CHAINED/BELOVED
Avec Eran Naim, Stav Almagor, Stav Patai
Tel Aviv de nos jours. Rashi est flic depuis plus de 20 ans. Ses méthodes sont un peu musclées et parfois injustifiées mais il aime son métier et a foi en la justice.
Côté coeur, c'est le bonheur absolu avec Avigail même si les relations sont un peu tendues avec Yasmin, la fille d'Avigail qu'elle a eue avec un autre homme (dont on ne saura rien). Le couple amoureux fait plaisir à voir et malgré sa difficulté à avoir un enfant, il est merveilleusement complice et soudé.
Un jour tout commence à s'effriter progressivement et une calamité arrivant rarement seule, Rashi doit faire face simultanément à une enquête interne de la police qui le met à pied suite aux accusations de jeunes gens qu'il a interpellés, aux crises de plus en plus violentes de la fille d'Avigail et, pire que tout, à l'éloignement progressif d'Avigail.
J'étais totalement passée à côté du premier film de Yaron Shani il y a 10 ans, Ajami (il faut dire qu'il n'était pas seul aux manettes). Mais celui-ci, que j'ai trouvé d'une maîtrise exceptionnelle, fut un choc et un véritable coup de coeur. Je crois que rarement une crise de couple n'a été traitée avec tant de réalisme et de force. Même si le film est dur et que j'attends de voir le second du diptyque consacré au point de vue d'Avigail (Beloved), je l'ai trouvé particulièrement honnête et réaliste.
J'ai failli ne pas voir ce film à cause de la bande-annonce vraiment mal faite qui ne rend justice ni à la force du propos ni au charisme des deux interprètes très attachants (non professionnels). Heureusement l'avis d'Henri Golant m'a fait changer le mien et permis de voir ce film.
En quelques scènes, le réalisateur nous montre l'amour sincère et réciproque d'un couple qui se parle, s'écoute, se comprend et se soutient. Mais avant d'entrer dans l'intimité du couple, les premières scènes, très dures, nous montrent surtout Rashi dans l'exercice de ses fonctions. Et l'on découvre à la fois son autorité, sa brutalité parfois mais aussi sa profonde et sincère empathie envers les victimes. Ce qui impressionne également chez cet homme, jadis athlétique devenu obèse, c'est son calme que rien ne semble pouvoir entamer. Lors d'un retour chez sa mère (péniiiiiible !!!) on verra ce gros nounours (comme l'appelle affectueusement Avigail) pleurer en écoutant une chanson d'amour sirupeuse ou faire un malaise à l'annonce d'une mauvaise nouvelle.
Puis le soutien d'Avigail, plutôt en retrait dans ce film, se fait de plus en plus distant. Elle se confie moins. Après une scène, encore une fois d'une grande justesse entre Rashi et la fille tout juste adolescente, Avigail semble vouloir reprendre le cours de l'éducation de sa fille. Sans doute en saura t'on davantage après avoir vu Beloved. Mais parfois on se demande si l'autorité de Rashi n'est pas une manière pour lui de vouloir faire en sorte que tout le monde agisse comme il l'entend. Une fois il dira à sa femme : "tu m'as demandé la permission ? et se reprend aussitôt : "Tu ne m'en as pas parlé". Mais à plusieurs reprises il finit par céder et accepter de faire ce qu'on lui propose.
Les dialogues d'une grande intelligence et encore une fois d'une grande justesse sont impressionnants et nous font admettre le point de vue de chacun. C'est très fort. Un film complexe et assez envoûtant.
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BELOVED de Yaron Shani ***
avec Ori Shani, Leah Tonic, Eran Naim, Stav Almagor, Stav Patai
Ce second volet est également d'une grande force mais m'a un peu déçue car il s'éloigne trop de l'histoire du couple même si les nouveaux personnages (féminins) sont en quelque sorte les catalyseurs de la crise. Et puis on y découvre une facette agressive et colérique de Rashi et aussi qu'Avigail n'aime ni son mari et à peine sa fille... en contradiction donc avec le premier film. Et puis la seconde partie de cette seconde partie se concentre complètement sur l'histoire annexe de deux soeurs qu'Avigail rencontre dans le cadre de son travail et qui sont à l'origine d'une scène très longue, très éprouvante qui met KO aussi bien les deux actrices que les spectateurs.
