de Marielle Heller ***

Avec Melissa McCarthy, Richard E. Grant

Synopsis : Ancienne auteure à succès aujourd’hui sans le sou, Lee Israel se découvre par hasard un don exceptionnel : celui d’imiter à la perfection le style de grands romanciers. Avec l’aide de son ami Jack, elle monte une arnaque imparable: rédiger de fausses correspondances entre auteurs célèbres, que Jack revend à prix d’or aux collectionneurs new-yorkais. Grisés par le succès, les deux faussaires ne voient pas que le FBI commence à s’intéresser à eux… 

Quel dommage, une fois encore, de ne pas avoir gardé le beau titre original : Can you ever forgive me ? Les traducteurs de titres de films devraient être noyés à la naissance. Beaucoup trop mélancolique sans doute. Ce que le film finit par être, profondément. L'affiche laisse également je trouve, supposer une farce, il n'en est rien ou presque puisque les deux personnages ont un humour incontestable quoique légèrement caustique. Cette histoire est dramatique mais également réjouissante tant à aucun moment la responsable des arnaques ne pense faire le moindre mal. On est également tenté de dire qu'effectivement elle rend plutôt un grand service à la littérature puisque les fausses lettres qu'elle rédige sont admirables. Le FBI et la loi ne l'entendent pas de cette oreille.

Dans la misère, après avoir été un auteur de biographies à succès, Lee Israël pour régler quelques dettes, payer son loyer, acheter des médicaments à son chat adoré, vend à contre coeur, une lettre originale que Katharine Hepburn lui avait adressée et souillée de ses larmes. Elle décide alors de rédiger des lettres d'auteurs célèbres britanniques tels que Noël Coward ou Dorothy Parker. Ces faux sont tellement réalistes que les amateurs et collectionneurs n'y verront d'abord que du feu. Elle ira même jusqu'à se procurer les machines à écrire que les auteurs auraient utilisées pour rendre l'arnaque encore plus vraisemblable transformant son appartement, qui n'en avait pas vraiment besoin, en un véritable capharnaüm.

Lee est solitaire, grognon et entend le faire savoir rapidement au moindre de ses interlocuteurs. Alcoolique aussi. C'est d'ailleurs lors d'une de ses beuveries solitaires dans un bar qu'elle fait la connaissance de Jack, homosexuel flamboyant qui a couché et continue de coucher avec tout Manhattan. Il est aussi désargenté qu'elle mais également aussi heureux de vivre qu'elle traîne un lourd spleen existentiel. Malgré leurs différences, ils deviennent amis, pour le meilleur et pour le pire.

Et ces deux improbables personnages sont captivants surtout je pense parce qu'ils sont interprétés par deux acteurs absolument irrésistibles d'humanité, de tendresse. On s'y attache même si au premier abord ils n'ont rien d'attirant et de sympathique.

Je ne connaissais pas Melissa McCarthy. Et pour cause, en survolant sa filmographie, rien n'est vraiment engageant même si l'on m'assure qu'elle est d'une incroyable drôlerie. Elle est ici d'une tristesse digne et touchante et parvient, sans jamais chercher à rendre son personnage sympathique, à être émouvante. Quant à Richard E. Grant, abonné aux seconds rôles depuis bien longtemps, le genre d'acteur dont on connaît davantage la tête que le nom, il tient ici sans doute son meilleur rôle. Très attachant, il dira lui-même qu'il ne "faut pas sous-estimer le pouvoir des yeux bleus", séduisant, drôle, gaffeur, il réussit à rendre ce film plutôt sombre qui évoque la solitude et la déchéance de losers, parfois lumineux. Un grand merci à eux deux.

Evidemment, on n'est pas dans la grande arnaque flamboyante de Franck Abagnale immortalisée par Steven Spielberg mais pour ces deux acteurs et cette histoire d'arnaque littéraire, déplacez-vous.

Et bravo au choix de musique, tellement manhattanienne... du jazz et parfois la voix inimitable de Billie Holiday.