SCANDALE - MARTIN EDEN
Ces deux films m'ont déçue. J'en attendais plus et mieux. Je vais essayer de m'expliquer.
SCANDALE de Jay Roach **(*)
Avec Charlize Theron, Margot Robbie, Nicole Kidman
Inspiré de faits réels, Scandale nous plonge dans les coulisses d’une chaîne de télévision aussi puissante que controversée. Des premières étincelles à l’explosion médiatique, découvrez comment des femmes journalistes ont réussi à briser la loi du silence pour dénoncer l’inacceptable.
Ce grand lavage de linge sale se passe à Fox News influente chaîne de télé américaine. Il se chuchote que la chaîne prônant des idées très conservatrices aurait fortement contribué aux victoires de G.W. Bush et Donald Trump. On peut également lire que la chaîne est souvent accusée de soutenir des thèses conspirationnistes voire de mener des campagnes de désinformation. Une chaîne qu'on a envie d'aimer donc...
Néanmoins, gloire aux femmes qui ont mis fin aux pratiques du salop de patron libidineux Roger Ailes qui recrutait ses collaboratrices sur certains critères physiques : longues jambes, longs cheveux blonds, minceur... et imposait le port de la jupe extrêmement moulante sous peine de réduction de salaire ou de licenciement. Mais ces consignes et injonctions ne sont presque rien comparées aux harcèlement, injures et actes sexuels exigés.
Et pourtant pour ces femmes américaines, travailler dans ce sanctuaire est un aboutissement, un rêve et forcément comme toutes femmes abusées, de victimes elles se transforment en personnes consentantes. Il faut dire que les talents de manipulateur de Roger Ailes, interprété vaillamment et brillamment par John Lightow qui perd ici sa tête de brave homme (gros budget prothèses et latex), leur et nous ferait presque croire que ce sont elles qui sont demandeuses.
On salue le courage de la première de toute Gretchen Carlson (Nicole Kidman) qui a eu le courage de lancer seule la procédure, suivie après hésitations par Megyn Kelly (Charlize Theron) qui sans trouver d'excuses au prédateur reconnaissait ses côtés positifs (sa générosité) puis par la plus jeune, sans doute abusée, Kaylia Prospisil (Margot Robbie).
Le plus étonnant est la surprise du salopard qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Soutenu par son épouse qui affirme : "c'est ma faute, mon mari a des propos grivois, ça m'amuse, je l'encourage"... Il est étrange d'entendre Nicole Kidman dire "je suis pour le port d'armes" mais elle assume l'appartenance républicaine de la chaîne. L'agitation des salles de rédaction est parfaitement rendue. La réalisation est vive. Les actrices surtout Nicole et Charlize rivalisent d'autorité. J'ai trouvé Margot Robbie moins convaincante que d'habitude. Et il me semble que la réflexion n'est pas très profonde.
Et puis ce qui est TRES gênant est que le regard porté par le réalisateur sur la "plastique" irréprochable de ses trois bombes nous oblige à les scruter également en permanence. Etait-il nécessaire de les couvrir, surtout Nicole et Charlize d'autant de latex pour qu'elles ressemblent davantage à leurs "modèles" ? Je dois dire qu'observer leurs visages en plastique détourne l'attention... c'est cependant malgré tout, elles qui font le job. Et on ressent à travers cette histoire à quel point les femmes et les actrices s'imposent des contraintes pour être et rester dans des "normes" corporelles imposées.
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MARTIN EDEN de Pietro Marcello **(*)
Avec Luca Marinelli, Jessica Cressy, Carlo Cecchi,
À Naples, au cours du 20ème siècle, le parcours initiatique de Martin Eden, un jeune marin prolétaire, individualiste dans une époque traversée par la montée des grands mouvements politiques. Alors qu’il conquiert l’amour et le monde d’une jeune et belle bourgeoise grâce à la philosophie, la littérature et la culture, il est rongé par le sentiment d’avoir trahi ses origines.
Je n'irai pas par quatre chemins, ce film est une énorme déception. Considérant le livre de Jack London, sans doute hautement autobiographique, comme un authentique chef-d'oeuvre, j'ai d'abord été déroutée par le fait que Martin Eden soit ici italien et que le réalisateur ait choisi de propulser l'action à Naples dans une période plus ou moins indéterminée. Le roman est tellement riche d'aventures et ancré dans une époque et un lieu (l'Amérique du début du XXème) qu'il m'a été difficile de comprendre ce choix.
Le réalisateur inonde son film d'inserts de documentaires d'époque (sans doute les années 60/70) qui nous éloignent chaque fois du personnage et de l'histoire. Martin Eden tombe amoureux d'une bourgeoise cultivée après avoir sauvé son frère d'une rixe. Il est tellement aveuglé par tout ce qui lui a manqué jusque là, l'amour, la richesse, la culture qu'il va tout mettre en oeuvre pour, selon lui, arriver au niveau de la jeune fille et la mériter. Sauf que cette peste (dans le livre comme dans le film) jamais ne perçoit l'immense intelligence et la grande sensibilité de Martin, ni ne l'encourage à continuer dans sa passion pour l'écriture, toujours elle le rabaisse et l'incite à trouver une "situation". Le film digresse beaucoup et nous fait perdre le fil terriblement romantique de l'histoire.
La fin me semble être un contre-sens total. Transformé en une sorte de Gatsby dépressif, Martin vit dans l'opulence et éructe lors de conférences qui font pitié. Le film insiste sur le désespoir de Martin. On dirait qu'ici il se meurt d'amour puis finit par la rejeter brutalement alors qu'elle revient et que le livre me semblait pencher vers le fait que Martin avait honte de trahir sa classe sociale.
