LA VILLA
de Robert Guédiguian ****
Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Robinson Stévenin, Anaïs Demoustier
Dans une villa avec vue sublime sur une calanque marseillaise, un vieil homme seul est victime d'une attaque dont il ne se relève qu'ataraxique.
Si le fils Armand vit à proximité de son père et a repris le restaurant familial dans le même esprit : des repas, de pâtes exclusivement, bon marché pour que tout le monde puisse y venir, Joseph enseignant cadre licencié accompagné de sa "trop jeune fiancée" et Angèle comédienne sont loin et reviennent à contre coeur pour décider de ce qu'il convient de faire. De ce père désormais impotent, de ce restaurant qui se vide de ses clients, de cette villa aussi qui a abrité toute l'enfance et tous les drames familiaux...
Merci à Guédiguian d'offrir ce cinéma pur et simple. La Villa n'est pas un chef d'œuvre, voire un grand film amené à devenir un classique par exemple, mais c'est un BEAU film doux, vibrant, triste et mélancolique. Comme la vie ai-je envie de dire, faite de tant de joies, tant d'amour, tant de frustrations, d'espoirs et de drames. Parcouru d'un peu d'humour cafardeux car "au bord du précipice, seul l'humour empêche de sauter".
Guédiguian convoque sa tribu, comment l'appeler autrement, et comme ses personnages les membres de cette tribu en arrivent à l'heure des bilans, peut-être des regrets voire des craintes d'un avenir pas forcément glorieux. Emplis de cette nostalgie qui étreint la vie parfois. Pas vraiment de la tristesse mais quelque chose comme un petit désenchantement. Plus tout jeunes mais pas encore tout à fait vieux ils sont arrivés à un âge où les parents sont soit morts, soit très très vieux. Guédiguian a leur âge et sait de quoi il parle. Il est un peu le socle de ce clan qui depuis 40 ans évolue ensemble ou séparément. Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan ont été potes, amants, maris et femmes au cinéma... Ici ils sont frères et sœur et ça fonctionne. Différents comme le sont souvent les membres d'une fratrie, ils s'aiment, s'écoutent, se disputent, se font des reproches, règlent des comptes ou s'embrassent. Et magiquement le réalisateur intègre en plein milieu du film une séquence qui s'insère parfaitement à l'histoire présente. Au son d'une merveille de Bob Dylan, I want you, on retrouve les trois mêmes plus de 30 ans auparavant, dans le même décor, mais en plein été dans une scène de Ki lo sa (film de 1985), à l'apogée de leur insolente jeunesse. Ils sont beaux, insouciants, ont l'air de trois gosses loin de se douter ce que la vie va leur réserver.
Cette fois c'est l'hiver, il fait beau la plupart du temps mais froid et le théâtre à ciel ouvert où va se jouer cette histoire sur quelques jours est magnifique. Le village aux maisons encastrées dans la colline se vide de ses habitants, un viaduc où les trains circulent sans s'arrêter le surplombe et au fond, omniprésente, la mer, si calme, si belle, si bleue. C'est pourtant d'elle que va surgir l'horreur au milieu de la famille. 3 enfants, 3 rescapés d'un naufrage de réfugiés, 2 frères et une sœur, comme en écho à Joseph, Armand et Angèle, activement recherchés par l'armée. Les deux petits refusent de se lâcher la main, il faudra découper leurs vêtements trempés pour réussir à les changer. La petite a enterré elle-même un autre petit frère mort pendant "le voyage". C'est too much ? Non, c'est bouleversant et je vous laisse découvrir comment Joseph, Angèle et Armand vont réagir face à ces 3 petits surgis de nulle part qui ne parlent pas car ils savent que s'ils parlent on va découvrir d'où ils viennent et sans doute les réexpédier dans leur pays d'origine. Même la Syrie en ruines par exemple.
J'ai vu qu'on faisait le reproche à Guédiguian d'avoir voulu traiter de trop de thèmes dans son film. Sans doute, mais où est le problème et pourquoi en serait-ce un d'ailleurs car il le fait avec une grâce et un savoir-faire absolus. Il connaît le cinéma et il sait raconter une histoire. Et puis la vie même, cette vie-là, cette Villa, n'est-elle pas elle aussi faite de mille péripéties, rebondissements et imprévus ? Et connaissant le réalisateur, il était impossible pour lui de traiter d'une histoire de famille sans y intégrer un thème militant très actuel. Ici les migrants et le sort qui leur est réservé.
Quant à la famille, malgré tout ce qu'elle fait peser sur nous, le poids des non dits, des événements qu'on a cru impardonnables, les séparations etc... elle peut sans doute aussi être l'endroit au monde où l'on se sent le plus aimé pour peu qu'on parvienne à dépasser les douleurs et les drames accablants. A l'amour tout simplement.