On apprend ce que l'on supposait puisqu'à plusieurs reprises elle porte une blouse blanche, Avigail travaille dans le milieu hospitalier et sa douceur fait merveille dans cet Ehpad où Yaël et Na'anma se voient contraintes d'installer leur père à l'agonie. Les deux femmes, aux vies diamétralement opposées ne réagissent pas du tout de la même manière et s'opposent souvent violemment.
Au contact de Yaël, la bienveillance incarnée, Avigail va découvrir l'entraide, le soutien, l'écoute, la douceur, la tendresse, l'affection. Au cours d'un week-end entre filles (que Rashi, mis devant le fait accompli, désapprouve) qui occupe une grande partie du film, Avigail va également se retrouver ou se découvrir elle-même au prix de flots de larmes incontrôlables. C'est très beau mais assez idéal. Toute cette bienveillance, cette tolérance, cette générosité ont fini par ressembler à un monde totalement fantasmé exclusivement féminin d'où l'homme est exclu sauf en de rares cas d'exception, comme lors de cet accouchement (un vrai accouchement filmé en temps réel, à domicile, étonnant !) auquel l'homme assiste.
Malgré de très belles scènes et certaines vraiment puissantes, je regrette que les deux films ne soient pas suffisamment cohérents. Cela m'a un peu perdue.
Il n'en demeure pas moins que la fin de Chained vous laissera anéanti sur votre fauteuil et que les deux films sont merveilleusement interprétés et dialogués.
Commentaires
Ne serait-ce pour découvrir un pays, une ville que nous ne connaissons pas !
Merci, à retenir, mais après le départ des petits enfants...
C'est assez dépaysant en effet. Et il y a cette langue que j'adore entendre.
Bonjour Pascale, je n'ai vu que Beloved pour l'instant. Je compte aller Chained en début de semaine prochaine. De beloved, j'ai retenu l'affrontement entre les deux soeurs, un moment éprouvant dont on sort groggy, la séquence de toutes ces femmes ensemble loin des hommes. La séquence de l'accouchement dans l'eau, la coupe des deux nattes (l'actrice a une chevelure extraordinaire que j'envie). Et puis, des visages et des seins floutés. Bonne journée.
Bonjour dasola
Tu as raison toutes ces scènes sont marquantes. Surtout l'éprouvante dispute des soeurs.
C'est curieux ces seins floutés et la sortie du bébé en gros plan... Dans Chained un sexe masculin est flouté.
Tu as peut-être bien fait de voir les films dans cet ordre.
Bonne journée.
Le dispositif est intéressant et ta chronique double fait envie.
Merci d'en avoir parlé car, effectivement, la bande annonce... n'annonçait pas quelque chose d'aussi intéressant.
Je note.
Un dyptique auquel on pense encore des jours après.
Voir le premier (puissant) peut être suffisant.
Je viens seulement de voir "Beloved", une semaine après "Chained". Comme toi, je regrette le manque d'interconnexion des deux films. Je m'attendais à un dispositif plus brillant. Je crois que c'est voulu : le réalisateur veut montrer que les époux évoluent dans des univers différents, où les priorités ne sont pas les mêmes.
En tout cas, c'est toujours aussi bien dialogué (et joué). Je trouve la scène de dispute des deux soeurs très forte.
Quant aux éléments floutés, ils sont peut-être liés à la nécessité d'éviter la censure. Je remarque que ce ne sont pas uniquement des sexes et des seins qui ont subi ce traitement, mais aussi les visages des résidents de l'EHPAD (qui ne sont peut-être pas des acteurs).
Si c'est voulu, je ne trouve pas ça très intéressant. Autant fait un film de 3 heures.
Elle est exceptionnelle cette scène, on en sort rincé.
Oui j'ai pensé la même chose pour les visages floutés, pour le "reste", j'ai pensé à la pruderie.