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J'ACCUSE

de Roman Polanski ****

J'ACCUSE de Roman Polanski, cinéma, Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner, Grégory Gadebois

Avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner, Grégory Gadebois et plein de beau monde.

L'Affaire Dreyfus dura 12 ans et déchira la France.

Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXème siècle, se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart qui, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées. A partir de cet instant et au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus.

Personne je crois n'ignore l'existence de l'Affaire Dreyfus, sombre et sinistre histoire d'une injustice judiciaire et politique dont on parle encore plus d'un siècle après. Et tout le monde connaît la lettre qu'Emile Zola a fait paraître dans le journal l'Aurore le 13 janvier 1898 indigné que le véritable coupable de trahison, le commandant Walsin Esterhazy ait été acquitté et le Lieutenant-Colonel Picquart, chef du renseignement militaire, limogé et incarcéré après avoir découvert ce coupable.

L'admirable anaphore  de cette lettre, moi Président, J'accuse, est un modèle. Mais qui l'a lue ? Pas moi jusqu'à ce jour. J'ai bien sûr réparé cette lacune et suis époustouflée par le style et les qualificatifs forts : "diabolique erreur, œuvre néfaste, machinations coupables, faiblesse d'esprit, crime de lèse-humanité, enquête scélérate, monstrueuse partialité, rapports mensongers, campagne abominable." C'est toute cette accumulation d'erreurs et d'injustices que démontre le film.

Le Commandant Dreyfus est un militaire droit dans ses bottes qui porte fièrement l'uniforme et les valeurs militaires. Il n'est pas dépeint ici comme une faible victime ni même sympathique qui attire la compassion mais comme un militaire fier et plutôt rigide. Et pourtant, l'interprétation de Louis Garrel, à la fois raide et anéanti nous porte à compatir. Le film démarre par la scène de son humiliation publique. Sa dégradation dans la Cour d'Honneur de l'Ecole Militaire à Paris alors que la foule aux grilles hurle des propos haineux et antisémites. Il est condamné à perpétuité et envoyé sur l'île du Diable en Guyane. Bien que l'île soit au milieu de nulle part, il sera mis aux fers chaque soir, comme si l'on pouvait s'échapper de cet endroit. L'horreur.

Tout ce qui suit semble être le fait de beaucoup de hasards car c'est tout à fait fortuitement que le Lieutenant Colonel Picquart découvre que le seul document qui accable Dreyfus n'aurait pas été écrit de sa main. Au péril de sa carrière voire de sa vie, Picquart va, des années durant mettre tout en œuvre pour faire éclater la vérité. La première originalité du film est donc de nous raconter cette histoire, cette enquête foisonnante alors que le dossier complet tient dans une enveloppe, par le regard et l'action de Picquart. La seconde étant que cet homme était ouvertement antisémite et l'était encore sûrement après l'affaire. Mais épris de justice et d'équité, il va mener une action en tout point admirable.

Par un concours de circonstances et du fait qu'il fut l'un des artisans de la condamnation de Dreyfus, Picquart est promu chef des renseignements. Lorsqu'il découvre les locaux qui abritent ce service, il est stupéfait. L'endroit est sale, gardé par un portier somnolent et peuplé "d'indics" peu reluisants. Il va mettre un sacré coup de neuf dans l'édifice et aussi se confronter au Commandant Henry (Grégory Gadebois, effrayant de haine et de sournoiserie) parfaitement au courant et convaincu que le coupable de trahison n'est pas Dreyfus. C'est donc dans un monde de malveillance, de bassesse et d'iniquité qu'il entre. On assiste, interdit, à la démonstration des méthodes et moyens utilisés pour confondre un "coupable". Tout à la loupe et à la pince à épiler... La condamnation tient à vraiment peu de choses et aux certitudes claironnées par des experts convaincants.

Le rôle joué par la presse, véritable pouvoir et l'opinion publique n'est pas éludé. Il y avait clairement les dreyfusards et les anti-dreyfusards, deux camps irréconciliables. Même si cet aspect des choses est un peu en retrait et je suis d'accord qu'il est simplement survolé, l'époque semblait clairement frelatée. Sur fond d'espionnage, de complot judiciaire, d'erreur et aussi de haine antisémite, Polanski nous livre un magnifique, austère mais passionnant suspense d'une richesse exceptionnelle. Un GRAND film par l'un des plus grands réalisateurs de notre époque, d'une incroyable modernité. Admirablement reconstituée, l'époque importe peu quand on sent remonter à la surface les relents nauséabonds, incontrôlables de la haine de "l'autre".

L'interprétation est à la hauteur. Jean Dujardin disparaît complètement sous l'uniforme et démontre ici toute la puissance de son jeu. Il a tout compris de son personnage et en fait un héros, un incorruptible d'une probité admirable, une légende en marche. Il faut un grand réalisateur pour obtenir ce genre de prestation. On comprend que Jean Dujardin ait accepté ce rôle passionnant, ce personnage qu'il porte fièrement. Louis Garrel est saisissant de ressemblance avec son modèle et sa digne détresse fait vraiment mal. Tout le casting (en grande partie issue de la Comédie Française) semble comme habité par son rôle, comme un vibrant hommage à Dreyfus. J'espère que la famille est fière du résultat digne, juste et puissant.

