SWALLOW
de Carlo Mirabella-Davis ****
Avec Haley Bennett, Austin Stowell
Hunter semble mener une vie parfaite aux côtés de Richie, son mari qui vient de reprendre la direction de l’entreprise familiale. Mais dès lors qu’elle tombe enceinte, elle développe un trouble compulsif du comportement alimentaire, le Pica, caractérisé par l’ingestion d’objets divers.
Son époux et sa belle-famille décident alors de contrôler ses moindres faits et gestes pour éviter le pire : qu’elle ne porte atteinte à la lignée des Conrad… Mais cette étrange et incontrôlable obsession ne cacherait-elle pas un secret plus terrible encore ?
Ce week-end, si vous avez envie de vous faire une toile, j'ai très envie de vous recommander ce film qui m'a véritablement cueillie alors que je n'en attendais pas tant. J'ai conscience qu'il n'est pas fait pour plaire à tout le monde et qu'il peut même être très dérangeant mais le thème, l'interprétation et la réalisation sont à ce point impeccables qu'il serait dommage de l'ignorer. Je reconnais que lors des premières images plutôt... organiques, j'étais moi-même plutôt mal à l'aise car atteinte de mysophonie (entre autres tares) concernant les sons qui sortent de la bouche (alors que j'ADORE le crissement d'un stylo plume sur le papier) je peux dire que j'ai parfois souffert pendant le film. Mais comme disait St Ex' : "on ne voit bien qu'avec le cœur", pas avec les oreilles.
Hunter et son athlétique époux Richie forment un couple idéal, physiquement parfait. Alors qu'il s'accorde toute l'importance du type qui hérite sans avoir à déposer de CV, Hunter est cantonnée dans leur maison, une espèce de glass house, déprimante, impeccable avec vue imprenable et piscine intégrée. Un cauchemar pour qui aime les couleurs, tout en tons pastels et comme je l'ai entendu récemment dans un film : "j'avais l'impression de me noyer dans du beige". Hunter consciente et reconnaissante de sa chance d'être ainsi la femme d'un être de lumière et la belle-fille d'un couple modèle s'attèle à être l'épouse, cuisinière, ménagère, amante parfaites. Aussi carrée que sa coupe de cheveux qu'elle replace sans cesse, cet avatar d'une femme de Stepford met du cœur à l'ouvrage dans la moindre de ses actions. Mais elle occupe ses longues heures perdues et inutiles à jouer à Candy Crush (je crois). Le trio qui forme son entourage proche n'y voit que du feu tant qu'elle se contente d'être la poupée trophée idéale qu'on lui demande d'être, jusqu'à l'humiliation (la scène de restaurant est d'une grande cruauté).
Du fond de son ennui et de sa détresse, Hunter tombe en admiration devant un glaçon qui l'attire irrésistiblement. Elle le croque et l'ingère jusqu'à atteindre une évidente mais discrète extase car elle restera pratiquement toujours, même au fond de son désespoir la fille qu'on ne voit pas. Dès lors, elle engloutira avec délectation mais sans discernement toutes sortes d'objets, de plus en plus pointus, tranchants, dangereux. Lorsque la famille emmenée par le tout puissant patriarche découvre un tel dérèglement dans sa mécanique bien huilée, le cauchemar de Hunter désormais enceinte, passera par la psychanalyse et la psychiatrie. Mais à qui peut-elle se fier ?
Le Pica est donc un trouble du comportement alimentaire (dont je n'avais jamais entendu parler) et qui se manifeste parfois au moment de la grossesse. C'est le cas pour notre Hunter qui sent parallèlement se développer en elle cet étranger qui fait la joie de la famille bourgeoise : "l'héritier est là" dit le paternel en désignant le ventre de sa bru. On comprend désormais quel est son rôle et pourquoi la différence de milieu entre elle et les autres a été tolérée.
La révolte progressive et fascinante d'Hunter nous scotche à l'écran, on se demande sans cesse si elle va oser enfin. On y observe une forme de violence conjugale à laquelle elle doit résister avec ses pauvres armes. Surveillée jour et nuit par un infirmier syrien, contrainte de signer un avis d'internement, elle trouvera un allié assez inattendu. Mais je n'en dis pas plus. J'évoquerai juste deux scènes bouleversantes avec deux personnages surgis du passé, un appel téléphonique puis une entrevue...
Pour évoquer subtilement sans jamais tomber dans le voyeurisme scatologique (lorsqu'Hunter récupère les objets qu'elle a avalés pour en faire un mini musée, la caméra s'éloigne...) une maladie incroyable, le réalisateur mitonne une atmosphère hautement hitchcockienne avec une réalisation élégante et sophistiquée, des cadres et des couleurs chics jusqu'à ce qu'enfin il mette un peu de désordre dans les cheveux et les tenues impeccables d'Hunter. La jeune femme est interprétée de façon époustouflante par Haley Bennett à qui on s'attache fort ainsi qu'à son visage parfait et énigmatique.
Je vous ai donné envie n'est-ce pas ?
Commentaires
Non, pas envie de me noyer dans du beige :-)
Par contre tu sais replacer les bonnes formules.
J'ai repéré ce film. Je le place parmi mes possibles.
Un film différent et surprenant.
Le Pica ... Je sais pas trop si ça donne envie...
Je note dans un coin de ma tête ;-) car cette fois 4 étoiles sans tergiverser !
Bises et bon WE
Oui c'est pas Picachou :-)
Pour ne rien te cacher, j'avais d'abord mis ***(*), à cause de la fin. Et puis non, c'était trop bien.
Bon week end
Bonsoir Pascale, désolé mais pas tentée du tout même si c'est très bien. Bonne soirée.
Dommage, mais on ne peut tout voir. Bon dimanche.
Heu non, j'ai pas envie. Trop bizarre cette maladie, je me sentirais mal tout au long du film.
Ce n'est pas un film très confortable en effet.
Je serai curieuse de tenter l'expérience pour ma part Aurore et toi vous m'avez interpellé avec vos avis !
Mais du coup je n'irai pas avec mon conjoint qui souffre aussi misophonie.
Bonne journée
J'ai réussi à dépasser mon mal être car elle ne mâche que peu finalement :-)
Ce film est une expérience en tout cas.
Bonne journée.
Oui, très tentant, tant pis pour le mal-être pendant et après la séance ... nous détestons déjà le bruit du pop-corn, alors ça promet !
Les croquements ne me gênent pas par contre, ce sont les mâchements... mais ce film n'est pas un film à pop corns, peu de chance de le trouver en dehors des cinémas art et essai je pense.
Tu en parles à merveille, j'ai revécu le film à al la lecture. J'ai vu de bons films en Janvier, et celui-ci est en haut du panier !