ANNONAY 2020 - KUESSIPAN
de Myriam Verreault ****
Film en compétition (Québec)
Avec : Sharon Fontaine-Ishpatao, Yamie Grégoire, Cédrick Ambroise, Étienne Galloy, Caroline Vachon, Mike Innu Papu McKenzie, Douglas Grégoire
Mikuan et Shaniss, Innues de la Côte Nord, sont inséparables depuis l'enfance. À l'approche de l'âge adulte, leurs projets d'avenir menacent toutefois de mettre leur amitié à l'épreuve.
Mikuan rêve d'émancipation à l'extérieur de la réserve, tandis que Shaniss, déjà mère, s'enfonce dans une misère qu'elle maquille bien mal en solidarité envers les siens. Mikuan est première de sa classe et vit au sein d’une famille aimante. Elles se promettent de rester toujours ensemble, coûte que coûte. Mais Mikuan tombe amoureuse d’un blanc et rêve de sortir de cette réserve et partir avec son amoureux poursuivre des études à Québec.
Ce film d'une rare intensité est adapté du livre éponyme de la québécoise Naomi Fontaine. On découvre les innus, peuple autochtone nomade de la Côte Nord du Québec. Cette vaste terre leur appartenait, jusqu'à ce que, sédentarisés, ils en soient chassés par les blancs pour être cantonnés dans une réserve de quelques kilomètres carrés. Le racisme n'est pas éludé mais la réalisatrice dépasse le clivage simpliste gentils indiens/méchants blancs ou l'inverse. Ni angélisme, ni manichéisme. Les deux communautés ont du mal parfois à cohabiter, chacune prise au piège de leurs préjugés. Mais le propos central n'est pas là.
En suivant cette amitié fusionnelle sur plusieurs années, on pénètre le quotidien de cette réserve innue où la langue maternelle et les traditions survivent à l’intérieur de quelques kilomètres carrés. L'immersion est totale et dépaysante. Même s'il y a un fil conducteur, les chemins des deux amies prennent des directions différentes voire opposées, le film est fait d'observations, de tranches de vie parfois déroutantes, d'autres fois franchement dramatiques. On sent l'attachement profond des membres de la famille entre eux, la force de l'amitié, de la communauté. Sans sombrer dans le misérabilisme, il est évident que la vie est difficile et que la force du groupe parfois pesante est l'armature des relations. Difficile dans ces conditions pour Francis jeune blanc de Sept-Îles, pourtant sincèrement épris de Mikuan de trouver sa place parmi eux.
Grâce à un atelier d'écriture, Mikuan est encouragée dans ses talents de poétesse. Cela va encore davantage l'encourager à partir. Pendant ce temps, Shaniss, "la fille au ventre rond", fait des enfants qu'elle élève seule la plupart du temps puisqu'elle a choisi un garçon alcoolique, un peu voyou, parfois violent.
La réalisatrice s'attache aux détails, nous emmène dans le sillage de personnages attachants remarquablement interprétés par des acteurs non professionnels pour la plupart, qui tentent de vivre, de survivre, de réaliser leurs rêves.
Triste et beau.
Un Prix du Public ???
P.S. : je n'avais pas trop apprécié le film de la réalisatrice, coréalisé et présenté ici même en 2010.
Commentaires
Je n'ai pas encore lu "Kuessipan", seulement "Taqawan" ; je ne savais pas qu'il y avait un film.
J'espère qu'il sortira. Il paraît que le livre, assez court, est formidable.
Sujet rarement évoqué ( indiens du Canada) et la chronique donne envie de voir le film et/ou lire le livre.
Je pense quon va en entendre parler.