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AU REVOIR, AGNÈS

30 mai 1928 - 29 mars 2019

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VISAGES VILLAGES d'Agnès Varda, JR *****

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Synopsis : Agnès Varda et JR ont des points communs : passion et questionnement sur les images en général et plus précisément sur les lieux et les dispositifs pour les montrer, les partager, les exposer.

Agnès a choisi le cinéma.
JR a choisi de créer des galeries de photographies en plein air.
Quand Agnès et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Hasard des rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont écoutés, photographiés et parfois affichés. Le film raconte aussi l’histoire de leur amitié qui a grandi au cours du tournage, entre surprises et taquineries, en se riant des différences.

Dès le générique, très beau et en images animées, on est conquis. On entend Matthieu Chédid responsable de la musique qui accompagne le voyage, accorder sa guitare. Puis on découvre comment Agnès et J.R. ne se sont pas rencontrés pour finir par décider de ce projet commun de partir à l'aventure, rencontrer des gens, filmer des villages, des visages et parfois les exposer sur des murs géants.

Agnès Varda avait déjà brillamment parlé des murs qu'elle avait découverts en Californie. Sa rencontre avec JR semblait évidente puisque le jeune homme est un artiste contemporain français qui expose librement sur les murs du monde grâce à la technique du collage photographique. Il destine son travail à ceux qui ne vont pas habituellement dans les musées.

Agnès et JR partent donc à l'aventure dans le beau camping-car de Jr qui est aussi son outil de travail. Une camionnette ornée d'un appareil photo. Les gens entrent dans la cabine et il en sort leur portrait géant qui est alors exposé ou pas sur des murs. Et c'est magnifique.

Visages Villages : Photo Agnès Varda, JR

Dès la première séquence j'ai pleuré. En fille des corons, j'ai été touchée par cette femme qui résiste à la destruction du dernier coron de sa ville. Un cadeau magnifique et terriblement émouvant lui sera fait...

Emouvant, c'est le mot qui revient le plus souvent quand je pense à ce film, mais aussi beauté, douceur, empathie et humour. Agnès et JR commentent en voix off ou directement leur périple. C'est un mélange de mise en scène c'est évident et d'improvisation. Les cadrages très beaux où on les retrouve dos tournés chaque fois qu'ils quittent un endroit où ils viennent de vivre une nouvelle expérience, rencontrer de nouvelles personnes, sont très touchants.

Ils s'amusent de leur grande différence d'âge (plus de 50 ans) et de leur taille, elle si petite et lui tellement grand. Et lorsqu'elle ne parvient plus à suivre le rythme, JR lui lance gentiment : "alors tu arrives ? Tu n'avances pas ?", elle lui répond "tu sais bien que j'ai mal aux escaliers !". Et puis JR ne quitte jamais ses lunettes noires, c'est dommage et ça agace Agnès. C'est un suspens dans le film : ôtera-t-il enfin ses lunettes ? Alors que lui doit voir tout en sombre, elle voit de plus en plus trouble. Et l'on assiste à une scène digne de Bunuel au cours de laquelle Agnès, pour soigner sa maladie des yeux reçoit des piqûres dans les yeux. JR filme avec l'accord d'Agnès.

Autre suspens, rencontreront-ils Jean-Luc Godard qui est l'ami d'Agnès qu'elle n'a pas vu depuis 5 ans et qu'elle est heureuse de retrouver, et que JR admire sans le connaître ? Agnès avait réussi à lui faire ôter ses lunettes noires il y a bien longtemps lors d'une séance photos. Je ne sais si je parviendrai à pardonner à JLG la mauvaise blague pas drôle qu'il fait à Agnès. La faire pleurer, la voir pleurer est insupportable. Le critique Nicolas Schaller évoque ainsi la scène : "... Visages villages se termine à Rolle, le fief de Godard. On n’en révélera pas davantage sinon qu’une fois de plus, ce dernier s’y montre humainement abject, mais source d’un mémorable moment de cinéma". Je crois que je pense comme lui.

Et puis évoquer brièvement Jacques Demy, 26 ans après sa mort provoque toujours chez elle une vive émotion... ce n'est pas rassurant...

JR et Agnès sont les acteurs du film et lors d'une scène étonnante ils rejouent la visite godardienne du Louvre au pas de course de Bande à part. C'est beau et c'est drôle.

Chaque rencontre qu'ils font est l'occasion d'idées nouvelles, de propositions folles, drôles joyeuses ou émouvantes. La complicité d'Agnès et JR, leur écoute réciproque, leur bienveillance, leur empathie serrent le cœur et font envie. A croire qu'à leur contact tout le monde devient doux, intelligent, sympathique, compréhensif. Ils se rendent dans des villages, dans des usines, sur des docks. Ils parlent aux gens, les photographient et JR met en place son étonnant système d'échafaudages pour faire de ces photos des œuvres géantes sur des murs, des hangars, des wagons... Parfois cet art est éphémère lorsque la mer se charge de "nettoyer" en une nuit la photo d'un ami d'Agnès colée sur un blokhaus planté sur la plage

Visages Villages : Photo

Agnès et JR écoutent les gens, les font parler. Etonnantes et belles rencontres : avec ces trois femmes de dockers, fières du métier de leurs hommes, dont une belle blonde qui conduit des engins de 45 tonnes. Les trois portraits géants de ces femmes oiseaux comme les appelle Agnès finiront sur les containers. Avec un facteur qui se trouve moche, une serveuse timide, un artiste bohême qui ne sait s'il touche le minimum ou le maximum retraite...

