UN FILM GAY ? UN WESTERN ?
Non, un grand film d'amour.
Deux acteurs incandescents dont un qui manque à jamais.
Ce soir sur Arte :
"...leurs escapades sont autant de pèlerinages. Sans jamais oser retourner à Brokeback Mountain. Ils reconstituent tacitement, invariablement, les conditions de leur première fois; Comme s'il n'y avait qu'un instant d'éternité dans toute une vie et ensuite, des décennies entières vouées au culte de ce dernier".
Louis Guichard. Télérama
Que vous soyez filles ou garçons, si vous ne tombez pas amoureux de Jack ou de Ennis ou des deux, si vous n’êtes pas en larmes lorsque Ennis soupire « Jack, I swear… », débarrassez-vous de votre cœur, il ne vous est d’aucune utilité ;-)
Voir (et revoir) ce film vous brise le cœur et pourtant une seule envie persiste, retourner à Brokeback Mountain. Et dès que le film s’achève, certains (j’en connais…) courent acheter la « short story » pour replonger grâce aux mots âpres et sans fioriture d’Annie Proulx dans l’histoire de ces deux héros, ces « deux paumés qui ne savaient où aller ».
Dans les années 60 deux «lonesome cow-boys» trouvent un travail saisonnier : garder un gigantesque troupeau de moutons et dans des conditions à la limite de la survie, ils apprennent à se connaître. Rapidement, c’est "un courant électrique qui jaillit entre les deux", la chose contre laquelle on ne peut rien. Ils s’aiment, tout simplement.
Ang Lee place le spectateur dans la même situation d’apprendre à connaître puis à aimer les deux personnages. Il filme large une nature imposante et grandiose et prend tout son temps pour que l’histoire s’installe et que les héros nous deviennent indispensables comme ils le sont l’un pour l’autre.
Jack (Jake Gyllenhaal, lumineux) et Ennis (Heath Ledger, torturé), et ce sont eux les premiers surpris, vont s’aimer. Leur première étreinte inévitable est filmée comme une lutte. Puis, les regards et caresses échangés sont d’une douceur et d’une évidence rarement vues au cinéma. Au matin Ennis cherche à nier l’évidence : «Je ne suis pas une tapette », et Jack, qui assumera toujours mieux ses sentiments, répond « moi non plus ». Et en effet, ce n’est pas l’histoire de deux cow-boys homosexuels mais une histoire d’amour qui nous est contée avec tout ce qu’elle comporte d’interdit et d’impossible car au-delà du carcan des préjugés, être deux garçons qui s’aiment dans cette Amérique c’est être en danger de mort, pas plus, mais surtout pas moins.
Ils se séparent au terme de la saison sans projeter de se revoir et l’on découvre sur leur visage le ravage des secousses sismiques qui les animent. Pendant des années ils s’appliqueront à mener une vie « normale » avec mariage, enfants et femmes délaissées… Pendant cet intermède où l’on découvre leur vie respective et séparée, Ang Lee réussit le tour de force de nous mettre dans la situation du manque causé par l’absence de l’autre.
Ils choisiront enfin de retourner chaque année vivre leur secret à Brokeback Mountain car ce n’est pas une chose sans importance qui leur est arrivée. La scène des premières retrouvailles est d’une beauté à la fois grisante et déchirante : ils comprennent dès la première minute qu’ils devront se cacher.
Toute leur vie sera ponctuée par ces retrouvailles indispensables, essentielles et vitales, des instants de magie suspendus où ils ne feront rien d’autre que ce que font tous les amoureux du monde : se promener, regarder les étoiles, chahuter, rire, parler, se taire… s’aimer. Ils connaîtront aussi tous les tourments et les angoisses des séparations vécus comme des tortures, le manque effroyable de l’autre qui donne envie de mourir, la jalousie aussi, perçue comme une souffrance supplémentaire.
Gloire aux deux acteurs habités, inspirés, qui portent haut les sentiments qui animent leurs personnages, aux regards de Jack, à leur conviction à tous les deux et à cette scène où Ennis «enfouit son visage dans l’étoffe d’une chemise et respire lentement par le nez et la bouche, espérant y trouver la légère odeur de fumée et de sauge, le goût salé de la sueur de Jack… ». Quel amoureux n’a pas fait ce geste ?
Cette histoire est d’une force, d’une banalité, d’une pudeur totales symbolisée ainsi par Annie Proulx : « Aux vibrations du plancher sur lequel ils se tenaient tous les deux, Ennis pouvait sentir la force des tremblements de Jack ».
C’est un film déchirant, poignant et douloureux mais c’est une merveille, un miracle, un joyau.
Commentaires
Je ne l'ai pas revu hier soir, mais ce film est une pure merveille, d'une pure beauté, d'une grande sensibilité et d'un amour pur - dans un décor de western.
... et sans bison. Que des moutons américains et chiliens :-)
Et éternel l'amour, c'est qui est fou/beau.
Je n'ai pas pu m'empêcher de le re re re voir ! ça fait tout pareil.
J'adore la mini scène en photo : tu dors debout comme un vieux cheval, c'est nouveau ça !
Cœur avec les mains.
Bonsoir Pascale, que j'ai aimé ce film vu au moins quatre ou cinq fois sur grand écran. Pas revu depuis longtemps mais il restera un de mes films fétiches. Et puis Heath Ledger (disparu depuis 10 ans déjà) et Jake Gyllenhaal sont mignons tout plein. Bonne soirée.
Bonsoir dasola. Je pensais me lasser... il n'en fut rien.
Ils sont mignons et terriblement touchants.
Dommage, je n'ai pas pu le revoir, mais je prends l'avion bientôt et longtemps : j'espère qu'il sera au programme.
Je ne m'en lasse pas.
Pour moi c’est the number Two après la route de madison
Ce film fut un choc au sens positif du mot
Vraiment !
Oui c'est très beau.
Je t'encourage a lire la nouvelle dont il est l'adaptation.