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SAILOR ET LULA

de David Lynch ***(*)

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Avec Laura Dern, Nicolas Cage, Diane Ladd, Willem Dafoe, Isabella Rosselini, Harry Dean Stanton

A force de proposer des extraits de films pendant toute la durée du confinement, (inutile de vous expliquer de quoi il s'agit) j'ai eu de grosses envies de revoir certains films culte que je n'avais pas vus depuis des années voire des décennies.

Voir et entendre chanter Sailor ici m'a fait chercher le DVD du film... que je n'avais pas. J'ai donc dû patienter sagement (sans passer par la case A....N) quelques jours pour me replonger dans cette histoire. J'avais encore en tête des images fortes, des scènes inoubliables et surtout le souvenir d'un couple de légende qui m'avait fait forte impression. L'impression s'est confirmée.

Martin et moi parlions récemment d'un couple que je trouvais particulièrement mal assorti. C'est tout l'inverse ici. Nicolas Cage totalement barré et amoureux fou s'emboîte parfaitement au corps et à l'âme de cette grande liane qui ondule constamment Laura Dern amoureuse éperdue, "plus chaude que l'asphalte en juillet". Ils sont magnifiques, faits l'un pour l'autre et ne souhaitent qu'une chose, vivre leur amour fou. Qu'on leur fiche la paix.

Hélas, la mère de Lula à la lisière de la folie (Diane Ladd, d'une vulgarité abyssale) entend que sa fille ne suive pas ce barjot et fait tout pour les empêcher d'être ensemble. C'est ainsi que la toute première scène, après que l'écran se soit embrasé au son de la musique merveilleuse et bouleversante d'Angelo Badalamenti, d'une violence rare, voit Sailor massacrer un type envoyé par la mère de Lula pour l'assassiner. Direction la prison pour deux ans. Dès sa sortie, Roméo rejoint Juliette. Lula amène sa veste en peau de serpent à Sailor, "le symbole de mon individualité et de ma liberté personnelle". Les retrouvailles rendent la mère encore plus hystérique. Et alors que les deux tourtereaux commencent une folle cavale à travers le sud des Etats-Unis, la mère lâche à leur trousse un détective privé bizarre et une faune de cinglés dont on ne comprend pas toujours d'où ils surgissent et leur intérêt.

C'est ici que je pose quelques réserves. Je ne me souvenais plus à quel point ce film annonçait le magnifique et labyrinthique Mulholland drive qui arrivera 10 ans plus tard, et plus que jamais on sent bel et bien la patte du réalisateur qui va hélas finir par devenir de plus en plus abscons. Ici, les personnages étranges, voire monstrueux, ténébreux ou énigmatiques n'apportent rien à l'histoire. Je trouve même qu'ils l'alourdissent, l'embarrassent et la ralentissent. Ils ne sont guère intéressants. On dirait que Lynch le fidèle a voulu réunir sa troupe. Mais dès lors que l'on retrouve notre couple qui se consume l'un pour l'autre et met le feu à l'écran, le film repart en flèche. Chaque fois qu'ils font l'amour, ils se livrent ensuite à de longues conversations où peu à peu ils se révèlent l'un à l'autre et nous éclairent sur leur enfance malmenée. Elles sont à la fois réjouissantes et bouleversantes. Sailor a manqué de tout et n'a jamais fait l'objet de la moindre attention ni tendresse de la part de ses parents, Lula a commencé à fumer à 4 ans, a été violée à 13 par son oncle et a vu son père brûler vif. Ces deux là se sont trouvés, se comprennent et s'aiment comme on le voit rarement au cinéma. Ils s'admirent et s'étonnent aussi l'un l'autre, chaque jour. "La façon dont ta tête fonctionne, dit Sailor, c'est un des mystères du Bon Dieu". Alors quelle se désole sur le monde qu'elle trouve "cruel à l'intérieur et cinglé en surface". Elle n'a pas tort. Personne ne les laisse tranquilles.

Au cours de leur périple, les deux amants en cavale, épris de liberté, traversent le Texas, Las Vegas, vont danser dans une boîte où Tailor chante magnifiquement une chanson d'Elvis à sa belle, croisent des gens peu recommandables dont Bobby Peru (Willem Dafoe) qui va proposer à Sailor de "faire un coup" et les pièces du puzzle, progressivement se mettent en place...

