de Wang Xiashuai ****

Avec Wang Jing-Chun, Yong Mei, Qi Xi

Synopsis : Au début des années 1980, Liyun et Yaojun forment une famille heureuse avec leur fils Xing. Tandis que le régime vient de mettre en place la politique de l’enfant unique, un évènement tragique va bouleverser leur vie. Pendant 40 ans, alors qu’ils tentent de se reconstruire, leur destin va s’entrelacer avec celui de la Chine contemporaine.

Si je devais résumer ce film d'un seul mot, je dirais : douceur. Malgré la tristesse infinie qui s'en dégage sans pour autant être plombante. D'autres mots viennent immédiatement à l'esprit, calme, intelligence, bienveillance, humanité.

C'est le cinquième film que je vois de ce réalisateur et comme chaque fois il interroge la place, voire le sens de la famille dans ce pays, cette Chine qui semble tout à la fois en perpétuels mouvement et mutation mais aussi cadenassée par  des mœurs et traditions dont elle a du mal à s'extraire. En même temps, le réalisateur ne s'aventure pas à faire une critique de la politique actuelle du pays. Même si les conséquences des politiques du passé se font encore sentir sur les générations actuelles.

Ici il est entre autre question des conséquences désastreuses sur un couple, de la politique de contrôle des naissances initiée en 1979 par Deng Xiaoping pour lutter contre la surpopulation et la famine. Cette politique de l'enfant unique, aussi autoritaire qu'injuste a donné lieu à des millions d'avortements et stérilisations forcés. Les familles ne respectant pas ces contraintes s'exposaient à de lourdes amendes et pénalités dont les familles les plus pauvres ne peuvent évidemment pas s'acquitter. C'est le cas de Liyun et Yaojun qui, non sans humour, souhaitent appeler leur second enfant "Amende".

Mais la tragédie, que l'on découvre dès la première scène, que l'on reverra plusieurs fois en s'approchant à chaque fois davantage, va donner un tout autre cours à la vie du couple. Il recevra, lors d'une cérémonie risible si elle n'était si désespérante, le diplôme pour leur belle contribution à l'effort collectif.

Le point commun des films de Wang Xiashuai, en plus de l'humanité qui y vibre dans chaque plan, est une espèce de déconstruction maîtrisée et mystérieuse (qui m'a parfois un peu égarée je dois l'admettre, sans pour autant me faire perdre le fil de l'histoire et l'intérêt que j'y ai porté) qui permet d'obtenir à la toute fin toutes les réponses aux questions que l'on s'est posées. Que ce soit dans  Fleurs de sang, Red amnesia, Une famille chinoise, et dans cette nouvelle "affaire de famille" hantée par un enfant adoré puis idéalisé le réalisateur parle de son pays.

Il réussit ici un grand mélo qui s'étale sur plusieurs décennies avec le portrait magnifique d'un couple inconsolable. Le rythme lent et délicat s'accorde aux allers retours temporels où l'on observe, bouleversé, l'itinéraire de ce couple. Deux belles âmes qui font de leur vie un parcours de résilience. L'interprétation émouvante, pudique et inspirée de Wang Jingchun et Yong Mei, tous deux magnifiques de justesse leur a valu les Ours d'Argent du Meilleur acteur et de la Meilleure actrice à Berlin en 2019. Amplement mérités.

L'absence, le deuil, l'injustice, la culpabilité, les non dits hantent ce film admirable mais aussi l'amitié, les liens familiaux, la fidélité. Pour apaiser peut-être les deux personnages de toute leur tristesse, le réalisateur leur offre in fine un merveilleux cadeau. Merci à lui, pour eux.