PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU
de Céline Sciamma **
Avec : Noémie Merlant, Adèle Haenel, Luana Bajrami
Synopsis : 1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.
Grosse déception pour ce film que j'ai regardé en bâillant poliment, au bord de l'assoupissement parfois. J'ai été éblouie par la beauté des 3 actrices formant le trio, subjuguée par la beauté des images. Certains plans sont vraiment renversants aussi bien en intérieur qu'en extérieur. Mais à aucun moment je n'ai été émue, touchée par le sort de ces jeunes femmes. Parfois, trop de sobriété tue l'émotion et elle finit par cruellement manquer.
Pourtant, pour une fois nous sommes face à une véritable œuvre féministe sans hypocrisie. J'entends par là qu'il n'y a pas juste trois phrases balancées pour assurer le quota mais bien des tentatives de jeunes femmes pour s'émanciper de la férule masculine. Lorsque les toiles de Marianne tombent à la mer, aucun homme ne vient l'aider, c'est elle qui se jette à l'eau pour récupérer son précieux colis. Tout comme elle entend exercer son métier de peintre et professeur sans être sous la coupe d'un homme même si l'ombre de son père artiste plane encore. Lorsque Sophie, la jeune servante qui complète intelligemment le duo, se fait avorter, à aucun moment il n'est question de l'homme qu'elle a aimé (éventuellement). La scène de l'avortement est crue mais pendant l'acte, Sophie tient la main d'un bébé. Quant à Héloïse, promise à un homme qu'elle ne connaît pas, elle tente de se cacher pour lui échapper.
Les paroles même si elles sont rares et essentielles finissent également par manquer. Bien sûr ici rien de frivole. Lorsqu'on parle, c'est d'art, de désir. Les hommes sont totalement absents, à peine quelques ombres fugaces qui passent sans que la caméra y prêtent attention. Ils ne sont pas utiles à l'histoire.
J'ai aimé la connivence des femmes, leur solidarité jamais feinte. La servante (bravo à Luana Bajrami (déjà impressionnante ici) de parvenir à exister avec autant de présence auprès de ses deux aînées) n'est pas présentée comme inférieure aux deux autres, mais bien comme leur égale, confidente et amie. C'est l'un des aspects les plus positifs du film. Comme les dernières minutes où l'émotion affleure enfin mais très légèrement par l'intervention d'une larme, l'évocation d'une certaine page 28 et la musique de Vivaldi.
Je laisse à d'autres le soin d'approfondir le Mythe d'Orphée et Eurydice largement évoqué ici. Car tout semble symbolique dans ce film. Je trouve qu'on est surtout sommé de contempler, les visages, les corps, les décors, l'environnement. J'ai donc contemplé tout mon soul mais à aucun moment je n'ai été emportée par le souffle de la passion ni troublée par l'émotion.
Ce qui me gêne également souvent dans les films dits en costumes avec reconstitution au cordeau, dans le moindre drapé, le moindre crépitement de feu dans l'âtre, le moindre scintillement de bougie... c'est que les personnages semblent toujours comme sortis d'une rêverie vaporeuse où tout n'est qu'élégance et délicatesse dans tous leurs gestes, comme s'ils vivaient au ralenti. C'est très crispant. Même l'habituelle énergie d'Adèle Haenel semble ici contenue, réprimée et je ne la sens d'ailleurs pas toujours parfaitement à l'aise dans ses oripeaux du XVIIIème, contrairement à Noémie Merlant qui semble droit sortie d'un autre siècle.
Quant à Luana Bajrami, elle a des yeux et un regard à suivre de près.
Commentaires
J'aime cette chronique nuancée. Le film me fait envie, mais je pense que quelques autres lui passeront devant (dont le Woody dont nous parlions précédemment). On verra si je trouve et prends le temps...
En tout cas, Céline Sciamma a vraiment du talent pour, sinon renouveler les genres, au moins s'inscrire dans des cadres bien différents les uns des autres. C'est notamment ce qui continue de susciter ma curiosité à l'égard de son cinéma, que je connais encore bien mal, à vrai dire.
Oh merci. J'avais peur de ne pas avoir réussi à parler de ce film qui mérite mieux que mon regard. Mais franchement une passion sans passion, ça ne se fait pas :-) Je crois avoir un peu de mal avec les films de Céline Sciamma. Mauvais souvenir des Pieuvres...
Bien, nous avons compris - nous allons zapper ce film !
Nous sommes d'accord avec vous, les films à costumes semblent sortir d'une rêverie - tout est beau, mais on oublie que dans le temps, les gens perdaient les dents très jeunes, par exemple...
Absolument. Tout est propre... et les dents brillent de mille feux.
Cela dit voir des actrices sans dents, j'aurais également du mal :-)
Mais j'en ai marre de cette évanescence dès lors qu'il s'agit du XVIIIème. Moi ça me fatigue, j'ai envie de les secouer.
laka balancé son porc la chaudasse
I fré bien drevoir son orthographe le diablotin.
La bande annonce que j'ai vu 100 fois ne m'a tellement donné envie d'aller voir ce film. J'en ai plein d'autres sur la liste :)
Je ne sais que dire. Mais parfois on sature à voir les BA..
Je n'étais déjà pas très tentée, alors avec ton billet, c'est cuit. Et puis j'en ai d'autres à voir.
Je suis désolée, je préfère donner envie de voir mais dès le début où elle se jette à l'eau, je n'y ai pas cru et cette sobriété s'apparente pour moi à de la froideur là où on devrait brûler de passion.
Je lis des mots plutôt en faveur, qui donnent l'envie d'en (sa)voir davantage, mais une humeur contraire vient chagriner la conclusion. Je lis ensuite que tu n'es pas très "pieuvres". Serais donc tu Sciammophobe ? là est peut-être le hic qui justifie le déficit d'étoiles.
Je jugerai par moi-même, mais sans doute pas de sitôt.
Je suis anti pieuvres mais ai aimé Tomboy.
Je m'attendais à être emportée par la fougue... Sciamma a bien calmé mes ardeurs.
En effet, Noémie Merlant est meilleure, en tout cas plus à l'aise, qu'Adèle Haenel dans le film. Il faut dire qu'elle est mieux servie par son rôle, Haenel n'ayant qu'un seul plan, le dernier, lui permettant de faire exister pour lui-même son personnage. Les images sont belles, mais comme toi, et comme déjà discuté, je n'ai pas été particulièrement ému (sauf par ce dernier plan justement).
C'est quand même dommage que ça devienne émouvant quand elles ne sont plus ensemble.
Adèle n'est pas à l'aise dans un rôle qui étouffe son énergie.