Avenue. Et ce générique....
Merci.
J'irai lire au plus vite.
Ta critique est si juste ! Magnifique film qui mérite vraiment tout ce qui lui arrive !
(par contre, j'ai vraiment eu un coup de coeur pour Nahuuuuel).
Oh merci.
Ça fait TRÈS plaisir pour ke réalisateur.
Ses Eastern boys étaient déjà formidables.
Nahuel est irrésistible et son petit accent à peine perceptible un régal.
Sean est assez irrésistible aussi...