LA VIE INVISIBLE D'EURIDICE GUSMAO
de Karim Aïnouz ***(*)
Avec Carol Duarte, Julia Stockler, Gregorio Duvivier
Rio de Janeiro, 1950. Euridice, 18 ans, et Guida, 20 ans, sont deux soeurs inséparables. Elles vivent chez leurs parents et rêvent, l’une d’une carrière de pianiste, l’autre du grand amour.
A cause de leur père, les deux soeurs vont devoir construire leurs vies l’une sans l’autre. Séparées, elles prendront en main leur destin, sans jamais renoncer à se retrouver.
Quelques mots sur ce beau film situé dans la moiteur tropicale brésilienne avant qu'il ne disparaisse des écrans. La première scène (pas la plus réussie) est une métaphore de ce qui va suivre. Les deux sœurs qui vivent une complicité fusionnelle se perdent dans la forêt, puis se retrouvent. L'une pense avoir trouvé l'amour en la personne d'un beau marin grec qu'elle suivra au bout du monde, l'autre vit en osmose avec son piano : "je ne peux empêcher mes doigts de jouer". Tout n'est alors que joie et partage.
Le départ puis le retour de Guida vont totalement bouleverser ce bel équilibre. Le machisme écoeurant de leur père, ses préjugés rétrogrades vont maintenir les deux sœurs éloignées l'une de l'autre. Pendant plusieurs décennies Guida écrit à Eurydice sans jamais recevoir de réponse mais sans jamais se lasser. Alors que la première va connaître une vie de misère, la seconde mariée à un homme faible, parfois brutal mais aimant tente de ne pas renoncer à son piano. Les subterfuges que ces femmes doivent inventer pour rester "libres", ne pas tomber enceinte, accomplir leurs rêves sont une lutte quotidienne.
Dès que des femmes se débattent avec leur condition, on parle de féminisme. Alors ce film est grandement féministe puisqu'il décortique le combat de ces deux soeurs cadenassées par un patriarcat inexplicable. Le sacrifice imposé sans raison, sans explication par ce père qui terrorise sa famille est révoltant. Jamais cet homme ne remettra en cause ses décisions.
Pour une fois les scènes de sexe semblent particulièrement réalistes. Le plus souvent contraintes, les femmes n'ont d'autre choix que de se soumettre pour payer quelque chose ou simplement avoir la paix... Quant au plaisir, il ne fait pas partie de l'équation.
Jetée à la rue Guida fera néanmoins une rencontre capitale en la personne d'une ancienne prostituée qui s'occupe des enfants des favelas et va la recueillir. La solidarité féminine, la maternité voire l'instinct maternel réservent de bien beaux moments dans ces destins souvent déchirants. L'image est par ailleurs somptueuse et les deux actrices principales d'un charisme fou.
Ce film est inspiré d'un roman de Martha Batalha, Les mille talents d'Euridice Gusmao. Il paraît que l'adaptation n'est pas complètement fidèle mais il donne quand même très envie de le lire. Le film est un magnifique mélo qui s'étale sur plus de 60 ans. Il se transforme aussi parfois en thriller lorsqu'Eurydice engage un détective pour retrouver Guida. La scène du cimetière au cours de laquelle le spectateur en sait plus que les personnages est un grand moment...
Commentaires
Ce film nous tente vraiment - encore faut-il le trouver et avoir le temps...Votre critique est tellement enthousiaste !
Essayez de trouver le temps pour ce beau film.
Ta critique me donne plus envie de le voir que la BA !
Pour le moment je n'ai rien envie de voir de spécial, mais j'irai quand même me payer Star wars vendredi soir !
Je n'avais pas vu la BA, c'est l'histoire qui m'a attirée.
J'ai vu Star Wars : bof, Les envoûtés : grrrrr et Notre dame : grrrrrrrrrr.
Bonsoir Pascale, il faut absolument que j'aille voir ce film ce week-end. Le sujet me plaît bien. Bonne soirée.
Bonsoir Dasola. J'espère que tu pourras le voir.
Un peu d'exotisme serait bienvenu en effet.
Surtout que le film est FORMIDABLE.
Il est à l'affiche chez moi, je vais essayer d'y aller. En tout cas, tu me donnes envie de lire le roman, en général plus fouillé.
Super idée. Mais prends ton coussin, il dure 2h20.
Il paraît que le livre est plus joyeux.
En tout cas le film ne sombre pas dans le misérabilisme. Ce sont des combattantes.