Je le sais, je m'embrouille, mais pour moi Martin Eden est américain, il vit au tout début du XXème siècle et n'a pas besoin de réinterprétation.
Il n'en demeure pas moins que ce film reste plus que fréquentable, notamment par l'interprétation romantique et profonde de Luca Marinelli. D'abord plein d'insouciance et de légèreté, puis aveuglé par un amour étrangement partagé, puis confus dans son insistance à valoriser l'individualisme contre le socialisme et enfin désespéré, l'acteur imprime sa belle présence et son enthousiasme manifeste à interpréter ce magnifique rôle. Il a d'ailleurs ravi la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine lors de la dernière Mostra de Venise (où j'ai vu le film en VO sous titrée anglais, j'ai donc tenu à le revoir pour TOUT comprendre) à Joaquin Phoenix, ce qui n'est pas rien.
Commentaires
Je te confesse n'avoir envie de voir aucun de ces deux films !
Je te donne l'absolution.
Et nous, nous avons beaucoup aimé le film Martin Eden, original et un très bel et bon acteur...
http://www.matchingpoints.fr/2019/11/06/cinema-martin-eden/
"Scandale" me tente, mais les prothèses en latex nettement moins ; quant au deuxième, comme je n'ai pas lu le livre, je vais surtout essayer de réparer enfin cette lacune dans l'année.
Ça m'a dérangée tout ce plastique.
Avec Martin Eden en livre tu feras un beau voyage.
J'ai plutôt bien aimé la transposition de Martin Eden en Italie. Les thèmes du livre sont intemporels donc l'idée d'une transposition ne m'a pas gêné. Dommage que la fin soit complètement ratée comme tu dis.
Heureusement que j'aime l'acteur car jaurais encore plus de difficultés... D'ailleurs tous les autres noms sont changés je crois. C'est Martin qui est intemporel et citoyen du monde.
Cette fin abrupte est ratée alors que les pages du livre étreignent le coeur.
Vu l'excellente série 'The Loudest Voice' avec R. Crowe ...
'Scandale' je vais donc passer mon tour.
https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Loudest_Voice
Arrête de me torturer avec ce que je ne peux voir.
Cela dit voir Russel en obèse libidineux, j'ai pas trop envie.
L'acteur est magnifique. Je vous recommande La solitude des nombres premiers, Jeeg robot, Chaque jour que Dieu fait et Ricordi pour l'apprécier encore. Tous ces films sont chroniqués ici.
Dans "Martin Eden", j'ai été plus intéressé par le sous-texte que par l'intrigue sentimentalo-politique.... et ce n'est pas si bien joué qu'on l'a dit. Certaines scènes auraient mérité davantage de prises.
"Scandale" mérite d'être vu pour la qualité de l'interprétation mais, là, par contre, c'est la mansuétude dont la chaîne de télévision (et ses chroniqueurs ultra-conservateurs, racistes et/ou complotistes...) bénéficie qui m'a gêné. Alors oui, balançons les porcs qui abusent des femmes, quel que soit le milieu dans lequel ils évoluent. Mais ne fermons pas les yeux sur "l'engagement" ultra-conservateur des deux "héroïnes" : https://www.buzzfeednews.com/article/pdominguez/bombshell-megyn-kelly-charlize-theron-white-women?origin=web-hf https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/01/22/scandale-dans-l-univers-toxique-de-fox-news_6026787_3246.html
Je trouve Luca Marinnelli excellent.
La transposition en italie pour moi ca va pas.
Tu es bien documenté. Je préfère te lire que traduire les articles.
Le sujet n'est pas l'engagement merdique de ces femmes. Quoiqu'elles fassent elles n'ont pas à subir ces pourceaux.
D'ailleurs, même si on insiste pas sur leur engagement (à part Nicole qui dit : vive le port d'armes... mais pas toutes les armes quand même...), elles ne sont pas forcément sympathiques.
Et, je vais te choquer, Margot a l'air d'une cruche.
Je pense que le personnage de Kayla (inventé à partir du témoignage de plusieurs personnes) est celui d'une "oie blanche", par contraste avec les deux autres, une assez machiavélique (elle a bien préparé son coup), l'autre qui n'a longtemps vu que ce qu'elle voulait voir.
C'est parfaitement réussi alors mais ce jeu voûté ne convient pas à Margot je trouve.
Et ces chaussons alors, qu'est-ce que cela a donné ? Toujours rouge de déception ? Ou Simplement perplexe ? J'attends toujours ton avis sur le film chez moi.
J'y vais.
Pas de scandale de mon côté. Pas intéressé.
Martin Eden un peu plus a priori, mais un peu moins depuis que j'ai lu ton texte.
Ah oui les agressions des filles, ça t'intéresse pas ? Bravo.
Si tu as lu Martin, tu devrais être déçu.
J'ai pas encore vu Scandale, si tout va bien, je vais le voir demain soir !
J'ai énormément aimé Martin Eden que j'ai également rattrapé pendant le festival Telerama. Je précise que j'ai pas lu le bouquin (je compte le lire pendant les prochaines vacances), du coup peut-être que je pars avec un autre point de vue dès le départ. Mais cette quête d'identité du personnage, cette quête de l'émancipation par la culture m'a énormément parlé et touché. Et Marinelli, wow, mais quelle brillante interprétation, vraiment une des meilleures de 2019.
J'aurais peut-être apprécié différemment si je n'avais pas tant aimé le livre.
Luca Marinnelli est splendide.