de Sophie Letourneur ***

Avec Jonathan Cohen, Marina Foïs

Frédéric et Claire forment un joli couple, un peu étrange mais très amoureux. Claire est pianiste professionnelle et ne sait rien faire d'autre, pas même ouvrir une porte, porter une valise ou répondre à des questions.

Quand elle n'est pas devant son piano, elle est en retrait derrière Frédéric qui s'occupe absolument de tout. Il est son mari, son agent, sa secrétaire, sa bonne, son garde du corps et quand il s'agit de la détendre car il la sent stressée, il s'agenouille devant elle et lui baisse la culotte. Ils voyagent à travers le monde au gré des concerts de Claire. Alors évidemment, un enfant n'a pas sa place dans cette vie de nomades. Jusqu'au jour où dans un avion Frédéric (qui a un diplôme de secouriste) assiste une infirmière pour un accouchement. Il prend le bébé dans ses bras, et ce contact bouleverse sa vie. Il décide de faire un enfant à Claire, "un enfant dans le dos" selon la sinistre formule.

Les féministes doivent hurler à l'infamie. Se comporter ainsi avec une femme, SA femme est une bassesse, on est d'accord. Et d'ailleurs le caractère transgressif et juridiquement répréhensible de l'acte terrible de Frédéric est évoqué dans le film. Dans la vraie vie, cette entrave à l'IVG peut conduire à 2 ans d'emprisonnement et 30 000 €uros d'amende. Ceci étant dit, parler du désir d'enfant du point de vue masculin est une rareté et j'ai trouvé le film formidable pour bien des raisons. On y rit beaucoup mais il n'est pas impossible aussi d'être fortement ému, notamment lorsque Claire (Marina Foïs tout en retenue, presqu'effacée comme fataliste) hurle son désarroi, n'en pouvant plus d'être traitée comme un objet car une femme enceinte, ne cesse d'être auscultée, touchée, palpée... Oui cette comédie étrange et déjantée n'est pas que drôle. Les deux acteurs dont Jonathan Cohen (prodigieux) y sont sans doute pour beaucoup.

La réalisatrice y adjoint une grosse part quasi documentaire en filmant de vrais professionnels de santé (infirmière, gynécologue, sage-femme etc) dans l'exercice de leurs fonctions et un accouchement en temps réel dans une scène intense et touchante.

Parvenir à alterner ainsi moments de pure comédie et instants plus graves est un véritable pari que la réalisatrice gagne haut la main. Les questions du couple et de la parentalité sont posées jusqu'au moment où Frédéric se doit de révéler son acte à sa bien-aimée...

L'aspect comédie est une grande réussite également. Voir Jonathan Cohen enfler à vue d'oeil et annoncer à qui veut l'entendre qu'il est primipare est hilarant, alors que Marina Foïs et son ventre disproportionné ne parvient plus ni à s'asseoir ni à atteindre le clavier de son piano.

C'est aussi une comédie où l'on se pose des questions. Le personnage du mari est éminemment sympathique et aimable mais commet un acte dégueulasse. Alors que l'épouse, princesse isolée dans son univers d'artiste devient de plus en plus touchante, perdue face à un bouleversement qu'elle n'a pas souhaité. D'abord dans le déni, elle se met à gonfler dès lors qu'elle est aux mains des soignants et n'a qu'une hâte, se débarrasser de cette excroissance.

La complicité du couple d'acteurs est évidente. La légèreté et la profondeur du propos sont étonnantes dans ce genre de film où l'on rit beaucoup tout en s'interrogeant. Dans ce film on rencontre aussi de vrais professionnels de santé et un chamane convaincants.

J'ai beaucoup BEAUCOUP aimé.