Visages Villages : Photo

Et puis tout le personnel d'une usine chimique. L'un d'eux effectue son dernier jour de travail, ce soir, il sera en retraite et il a l'impression d'être au bord d'une falaise et qu'il va tomber, lui qui a toujours travaillé. Agnès est choquée et bouleversée et lui dit "oh non, il ne faut pas dire ça". Elle qui n'hésite pas à nous fendre le cœur en affirmant que la vie commence à être longue pour elle, qu'elle est prête et qu'elle sera contente que tout s'arrête... "Pourquoi contente ?" lui demande JR. "Parce que tout ça sera fini..."

Je ne peux évoquer tous ces moments magiques et fabuleux et je dois vous laisser quelques surprises, notamment cette surprenante histoire de chèvres..., découvrez-les, vous ne les oublierez jamais. Nul doute que la rencontre avec Agnès et JR restera gravée à jamais dans la mémoire de ces anonymes devenus désormais célèbres.

JR et Agnès étaient faits l'un pour l'autre. C'est un bonheur pour nous spectateurs qu'ils se soient rencontrés ! Ne ratez pas cette merveille.

Visages Villages : Photo Agnès Varda, JR................................

LES PLAGES d'Agnès ****

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Ces plages sont celles qui sont à l’intérieur d’Agnès Varda. Et ça commence sur une plage du Nord, de celles balayées par les vents qui changent de couleurs toutes les demi-heures. Sublimes forcément. De sa voix au délicieux accent belge, Agnès Varda nous annonce que « si on ouvrait des gens, on trouverait des paysages ; si on m’ouvrait moi, on trouverait des plages ». Et c’est en parcourant les plages qu’elle a foulées, pieds nus souvent, qu’elle nous raconte sa vie. Ce film est l’histoire d’une petite vieille rondelette et bavarde comme elle le dit d’elle-même. Agnès Varda a 80 ans et elle ressemble à un petit lutin facétieux, doux, cordial et chaleureux. Ce voyage qu’elle commente de bout en bout, cette espèce d’auto-portrait, ni film ni documentaire mais les deux à la fois, n’est jamais nombriliste car ce qui intéresse Agnès Varda, ce sont les autres et elle le prouve.

Comment vous dire pour que vous y couriez en masse ? Qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vu tous ses films, ni même d’en avoir vu un seul car Agnès explique, commente et l’on plonge avec elle dans ses souvenirs (« je me souviens tant que je suis en vie »), au plus profond de l’intimité sans jamais se sentir de trop. C’est un partage, un cadeau drôle, bouillonnant, généreux, émouvant et surtout intensément passionnant. Ces deux heures passent à une vitesse phénoménale et l’on parcourt évidemment plus de 50 ans de cinéma en compagnie de cette marginale inclassable qui réalise ici un film hors du commun comme jamais je n’en ai vu.

Dès la scène d’ouverture où elle installe sur la plage des miroirs dans lequel se reflètent d’autres miroirs à l’infini, il faut le voir pour le croire, c’est unique et dans ces premiers plans mystérieux et enchanteurs semblent résider toute la magie du cinéma. Jusqu’à la fin, elle surprendra par des plans, des idées qui révèlent une imagination débridée, libre, d’une intelligence et d’une maîtrise folles. Maîtrise de son art qu’elle adapte aux aléas d’une caméra qui continue de tourner ou de la météo. Tout ici est d’une profondeur et d’une humilité remarquables comme cette petite bonne femme engagée qui fit partie des « 340 salopes », féministe, humaniste, passionnée qui porte toujours un regard aiguisé sur le monde qui l’entoure.

Elle nous présente sa famille, ses enfants, ses petits-enfants qu’elle craint de ne pas connaître mais vers qui elle va, toujours. Et surtout, elle parle de son amour de et pour toujours « le plus chéri des morts », Jacques Demy qu’elle a accompagné jusqu’au bout mais qui l’a laissée seule, désemparée, inconsolable. Quand elle parle de « lui », elle est bouleversante.

En sortant de la salle j’ai vraiment eu l’impression d’avoir vu un grand film et surtout d’avoir rencontré une personne extraordinaire. C’est rare.

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Commentaires

  • Bonjour Pascale, merci pour cet hommage. J'ai été triste quand j'ai appris la nouvelle. Et merci d'évoquer à nouveau Visages villages: une merveille.

  • Alors tu as du boulot et du plaisir en perspective. TOUS ses films sont bons.

  • Ben oui pourquoi ?

  • Toi aussi tu as ressorti les rabanes... Je suis sûr que même les vagues pleurent de ne la savoir plus là.
    Qui va nourrir les chats rue Daguerre ? Qui va s'occuper des patates ? Rosalie ? Mathieu ? JR ?
    J'espère que cette "peau de chien" de Godard sera au moins aux funérailles.

  • Toutes ces questions sans réponse...

    Quant à la peau d'hareng... m'étonnerait qu'il se déplace.

  • Nous étions bien jeunes lorsque nous avions vu "L'une chante l'autre pas" ... Et l'année dernière nous avions vu son dernier film, cette promenade nostalgique à travers la France. Quel personnage !

  • Je l'ai toujours connue, je me souviens du premier film vu "Cleo de cinq à sept" qui m'avait marquée. Elle va beaucoup me manquer, elle était unique.

  • Oui elle a toujours été là.
    Hier j'ai réentendu son discours lorsqu'Angelina Jolie lui a remis son Oscar, elle était drôle en plus. Décalée et d'une intelligence...

  • Tu n'avais pas écrit 1920, au départ ?
    Je devais pas être bien réveillé, alors... :D

  • Mais si... Je jouais à la mauvaise foi mais tu es un être trop pur pour jouer à ce manège :-)

  • J'ai vu ces deux films.
    Visages villages me reste particulièrement à l'esprit.
    J'ai vu que JR avait décoré le Louvre, mais pas qu'Agnès était morte.
    Petit hommage très émouvant, merci Pascale :)

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