de Melina Matsoukas ****

avec Daniel Kaluuya, Jodie Turner-Smith

Deux jeunes gens (afro-américains) font connaissance dans un restau minable après leur rencontre sur Tinder (l'application de rencontres réseautage social qui génère 810 millions de dollars...).

Le garçon est nettement plus intéressé que la fille qui n'entend pas donner suite à ce premier rendez-vous. Mais les circonstances vont les mener là où ils ne pensaient vraiment pas aller. Un flic zélé et sans doute désoeuvré les arrête pour une infraction mineure sur la route. Le type est raciste et malgré la coopération des deux jeunes gens, la situation dégénère. Il faut dire que la demoiselle est avocate et entend faire respecter ses droits et ceux de son nouvel ami. Le flic devient violent, Slim s'empare de son glock et l'abat pour se défendre. Connaissant mieux que quiconque la façon dont les droits des noirs sont bafoués respectés dans ce pays, Queen convainc Slim de prendre la fuite.

Sans vouloir entrer dans les querelles et polémiques actuelles, je me demande pourquoi ce film formidable, chaleureux, romanesque et militant passe à ce point inaperçu. Il véhicule un message militant, antiraciste mais n'est pas réalisé par Spike Lee et plus encore il l'est par une femme... Cependant, je l'ai trouvé magnifiquement réalisé, interprété et la réalisatrice réussit à combiner l'engagement et le romanesque. J'ai été franchement impressionnée par ces deux heures de cavalcade qui passent à une vitesse folle et où je me suis progressivement et de plus en plus attachée aux deux personnages. Il faut dire qu'ils sont magnifiquement incarnés par deux acteurs incroyables. Jodie Turner-Smith une bombe qui opère une véritable métamorphose physique en plein milieu du film et Daniel Kaluuya déjà remarquable dans l'étrange et mondialement célébré Get Out.

Les premiers échanges ne sont pas très chaleureux. Leur décision a été prise sans réflexion. Ils ne savent où aller puis décident arbitrairement de se rendre à Cuba. Avant cela ils passeront chez l'oncle de Queen en Géorgie qui les aidera dans leur cavale. De l'Ohio à la Floride, la cavale se transforme forcément en road movie où l'on retrouve un peu de Thelma et Louise et de Bonnie and Clyde. Les fugitifs découvrent au fil de leurs rencontres qu'ils sont devenus des exemples, des symboles de la lutte des noirs contre les violences policières. Mais aussi, ils apprennent à se connaître, à s'apprécier et dans ces circonstances extrêmes et désespérées ils vont s'aimer. Et je vous assure, c'est BEAU. Jamais mièvre ou incongru. On y croit, même si parfois c'est trop beau pour être vrai, tant pis, on cavale avec eux et on fait semblant de croire aussi qu'ils vont s'en sortir.

Une tragédie politique et romantique, c'est bien rare et Melina Matsoukas fait avec son film ambitieux et différent, une bien belle déclaration de résistance au président haineux qui gouverne le pays.

Comme dans tout road movie les scènes et les personnages se succèdent nous faisant croire alternativement en l'espoir qui peut se transformer en inquiétude. Certains trouvent cela lourd, j'ai trouvé que c'était plutôt subtil et jamais benoîtement mièvre. J'ai aimé la longue scène chez l'Oncle où il est subtilement question du stress post traumatique après un passage en Irak..., celle aussi (surtout) dans une boîte où ne dansent que des noirs. Un musicien sans âge y balance un blues d'une sensualité torride et c'est magnifique. Mais de toute façon, suivre la cavale de ces deux êtres tellement attachants à travers quelques paysages sublimes alors que le suspense est parfois insoutenable, est passionnant de bout en bout.

Je suis heureuse d'avoir vu ce film (par hasard... comme il m'arrive parfois, je me suis trompée d'horaire, je devais aller voir Wet Season).