COUP DE GUEULE/DÉCEPTION
Comme chaque année, je me trouve dans le même super hôtel que les membres du jury et les équipes de films. Cela donne parfois lieu à des discussions bien agréables et intéressantes lors du petit déjeuner. D'autres fois, "on" ne se mélange pas et ce n'est nullement gênant.
La salle du ptidéj n'est pas bien grande et il est difficile de ne pas entendre ce qui s'y dit. Hier j'ai été le témoin auditif d'un monologue très déplaisant. Après avoir vu le premier film de la compétition Mickey and the bear, trois membres du jury en parlaient. Surtout un qui a d'ailleurs tendance à couper la parole à ses interlocuteurs et à monopoliser et dominer la conversation de son savoir.
Le fait qu'on aime pas le film, qu'on ait pas les mêmes goûts que moi n'est pas le problème et d'ailleurs je suis rarement d'accord avec le Palmarès de ce Festival. Ce qui ne m'empêche pas de venir chaque année depuis quinze ans. J'aime ce Festival pour son organisation, son ambiance, sa sélection de films.
Ici il était question de l'actrice Camila Morrone que j'ai trouvée remarquable dans le film.
Voici son apparence dans le film où elle vit aux pieds des montagnes du Montana dans un mobil home dans des conditions de pauvreté insoutenables :
la voici dans la vraie vie ou sur tapis rouge :
Il se trouve que la demoiselle (22 ans) est une mannequin argentin et en outre la nouvelle compagne de Leonardo Dicaprio.
La personne au ptidéj a admis avoir d'abord aimé le film puis revu son jugement à cause... du physique de Camila Morrone. Il se disait tout content de rencontrer éventuellement cette fille qui vit dans des conditions difficiles (son personnage dans le film). Quand il a vu qu'il s'agissait d'une personne dont, je cite "le Prix de 1 500 €uros attribué au film qui aura le Prix du Jury doit correspondre au prix de la baguette bio qu'elle mange le matin", il s'est dit déçu et que le film perdait beaucoup de sa valeur. Par ailleurs, toujours d'après lui, l'actrice est refaite de la tête aux pieds, "pas étonnant, je cite encore, qu'elle ait cette bouche", ce qui pour lui rend sa performance beaucoup moins intéressante.
J'ai eu envie d'intervenir gentiment en disant que cela prouve au contraire qu'elle est une superbe actrice puisqu'elle est capable et volontaire pour interpréter une ado pas maquillée et mal fagotée plutôt que de s'orienter vers des rôles de princesses qui scintillent. Mais je ne l'ai pas fait. Je dois dire que les autres interlocuteurs le laissaient poliment déverser ses âneries sur le physique de l'actrice.
J'ai croisé plusieurs fois la personne en question, j'ai hésité à aller lui parler. Et je ne l'ai pas fait. Je ne le ferai pas. Sachant que par ailleurs il s'est offusqué, je cite toujours : "en général, les rencontres après les films sont faites pour les retraités". Compte tenu de mon âge, je suppose que mon avis est sans intérêt. Je pense qu'il est pour l'instant pétri de certitudes que les années lui feront peut-être remettre en question et qu'il sera peut-être content que les retraités aillent voir ses films.
Ce matin, il a remis ça sur le fait que l'Académie des César est une institution de vieillards. Je pense que l'âge et l'apparence sont deux critères essentiels pour lui.
Ce qui me désole c'est qu'ici on ne demande pas au jury de juger le physique d'une actrice, il n'y a d'ailleurs pas de Prix d'Interprétation, mais le travail d'un réalisateur dont c'est le premier film. Ici il s'agit d'une réalisatrice de 26 ans qui réussit un film FORMIDABLE (d'après moi, et je comprends que tout le monde ne l'apprécie pas autant que moi). Je me demande ce qu'il pense d'Annabelle Attanasio, la réalisatrice du film ?
Sans doute est-elle trop belle, trop maquillée, trop bien coiffée pour qu'on s'intéresse à son travail ? Et puisque les acteurs ne peuvent jouer que des rôles qui se rapprochent de leur personnages, je me demande si Joaquin Phoenix a tué plusieurs personnes pour entrer dans la peau du Joker, si Alban Lenoir a fait un séjour en hôpital psy pour être le père psychotique de La Forêt de mon père, si Guillaume Gouix sortait de douze ans de prison lorsqu'il a joué dans les Drapeaux de papier pour ne citer que quelques exemples ?
Je suis un peu en colère car l'avis d'un jury conditionne parfois la suite d'une carrière. Même si le Festival d'Annonay n'est pas le plus prestigieux de France, il peut donner un sacré coup de pouce à la carrière d'un film. Je suis déçue que certains ne comprennent pas plus l'importance du rôle qu'on leur a confié. Un petit pouvoir implique quand même une grande responsabilité. On a le droit de penser ce qu'on veut des films et de tout en général : une pensée n'est pas la vérité et ne peut faire de mal. Mais donner des responsabilités d'avoir à "juger" un film et lui attribuer un Prix à des personnes inconséquentes m'attriste.
ça soulage de le dire !
Commentaires
Consternant d'être témoin de ce genre de scène. J'admire votre magnanimité, j'en aurais été bien incapable, tout d'abord parce que je ne supporte pas les gens qui pérorent, ensuite je déteste qu'on parle trop fort dans un restaurant, a fortiori au petit-dejeuner (faut pas me reveiller trop vite :-) et enfin parce que j'ai passé l'âge d'être patiente lorsque je suis témoin de sexisme. Qui a dit qu'une femme ne peut pas être belle et intelligente ?
Dans mon jeune âge, je n'aurais ni pensé ni osé aller dire à un.e inconnu.e ce que je pensais. Et puis, plus je vieillis, plus je gagne en assurance, enfin. Le plus étonnant est que la plupart du temps le trouble cesse, tant le.la gêneur.se est étonné.e qu'on lui tienne tête.
Bonne suite de festival !
Je pense que ce n'est pas mon rôle d'intervenir. J'attendais, j'espérais qu'une des personnes avec lui oppose un quelconque argument.
Ce qui me gêne le plus c'est qu'il semble monopoliser la conversation et je me dis que pour les débats, il va être difficile de lui prendre la parole;
Je comprends ta colère, c'est insupportable ; je ne sais pas ce que j'aurais fait, mais je lui aurait bien collé deux baffes virtuelles. Est-il aussi mauvais sur le physique des acteurs, ou c'est seulement un bon sexiste de base ?
Je n'ai assisté qu'à deux conversations. Ce matin il était plutôt "me too"... sans doute avait-il oublié ses bêtises de la veille :-)
Je dirais que tu as bien fait de rester zen, mais ça m'avait tout l'air d'être un sacré mufle, le gars !
Totalement inconscient des conneries qu'il profère. Ce qui est dommage c'est qu'il en fait profiter des gens qui n'ont pas mérité ça... ni rien demandé.
Je l'ai recroisé jusqu'à la soirée after. Il était tout mignon.