IT MUST BE HEAVEN
d'Elia Suleiman ***
Avec Elia Suleiman, Gaël Garcia Bernal, Grégoire Colin
ES fuit la Palestine à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil, avant de réaliser que son pays d'origine le suit toujours comme une ombre. La promesse d'une vie nouvelle se transforme vite en comédie de l'absurde. Aussi loin qu'il voyage, de Paris à New York, quelque chose lui rappelle sa patrie.
Un conte burlesque explorant l'identité, la nationalité et l'appartenance, dans lequel Elia Suleiman pose une question fondamentale : où peut-on se sentir " chez soi " ?
Ce film est le dernier que j'ai vu en 2019. Le 31 décembre précisément et c'est un petit bijou que je suis vraiment heureuse d'avoir vu. Je me demande si Elia Suleiman est l'être délicieux que l'on voit à l'écran ou s'il se moque de nous.
Sa rencontre et son "échange" avec un petit piaf parisien est un moment charmant, saugrenu, surréaliste. Comme tout le film d'ailleurs. Surréaliste c'est le mot. Mais aussi caricatural et plutôt drôle.
Contrairement à ce qu'annonce le synopsis, je n'ai pas eu l'impression qu'Elia Suleiman cherchait une autre terre d'accueil mais voulait observer ce qui se passe ailleurs.
Il filme Nazareth sa ville et sa Palestine comme un havre de paix. Dans son appartement, il soigne avec amour un petit citronnier et observe son voisin lui voler les citrons de son jardin. Sans un mot. Le personnage acteur/réalisateur sous son chapeau de paille et avec ses grands yeux étonnés ne prononcera que trois mots : "I am a palestinian". Cette révélation lui vaudra un voyage gratuit en taxi de la part du chauffeur qui n'a jamais vu cette espèce rare en vrai, au point de l'annoncer à sa femme comme une fierté.
Le réalisateur ne nous apprend rien, il observe et relate, sans un mot en glissant du burlesque dans chaque situation et beaucoup de clichés. A Paris, les parisiennes sont toutes des top models qui marchent au ralenti dans des tenues élégantes sous un soleil éclatant. Il faisait très beau en cet été 2018 pendant lequel le film a été tourné, la lumière et les cadres sont de toute beauté. Le film est un ravissement pour les yeux. Mais la police est partout, tout le temps, ce qui donne lieu à des ballets parfaitement chorégraphiés et rappelle que partout dans le monde la présence policière peut surgir à tout moment pour poursuivre un vendeur de fleurs et même pour mesurer les dimensions légales d'une terrasse de café !!! Et puis c'est le 14 juillet, Paris est déserté et des tanks entrent dans la ville...
Aux Etats-Unis, c'est le surarmement des citoyens qui est l'angle d'attaque du réalisateur. Même les mères avec leur bébé dans une poussette au supermarché portent une arme. Et tout cela est tellement naturel que cela n'engendre aucune violence, comme s'il donnait raison à Trump que le port d'arme généralisé serait dissuasif. Mais dans Central Park la police poursuit soudain un ange... Et Suleiman consulte un voyant à New-York qui lui dit : "Il y aura une Palestine... mais nous ne le verrons pas de notre vivant".
On parle de Charlie Chaplin ou de Tati, j'ai plutôt pensé à Buster Keaton, mais peu importe, Elia Suleiman est quand même unique dans son genre. Les scènes se suivent et n'ont pas toujours de lien entre elles, celle du début (un prêtre lors d'une procession religieuse s'énerve fort) s'interrompt soudain, mais le plaisir est là et la beauté des images saisissante.
C'est le monde tel que le voit Suleiman, sans haine et sans colère, drôle et désespéré.
Commentaires
Il y a maintenant des lustres, j'ai vu Intervention Divine au cinéma. J'ai le vague souvenir d'un film en suspension, drôle et léger malgré le contexte.
Suleiman est un cinéaste rare, dans tous les sens du terme. Ton avis est une charmante invitation à passer le voir. Ce n'est pas si souvent.
Il n'y a pas plus de 4 lustres que tu as vu Intervention Divine. Ce film m'avait beaucoup surprise. J'aimerais le revoir avec les années qui ont passé et me font apprécier davantage ce genre de "films en suspension".
Ce n'est pas si souvent que j'incite à voir un film ??? Avec le mal que je me donne !
Je rigole... Je suis d'humeur badine alors que j'ai le moral à zéro.
En tout cas, essaie de voir cet It must be heaven car pour l'instant j'irai au paradis car l'enfer est ici. Ah c'qu'on rigole !
Je voulais dire "ce n'est pas si souvent que l'on voit un film de Suleiman", mais tu m'avais compris… ;-)
It must be Heaven, c'est un peu ce que je me suis dit en voyant certains plans du film de Malick. J'ai bien compris hélas que tu refusais d'accueillir sa proposition (après "l'Ascension de Skywalker", c'était une autre possibilité de "t'élever" un peu), préférant les lueurs d'un phare trompeur.
"Alors on est descendu chez Satan et en bas c'était épatant" chantait néanmoins ce bon Boris. ;-)
Non je n'avais pas compris. Faut me mettre les points sur les zi et les barres sur l'été :-)))
Les mouvements ascensionnels manifestement ne me conviennent pas, je suis une mécréante attirée par les forces obscures. Quoique Kylo Ren n'ait d'obscur que sa cape :-)
Par contre le phare m'a éclairée dans la nuit. Hisse et ho.
Il m'a fait envie, mais j'ai d'autres films à rattraper et quelques sorties de mercredi dans le viseur. Ça va être chaud pour tout voir...
Ah dommage. Cet ovni devrait faire partie des curiosités auxquelles tu portes attention.
Bonjour Pascale, pas encore vu mais j'espère réparer cette lacune, ah cette foutue grève à Paris. J'avais aimé Le temps qu'il reste, il y a 10 ans. Très bonne journée.
Bonjour dasola, je crois que je ne l'avais pas vu. Celui-ci m'a vraiment plu. J'ai des nouvelles de la grève par une amie qui doit marcher plus de 2 h par jour et évidemment se retrouve coincée chez elle le soir.
Bonne journée.
Je l'ai beaucoup aimé ce petit film, je l'ai aussi qualifié de bijou. J'aimerais bien le revoir car il est plein de symboles qu'on ne remarque pas forcément du premier coup.
Oui un vrai bonheur plein de détails en effet.