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LA PROMESSE DE L'AUBE

d'Eric Barbier **(*)

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Avec Charlotte Gainsbourg, Pierre Niney

Synopsis : De son enfance difficile en Pologne en passant par son adolescence sous le soleil de Nice, jusqu’à ses exploits d’aviateur en Afrique pendant la Seconde Guerre mondiale… Romain Gary a vécu une vie extraordinaire.

Mais cet acharnement à vivre mille vies, à devenir un grand homme et un écrivain célèbre, c’est à Nina, sa mère, qu’il le doit. C’est l’amour fou de cette mère attachante et excentrique qui fera de lui un des romanciers majeurs du XXème siècle, à la vie pleine de rebondissements, de passions et de mystères. Mais cet amour maternel sans bornes sera aussi son fardeau pour la vie… 

J'aurais aimé aimer ce film davantage, hélas malgré une reconstitution impeccable des époques et des endroits où Romain Gary, né Kacew, a vécu (Pologne, France, différents pays d'Afrique., Mexique..) j'ai  vraiment senti passer les 2 h 10 que dure le film attendant d'être émue à la mesure de ce que l'on voit à l'écran. Cela arrive parfois, mais pas suffisamment. Pourtant à même pas 30 ans, on a l'impression que le romancier a déjà vécu mille vies et que son existence est plus romanesque qu'un roman qu'on n'oserait écrire tant la succession "d'aventures". paraît exagérée. Hélas l'énumération linéaire (malgré quelques scènes auprès de sa femme Lesley Blanch qui imposent quelques flash-backs) fastueusement reconstituée est filmée platement, sans lyrisme ni émotion. Et encore alourdie par une voix off qui nous explique ce que l'on voit à l'écran (insupportable). Même si l'on comprend que le réalisateur ait eu envie de nous faire entendre la beauté de l'écriture de celui qu'il doit admirer au-delà de tout.

Au final on se retrouve devant un film d'aventures (la scène spectaculaire d'aviation avec atterrissage et bombardement alors que le pilote devenu aveugle est guidé par Romain est la plus impressionnante et la plus réussie) avec en fond l'ambition démesurée, l'amour vertigineux d'une mère pour son enfant. C'est parce qu'elle veut le voir briller et qu'il ne veut pas la décevoir qu'il sera tour à tour aviateur, militaire, résistant, diplomate, romancier et encore réalisateur et scénariste. Face aux injonctions de cette mère vampire, l'enfant puis l'adolescent aurait pu se rebeller, résister, fuir cet amour, devenir clochard. Il n'en fera rien et son seul objectif sera définitivement de ne jamais décevoir cette mère un peu folle, excentrique, passionnément amoureuse de son fils, parfois naïve et monstrueuse.

Effrayante lorsqu'elle lui reproche en le plaquant contre le mur de ne pas s'être fait tuer pour la défendre des insultes proférées par des enfants lorsqu'il n'a qu'une dizaine d'années. Mais également drôle lorsqu'elle lui demande d'aller tuer Hitler ou qu'elle croit son mensonge lorsqu'il lui raconte qu'il a séduit la femme de son capitaine à l'armée. Cette femme était drôle parfois mais sans doute involontairement.

Par contre ce qui s'impose ici sans contestation possible est l'interprétation impressionnante du couple vedette. Pierre Niney parvient à exister magnifiquement au côté de Charlotte Gainsbourg. Monstrueuse et exaltée l'actrice fait preuve d'une démesure dont on ne l'imaginait pas capable. Crédible de bout en bout, qu'elle parle polonais ou français avec un fort accent, elle est Nina, cette mère ogre qui a voué sa vie à son fils, dont l'amour semble l'avoir totalement exclue de toute autre relation. Sans conteste depuis L'effrontée, son meilleur, son plus grand rôle, sa plus belle interprétation. Bravo à Eric Barbier d'avoir vu en elle autre chose que la petite chose fragile et dépressive à la voix fluette qu'on a l'habitude de voir et bravo à elle d'avoir été crédible. Un tel personnage n'est sans doute pas un cadeau. Pour eux le film vaut sans doute le détour. Il encourage aussi à la lecture du roman dont il est tiré. En ce qui me concerne, je ne l'ai pas lu.

Séducteur impénitent, inconsolé et éternellement insatisfait, Romain Gary rejette tout son mal être sur cette envahissante mais irremplaçable mère, car comme le dit Philippe Caubère : "c'est TOUJOURS la faute des mères".

