d'Hubert Charuel ***

Avec Swann Arlaud, Sara Giraudeau, Bouli Laners

Synopsis : Pierre, la trentaine, est éleveur de vaches laitières. Sa vie s’organise autour de sa ferme, sa sœur vétérinaire et ses parents dont il a repris l’exploitation. Alors que les premiers cas d’une épidémie se déclarent en France, Pierre découvre que l’une de ses bêtes est infectée. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches. Il n’a rien d’autre et ira jusqu’au bout pour les sauver.

Plus encore que son métier qu'il exerce avec passion Pierre aime ses vaches. Contrairement à celles de son voisin et ami dont les vaches ont un numéro, les siennes portent un nom choisi avec attention, il veille celle qui est prête à vêler, se lève la nuit lorsque quelque chose ne va pas. Il est aussi adepte de la traite manuelle (ou presque), chez lui la machine ne remplace pas l'homme. Comme tout paysan, il est sur le pied de guerre 7 jours sur 7, quasiment 24 h sur 24. Cela fait que Pierre est premier en qualité mais beaucoup plus loin dans le classement en terme de production. Il a donc peu de temps, et pas trop l'envie non plus, à consacrer à la jolie boulangère, fraîche et dorée comme une brioche, qui ne cache pas son attirance. Et surtout, l'inquiétude est omni-présente. Une épidémie a provoqué l'abattage d'un troupeau en Belgique et Pierre suit quotidiennement via you tube les vidéos de cet éleveur désespéré qui a tout perdu du jour au lendemain et tarde à être indemnisé.

Lorsqu'une de ses vaches présente tous les symptômes de la maladie mortelle, Pierre prend une décision suivie d'une autre et elles semblent toutes être les plus mauvaises possibles. Malgré la présence de sa sœur Pascale (beau prénom !) vétérinaire, énervée mais bienveillante, de sa mère pour qui l'expression "mère abusive" a dû être inventée, de ses copains bosseurs mais plus insouciants que lui, Pierre s'arrange pour s'enfermer dans une spirale infernale de solitude et d'actions de plus en plus fâcheuses. En cachant la vérité à son entourage et surtout aux services vétérinaires, il pense pouvoir tout régler seul.

Le jeune réalisateur par cette première réalisation rend un bel et vibrant hommage au monde paysan mais aussi sans doute à ses parents, agriculteurs de Haute-Marne. Il s'est d'ailleurs entouré d'une partie de sa famille puisque dans le film tourné dans la ferme où il a grandi, le vieux paysan est interprété par son grand-père, le père de Pierre est le père du réalisateur, et la contrôleuse sa  propre mère. Cela étant, ce n'est pas cette immersion totale et la participation de "vrais" gens de la vraie vie qui font l'excellence de ce film passionnant et tendu.

L'évocation du monde paysan semble réaliste avec cette vie quotidienne entièrement consacrée à l'exploitation, les contrôles incessants sur le bétail, le lait, les visites parfois inopinées des services vétérinaires. Elle se fait réellement émouvante lorsque Pierre, inquiet du comportement d'une de ses vaches se met à envisager le pire. Dès lors la chronique paysanne vire carrément au thriller. Dans l'urgence Pierre se précipite et commet des actes insensés, se comporte de plus en plus bizarrement vis à vis de tout le monde, s'isole. On a la sensation qu'il fonce droit dans le mur mais le réalisateur maintient un suspens parfois insoutenable, et on a réellement envie qu'il s'en sorte.

Hubert Charuel a vraiment réussi le mélange entre témoignage quasi documentaire et fiction. L'épidémie n'est pas sans rappeler celle de la "vache folle" et là encore le désarroi, le traumatisme des éleveurs sont parfaitement évoqués. Et pourtant la part fictionnelle est tout aussi réussie, d'autant qu'il ne se limite pas à une chronique romancée mais entre d'emblée dans le film de genre.

Le choix de Swann Arlaud pour interpréter ce petit paysan, avec ses cernes marqués, un peu halluciné, nerveux, angoissé absolument idéal.