Lors d'un road movie, il se passe beaucoup de choses et on embarque sans peine aux côtés de Sailor et Lula dans leur course folle, leur fuite éperdue vers la liberté dans un monde hostile qui ne cesse de les piéger. Autour d'eux règnent la folie, la bêtise, la mort. Alors que c'est juste l'histoire d'une fille qui aime un garçon et aimerait qu'il lui chante Love me tender...

Nicolas Cage est formidable, Laura Dern sublime, incandescente et le film a obtenu la Palme d'Or en 1990 sous la présidence de Bernardo Bertolucci.

Commentaires

  • J'ai terminé hier la biographie de David Lynch "L'espace du rêve". Très intéressant pour comprendre la complexité du réalisateur, toutes les tranches de sa vie et son oeuvre étant relatées par lui même et du point de vue de sa famille et de ses amis.

  • J'imagine bien que Lynch n'est pas un garcon simple.

  • Nous l'avons vu lors de sa sortie et gardé le souvenir d'un film qui "transpire la sexualité"' du début à la fin ! Les acteurs ont vraiment intégré leurs personnage. Et on a tellement envie que cette histoire perdue d'avance se termine bien...

  • C'est tout à fait ça, un film sexuel mais aussi très romantique. Et pour une fois les scènes de sexe ne m'ont pas dérangées.

  • Souvenir très flou... d'un film très flou. Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé. En fait, je ne sais pas quoi penser. Il faut dire que je suis encore un néophyte avec Lynch et que ce côté abscons dont tu parles me déroute un peu, même à petite dose.

    Bref... je ne doute pas de ce que tu dis au sujet de la beauté de la relation entre Lula et Sailor, mais le souvenir du film reste assez insaisissable dans mon esprit. Trop pour une chronique plus argumentée. Je le reverrai peut-être, un jour...

    Chose amusante: le film est le deuxième de trois Palmes d'or successives venues des States. Et on dit aujourd'hui que les Américains sont un peu en désamour avec la Croisette.

  • Si tu l'as vu à sa sortie, tu devais être trop jeune. Il mérite vraiment qu'on s'y arrête. Cette histoire, ce couple, ces 2 acteurs sont vraiment exceptionnels.

  • J'ai vu le film il y a quelques mois seulement et j'aquiesce, c'est vraiment un grand David Lynch. Je conseille aussi la lecture du livre éponyme de Barry Gifford, formidable lui aussi et qui connaitra non pas une mais cinq suites.

  • Des suites à Sailor et Lula ? C'est tentant. J'aimerais savoir ce qu'ils sont devenus.

  • Tu en causes bien.
    Sailor & Lula c'est aussi une belle poignée de trognes qui traînent dans le sillage lynchien. Tu as parlé de Dafoe le Peru, mais comment faire l'impasse sur H.D. Stanton en privé Farragut, la Diane Ladd de Chinatown devenue méchante sorcière de l'Ouest, Isabella aka ex-Miss Lynch aka la fille de Minnelli aka la fille d'Ingrid Bergman ! aka Perdita Durango, John Lurie sans son sax, l'Eraserhead Jack Nance , Sherilyn Fenn (mmmmh Audrey Horne qui danse), Sheryl "Laura Palmer" Lee en bonne fée, et Frances Bay qui deviendra l'étrange Madame Tremond de Twin Peaks. Belle affiche tout de même !

  • Merci.
    Et bien justement ces personnages dont tu parles font partie de mon paragraphe "réserves". Toutes ces bizarreries, ces monstres m'ont rapidement tapé sur le haricot. Évidemment Sailor et Lula sont entourés et poursuivis par une clique de malveillants plus bêtes, tordus et monstrueux les uns que les autres et c'est ce qui les rend encore plus touchants. Mais j'ai trouvé ce défilé un peu systématique. Dafoe et Diane Ladd me dégoûtent même carrément (physiquement... mentalement j'en parle même pas).
    Isabella, fille de Minelli, j'ai bien ri.
    Mais Sailor et Lula, je les AIME D'AMOUR.

    PS. : je n'ai jamais vu Twin Peaks. Oui je sais, c'est terrible, je ne sais toujours pas qui a tué Laura Palmer. Mais qui le sait ?

  • C'est Bob.

  • Bob est le père d'Isabella ? :-)))))

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