J'ai lu que ce film était une "leçon d'histoire et de cinéma". Je suis d'accord. Il s'agit aussi de l'évocation d'un fléau qui hélas n'en finit pas de ressurgir. Et ici, la persécution d'un homme dans une époque malsaine. Cela ne sert pas de leçon...

Commentaires

  • Le film semblait intéressant (je ne l'ai pas vu).
    Mais apparemment, le réalisateur a pris quelques libertés avec l'histoire...
    https://www.liberation.fr/debats/2019/11/12/le-j-accuse-de-roman-polanski-en-trois-controverses_1762943

  • Peu importe. Je ne lis pas. Je me refuse à alimenter les controverses. Désolée.
    J'ai vu un grand film.

  • Pour l'instant je n'ai pas prévu de le voir, pas très attirée par le sujet bien que ce fut un morceau d'histoire plus qu'éloquent.
    Puis bon, j'en ai ras le bol des scandales autour du réal aussi

  • Konass de féminist

  • Je trouve le sujet passionnant.
    Pour le reste, je ferme mes oreilles et je dois reconnaître que j'ai entendu peu de choses.

  • Bonsoir Pierre.
    Votre remarque est un bonheur.
    Passez une bonne soirée.

  • Je bois et dévore littéralement les mots inspirés qui courent sur cette page au secours de ce GRAND film. Il faut rester sourd au bruit médiatique ambiant, et on trouvera comme toujours quelque chipoteur historien qui dénoncera une vision orientée. N'en déplaise aux détracteurs de Polanski à qui je laisse le soin de se débattre avec ses problèmes de mœurs, le film me renvoie une telle image de cette époque pas si lointaine que je ne peux m'empêcher de la mettre en lien avec celle que vivons aujourd'hui. C'est effrayant et n'augure pas du meilleur.

  • Merci, ça va droit à mon cœur de justicier...
    Pour le reste, je laisse le soin à ceux qui le veulent de se punir de ne pas voir un tel film.
    Quant à la bête immonde qu'il évoque, cela fait vraiment peur.

  • Nous sommes entièrement d'accord ! Un GRAND film dû au talent du réalisateur et de la formidable équipe d'acteurs. L'émission de France-Culture "Le cours de l'histoire" de ce matin revient avec des historiens et historiennes sur la reconstitution historique de l'affaire Dreyfus par Polanski. Très intéressant.

  • Je suis contente que vous ayez apprécié. Oui un GRAND film par un des plus grands réalisateurs.
    C'est une histoire en effet passionnante et édifiante. Hélas, rien ne change.

  • Cé pa janti de tiré sur lenblulanse.
    Et ne parlon pa de la propo...

  • C'est très bien en effet, comme tu dis, même si j'en espérais peut-être encore davantage. Mais c'est un film important, à voir en raison de ce qu'il dit de l'affaire Dreyfus (malgré quelques licences historiques bien compréhensibles), qui n'a rien à voir avec les affaires Polanski évidemment, mais aussi parce que le film fait écho avec notre époque. Dujardin et Garrel sont parfaits.

  • Que tu es exigeant :-)
    En le revoyant, je l'ai trouvé encore meilleur et plein de détails ont surgi. C'est vraiment du beau boulot.

  • Ca y est j'ai compris, tu habites dans un complexe cinématographique. :-)

  • Un superbe film sur cette triste affaire
    Je trouve que ce qui est intéressant aussi c’est la reconstitution de l’époque
    Si proche de nous et pourtant si différente
    C’est fou qu’il y avait encore des duels à l’épée
    Bref jean Dujardin m’a bluffée
    Par contre Emmanuelle Seigner un peu en-dessous à mon goût

  • Une affaire révoltante qui hélas dépeint bien le climat d'une époque. Il faut toujours un bouc émissaire à tous les malheurs du monde.
    Oui la reconstitution est exceptionnelle.
    Jeannot est magnifique.
    Ah j'aime BEAUCOUP Emmanuelle Seigner.

  • TRÈS GRAND Film sur un sujet si important qu il a bouleversé notre société et on en ressent encore les effets maintenant (ex la loi de 1901)
    Je l'ai vu aussi 2 fois !
    Quant à la polémique... Stop il y aurait beaucoup à dire sur une plainte 44 ans après et je suis toujours étonnée que ces personnes connaissant la réputation sulfureuse de certains créateurs se jettent ds la gueule du loup...

  • Oui, un des très grand film de l'année dont une vision ne suffit pas.
    J'espère que vu son âge et le reste... ce ne sera pas le dernier.
    C'est la plainte après 44 ans qui est inconcevable juste au moment de la sortie du film...
    Pour le reste, je ne souhaite pas transformer les victimes en coupables.

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