A la périphérie des événements qui rassemblent cette fratrie, il y a l'histoire de ce vieux couple aimant, accablé par l'augmentation brutale de leur loyer et qui refuse de se faire aider par leur fils médecin (Jacques Boudet et Geneviève Mnich sont bouleversants). Il y a celle de Bérangère, la trop jeune fiancée de Joseph, lassée de son cynisme, et Anaïs Demoustier, toujours solaire, nouvelle venue dans la tribu depuis 4 films, hérite du rôle le moins sympathique sans doute. Et puis il y a Benjamin, incarné avec une douceur et une grâce presqu'irréelles par Robinson Stévenin. Pêcheur amoureux de théâtre, fasciné par la comédienne Angèle, il lui déclare son amour auquel elle a bien du mal à résister même si sa première réaction est de rire aux éclats et lui balancer "je pourrais être trois fois ta mère". Mais plus tard, elle ajoute "ne me regarde pas comme ça, tu vas me faire tomber". Guédiguian parvient à nous faire croire à cette jolie romance.
Comme toujours les acteurs sont au top, Darroussin traîne son cynisme et sa désinvolture avec élégance et nous ravit de ses répliques "il m'a traité de bourgeois là ?". Bourgeois, le pire gros mot pour cette équipe. Et Gérard Meylan traîne sa dégaine fatiguée, sa bouille sur laquelle se lit la gentillesse et l'empathie.
Précipitez-vous, ce film fait du bien là où ça fait mal, et réciproquement.
Commentaires
J'aime bien ta conclusion, c'est exactement ça ; j'ai vraiment aimé ce film, je me fiche de ses défauts éventuels, on se retrouve dans un univers connu, à échelle humaine ; les personnages ont vieilli, ils ont trinqué, comme tout le monde, c'est un cinéma qui ne se la raconte pas. Et il y a des moments d'émotion forts (la décision du vieux couple, la détresse des gamins etc ...). Du cinéma comme celui-là, j'en redemande.
Oui tous les réalisateurs connaissent la vie mais Guediguian la raconte bien. Un vrai beau, grand plaisir de cinéma.
Ah le vieux couple !!! Vieillir ensemble main dans la main... on en avait rêvé.
Et ces enfants collés...
Et les acteurs. Je craque pour Meylan.
Beau film en effet, au caractère de fable parfois, avec ces oppositions binaires typiques de Guédiguian, qui finit par emporter l'adhésion par sa foi dans le cinéma. La fin est très belle.
C'est simple et précis mais très beau et émouvant. Et surtout terriblement sincère.
Je n'avais pas prévu de le voir, mais avec quelques bonnes critiques, notamment la tienne ( et ton commentaire), je l'ai mis au programme de ma séance ciné de ce soir ! Belle soirée :)
Ah super je suis contente.
J'espère que tu aimeras autant que moi.
Mais je suis sûre que oui.
J'ai aimé MAIS, pour ma part j'ai été gênée par le trop plein de thèmes. Dommage, car il est beau, paisible, doux et en même temps bouleversant et humain.
Je trouve que ça reflète bien la vie.
On ne traite pas un sujet à la fois. Tout se mélange et je trouve que tout s'intègre de façon fluide dans le film.
Bonjour Pascale, grâce à toi, je suis allée voir la Villa hier soir et j'ai aimé. Je me suis réconciliée avec le cinéma de Guediguian. Il faut dire que la Calanque et la Méditerranée donnent des envies de partir loin de la grisaille parisienne. Bonne journée.
Bonjour dasola. Ah que je suis contente de donner envie.
Oui il y a la mer mais les personnages aussi qu'on a envie de connaître et d'aimer.
Je viens de regarder la bande annonce : il a été tourné dans la calanque de Méjean ! C'est la Côte Bleue, c'est chez moi !
:) Une autre bonne raison d'aller le voir
Oui Effectivement c'est cette calanque. Tu vas te sentir à la maison.
C'était celui là ce matin. J'avais jamais été au ciné à 10h, un dimanche. Y'avait un monde fou. (festival télérama)
J'ai adoré, c'est doux et vif en même temps. C'est la vie, et donc non, pas trop de thèmes à la fois. Ça m'a donné envie d'avoir une famille avec laquelle m’engueuler, des voisins auxquels faire coucou depuis ma fenêtre et manger un plat de spaghetti aux fruits de mer!
A St MAx, il manque quand même la mer. Quel décor!! Même le passage du train est beau.
4 films en 7 jours, autant qu'en une année en 2017 ;-)
Ah oui, le nancéien apprécie la semaine Télérama. Il "rattrape"...
Moi j'ai des voisins, je peux leur faire coucou mais c'est chacun chez soi.
Et il manquera toujours la mer.
J'ai voulu aller chez Emaüs chercher "mon" livre, mais c'est fermé le dimanche :-('
Emmaus :mardi, mercredi, vendredi et samedi. Et le 1er dimanche du mois.
Ah d'accord ! Je suis nouvelle tu sais.
Mais le lundi et le jeudi, ils branlent quoi ?
J'espère que MON livre y sera encore.
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