Il le dit ici dans un style admirable.

"Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ca vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'Amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est ensuite obligé de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus. Jamais plus. Jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'Amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passés à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous les côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'Amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine...”

Commentaires

  • C'est un roman magistral, que j'avais adoré il y a quelques années. J'hésite à en voir l'adaptation, je suis généralement déçue. Mais il y a Pierre Niney. J'ai lu des sons de cloche différents, du coup j'hésite à le choisir pour mes dernières séances cinéma de l'année ( et avant longtemps) !

  • Tu me donnes encore plus envie de le lire, mais ma P.A.L. est déjà élevée.
    Sans l'avoir lu je crois qu'il respecte à la virgule le texte... c'est peut-être ce qui le rend moins cinématographiquement emballant. Je pense que tu pourrais aimer.

  • N'aurais-tu pas aimé que les derniers mots de la chronique soient en réalité les tiens. Mais les textes d'auteurs parlent pour nous, c'est pour cela qu'on les aime.
    Un beau roman, une belle histoire. Une interprétation tenue, voire même remarquable. Un certain lyrisme dans la mise en scène, un souffle et une ampleur que l'on ne voit pas si souvent dans le paysage cinématographique français. un film à la mesure des rêves de grandeur de l'auteur (ou au moins de ceux de sa mère), qui en veut peut-être trop au point de se complaire dans une forme d'académisme. Malgré les défauts, qui à mes yeux sont les mêmes qu'aux tiens, je n'ai pas boudé mon plaisir, sans pour autant crier au chef d'œuvre cela va sans dire.

  • Ah ben si évidemment j'aurais aimé pouvoir écrire ces mots, dans ce style, avec cette puissance d'évocation !
    Sauf qu'en tant que femme et mère, j'en ai parfois un peu soupé de cette facilité : la mère responsable de tous les maux ! Mais sur le papier forcément c'est beau toute cette douleur et tout cet amour.
    Je n'ai pas suffisamment trouvé de lyrisme et d'émotion sauf dans la scène d'aviation dont j'ai oublié de parler (je vais ajouter une ligne...). Mais le temps fait un bon effet "kiss cool", j'ai d'ailleurs ajouté une étoile entre parenthèses :-)

  • Alors là en citant notre Philippe Caubère, tu me décides totalement à y aller ! Ces mots touchent tellement au cœur. Ta chronique me décide vraiment à y aller, tant pis pour la longueur. Pour ton info Charlotte Gainsbourg est passée à Thé ou Café l'autre matin (ça vaut ce que ça vaut), et a expliqué qu'elle s'était beaucoup inspirée de sa propre grand-mère polonaise pour ce rôle. Mais j'imagine qu'en pleine promo pour le film, elle l'aura certainement dit ailleurs.
    Je crois que je vais me copier ta citation de Philippe C. pour la garder au chaud.

  • Tu veux aller voir quoi ? Le film ou Philippe ?
    Y'a de la promo à tire larigot pour son spectacle qui parait-il est une tuerie... Tu l'as vu ?

  • Tu m'as donné vraiment envie d'aller voir le film, ça, oui.
    Pour Philippe Caubère oui, je l'ai vu à Avignon mi-novembre, mais tu m'as fait jurer de ne rien te dire et ne pas t'en parler car la tournée passait trop loin de chez toi - donc, je n'ai rien dit. En effet, c'était un grand moment, même s'il a buté sur certains mots et oublié une partie en faisant appel à la souffleuse. Mais c'était le rodage de son spectacle. En revanche, la dernière partie étant trop longue, il a dû la couper, ce qui fera l'objet d'une dernière partie ultérieure.

  • Bon tant mieux, c'est un film à voir.
    Pour Philippe, j'étudie la possibilité d'aller à Paris... mais ça fait quand même cher le billet (voyage, logement, bouffe, théâtre...).

  • Je ne peux que te conseiller le roman, excellent et puissant !
    Le film est pas mal mais à côté du bouquin, il paraît plat. Par contre, Charlotte est phénoménale, je veux la voir nommer aux Césars pour ce rôle !

  • Oui j'ai très envie. Le style de Romain a l'air renversant.
    Charlotte mérite au moins ma nomination.
    Il y aura de la concurrence (Karine...).

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