THE HOUSE THAT JACK BUILT
de Lars Von Trier
Avec Matt Dillon
États-Unis, années 70.
Jack, tueur en série qui se "vante" d'être responsable de la mort de 60 personnes considère ses crimes comme des incidents.
Images à l'appui et en voix off, au fil d'une conversation avec un mystérieux interlocuteur nommé Verge, il nous raconte 5 de ces "incidents" qui ont marqué son parcours. Selon lui, chaque meurtre est une œuvre d'art qu'il met en scène après son forfait. Alors que la police se rapproche dangereusement de Jack, il prend de plus en plus de risques.
Vous remarquerez le manque d'étoiles au frontispice de cette note (oui j'avais envie d'employer un mot en ispice). C'est que je ne parviens pas à trancher. Ce film est-il purement génial ou horriblement détestable ? Sans doute les deux. Mais il se trouve néanmoins que je n'ai pas vu les 2 h 35 passer, que je n'ai pas regardé ma montre une seule fois et que j'étais toute surprise que le film se termine. Quoique la fin ne laisse guère envisager un The House... 2.
Je n'ai vu ni Nymphomaniac ni Antichrist. Je n'ai pas envie de m'imposer les visions sexuello-horrifiques de Lars pas plus que voir un renard gambader dans la nature et j'en suis restée à la merveille qui reste pour moi l'un des meilleurs, des plus beaux et plus grands films de ces dernières années, que je pense avoir déjà revu 10 fois et que je redécouvre sidérée à chaque vision (ici).
Le film commence presque comme n'importe quel film dans lequel sévirait un serial killer sauf que Jack ne l'est pas encore (si j'ai bien compris), tout juste misanthrope. Le genre de type qu'il ne faut surtout pas emmerder. L'idiote à qui il porte secours, bien malgré lui, sur le bord d'une route se montre bavarde, trop bavarde, collante et insultante. On n'est guère rassuré pour elle, on a raison, mais on rit quand même.
Je ne veux rien trahir des voix off, mais on comprend vite qui est l'interlocuteur à qui Jack raconte cinq de ses forfaits avec force détails. Jack est un sadique qui s'auto-proclame Mister Sophistication et considère chaque meurtre comme une œuvre d'art. D'où l'originalité avec laquelle il trucide ses victimes. Des femmes surtout dans le récit qu'il choisit de faire, mais on découvre également des hommes et des enfants dans la chambre froide où il stocke ses victimes.
Des psychopathes tueurs en série on en connaît et on connaît leur sadisme et leur amour du travail bien fait (Hannibal Lecter et John Doe en chefs de file). Comme disait Hitchcock Plus le méchant est réussi, plus réussi sera le film. Et réussi ce méchant l'est. D'autant qu'il a les traits et l'allure encore juvénile de Matt Dillon qui semble d'ailleurs rajeunir à mesure que le film avance.
On découvre au générique que l'œuvre d'art, la fameuse House that Jack Built est l'œuvre de Lars Von Trier lui-même. Une œuvre malade, de psychopathe. Avant de la découvrir (ce dont on pourrait se passer mais finalement elle m'a fait rire...) il faut supporter les digressions philosophiques, ésotériques, les sophismes, aberrations et sentences scientifico-intellectuelles de Lars. Mais aussi supporter ses provocations hitléristes et sur le génie d'Albert Speer, architecte en chef du Parti Nazi (il ne reste aujourd'hui plus aucun des bâtiments dessinés par Speer), images d'archives à l'appui. Ainsi que celles des corps des morts des camps de concentration entassés à la pelleteuse. Lars se régale. Pour nous mettre mal à l'aise ou parce qu'il est con ? Je ne sais que répondre. Le personnage de Jack n'affiche pas le moindre second degré, se confectionne un étrange porte-monnaie, bavasse sans discontinuer, abat des enfants d'une balle dans le dos entre autres provocations. Doit-on s'infliger cela ? A vous de voir.
Contrairement à ce que j'entends souvent, je ne trouve Lars Von Trier misogyne ni ici, ni ailleurs. Les femmes sont des idiotes certes (le pompon revient à celle qui refuse d'ouvrir la porte à Jack qui se prétend être un policier qui ne porte pas son badge, mais ouvre sans souci dès lors qu'il se dit agent d'assurance), mais les hommes ne sont pas non plus des prix Nobel. Le réalisateur le fait dire à son personnage : les hommes sont toujours coupables, les femmes toujours victimes. Il déteste l'humanité. Il a le droit non ?
D'une grande vacuité ou génial, je ne parviens pas à trancher car ce film a des fulgurances sublimes, drôles, méchantes ou effrayantes. Des moments (magnifiques) où l'on voit Glenn Gould s'agacer, voûté sur son piano. Des extraits des propres films du réalisateur (dont la fin sublime de Melancholia). Et j'en passe pour vous laisser découvrir.
Et un acteur dont on espère qu'il va revenir au devant des écrans.
Commentaires
Pas pour moi du tout ..
Je ne suis pas surprise :-)
"Doit-on s'infliger cela ?" C'est la question qui se pose désormais à chaque sortie d'un film de LVT. J'ai comme beaucoup une relation extrêmement compliquée avec LVT, réalisateur qui m'agace et dont je ne sais vraiment s'il est génial ou un pur escroc (à l'instar de son compatriote Refn, une particularité danoise peut-être ?). Je suis actuellement plutôt en froid avec le type (contrairement à NWR qui a regagné ma confiance), depuis justement la vision de ce film que tu vénères. Du coup, comme toi, je ne suis pas allé voir ses trucs cochons. Mais je garde en mémoire le souvenir ému de "Breaking the waves" et de "Dogville" qui m'ont chamboulé lorsque je les ai découverts. Et je dois bien dire que ce film avec Dillon me tente beaucoup de par ce que tu décris comme par nombre de commentaires alentours.
Je suis par contre fort surpris de voir que tu as fait l'effort pour quelqu'un qui écrit (sur d'autres pages) : "Je n’aime pas avoir peur au cinéma, ni ailleurs. Je ne comprends pas." Il est fort ce Lars.
Ce film est parfois terrifiant mais il ne me fait pas "peur" comme ceux que tu aimes.
Pourtant sans doute plus réaliste que les revenants et les maisons qui gigotent.
C'est difficile à expliquer ou je dois avoir du mal à me faire comprendre. Lhorreur et le gore me font peur et ne m'apportent rien...mais j'en ai tellement peu vus.
Tu parles de The neon truc ? En effet, une telle vision du vide est renversante et vénérable :-)
Le descriptif ici me fait penser à du American psycho version bouquin, trash et sans retenue. Le gore est sans doute plus digeste cuisiné par Matt Dillon.
Oui, le Demon du bidule, c'est ça. ;-)
Ah non RIEN à voir avec American psycho où giclait l'hémoglobine.
C'est du Lars donc ne ressemble à personne.
Le démon au néon chic et toc. Tout ce que je vénère :-)
J'ai vraiment beaucoup aimé certains films de Lars Von Trier. Il a pu m'arriver de le défendre (si j'ose écrire). Mais là, non, celui-là ne me fait pas du tout envie.
Il a bien sûr le droit de détester l'humanité, mais je trouve que cela confine à la pose. Voir un serial killer dans ses oeuvres sur fond d'images nazies et de recyclage de plans déjà tournés, non merci.
Les images nazies arrivent tard et durent quelques instants. Un peu comme un cheveu sur la soupe... Preuve quelles ne sont casées là que par pure provocation. Elles n'apportent RIEN au film. Ce qu'il peut être con parfois.
Et les images de ses films sont furtives.
Lars Von Trier = je passe. Je ne suis pas sado-maso et j'ai déjà donné avec lui.
Il faut en effet une bonne dose de sado masochisme.