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ADOLESCENTES

de Sébastien Lifshitz ***(*)

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Ce documentaire suit le parcours d'Emma et Anaïs de leurs 13 ans jusqu'à leurs 18 ans. Alors que tout les sépare, leur milieu social, leur établissement scolaire, leur évolution personnelle, elles sont amies et se retrouvent régulièrement.

Lorsque le réalisateur a décidé de s'intéresser à la vie de deux ados, alors que son projet initial était de suivre un garçon, il ne devait pas s'attendre à tomber sur deux filles aussi formidables et intéressantes. Moi-même, je suis bien surprise d'avoir passé plus de deux heures vraiment passionnantes en compagnie d'ados... Bien que très différentes l'une de l'autre, elles ont en commun un fort tempérament et un certain courage pour résister voire s'opposer à leur entourage familial que j'ai trouvé très perturbant aussi bien pour l'une que pour l'autre mais à différents titres.

Cela se passe à Brive, Sous-Préfecture de Corrèze car le réalisateur voulait s'éloigner de l'archétype de l'ado de banlieue. Si Emma évolue au sein d'une famille bourgeoise, Anaïs est issue d'un milieu populaire voire défavorisé et a même été "placée" un temps en famille d'accueil. Elles prendront des chemins divergents à partir de la seconde où l'une suivra une filière classique et l'autre professionnelle.

Anaïs est en surpoids comme sa mère  mais jolie et séductrice, elle semble se satisfaire de son corps. En classe, elle est plutôt cancre. Elle a un frère handicapé qu'on verra peu et un autre encore bébé lorsque le film démarre. La mère aimante mais complexée sombre régulièrement dans la dépression et fait des séjours à l'hôpital. Le père, dépassé, fait ce qu'il peut. Et Anaïs, dans cet environnement inconfortable affronte des drames. Je l'ai trouvée particulièrement solide face à ces moments et émouvante lorsqu'elle se découvre une vocation qui la surprend elle-même. Il lui arrive de se plaindre auprès de son père de ne pas se préoccuper de ce qu'elle ressent et d'exprimer ce qui la hante mais elle avance, étonnée de ce qu'elle est capable d'accomplir. C'est elle encore qui se charge de soutenir moralement sa mère qui s'effondre souvent.

Emma est une beauté pleine de talent. Plus "sage" que son amie, douée en classe, elle est en conflit permanent avec sa mère. Cette dernière, névrosée jusqu'à la moelle, antipathique du début à la fin est intrusive, autoritaire et geignarde, elle est incapable d'approuver les choix de sa fille, d'apprécier sa réussite, de se réjouir de ses succès. Cette femme épouvantable ne laisse aucun répit à sa fille, ne cesse de la sermonner, la critiquer, s'en plaindre. J'ai eu envie de la trucider deux cents fois et Emma lui dira à un moment : "mais jamais tu t'arrêtes, il faudrait te tuer". On comprend. C'est excessif certes mais on ne pourrait imaginer un personnage fictif aussi abominable. Lorsque le père, un commercial la plupart du temps absent, surgit c'est également pour faire des reproches et dire à sa fille que de son temps il était impliqué politiquement. On a envie de dire à ces gens : regardez quelle fille brillante vous avez !!! Et dire à Emma de se sauver...

J'étais surprise de constater à quel point ce film est tendre, lumineux mais aussi douloureux parfois. Sébastien Lifshitz sait capter ces instants délicats et subtils en famille, en classe, lors de sorties entre amis. C'est amusant aussi de les entendre à 18 ans parler de gamines de 14 ans qu'elles observent et découvrent qu'à leur âge c'était très différent. Déjà.

Le réalisateur observe l'époque que les filles traversent, surtout au travers des différents attentats qui ont émaillé ces dernières années (Charlie, Bataclan, Hyper Kasher). Les réactions et commentaires des élèves en classe après ces évènements est particulièrement émouvant, tout comme l'intervention d'Anaïs qui explique à ses parents qu'un musulman n'est pas un terroriste. L'élection d'Emmanuel Macron fera dire à Anaïs : ça y est on est foutus !

Après le beau et émouvant portrait de la transexuelle Bambi, Sébastien Lifshitz nous cueille une nouvelle fois et nous fait aimer deux jeunes filles prometteuses à qui l'on souhaite le meilleur et dont le plus beau geste est, je trouve, de s'éloigner de leur famille respective.

Adolescentes" : l'amitié prodigieuse ?

Commentaires

  • J'ai été aussi très heureuse de voir comme ces jeunes femmes ont grandi. J'ai particulièrement d'attachement envers Anais, qui grandit dans un milieu aimant mais très très difficile. Il ne faut pas sous-estimer nos jeunes, ils réfléchissent, ce ne sont pas des abrutis dégénérés. Et s'il y en a quelques uns, comment leur en vouloir avec l'exemple qu'on leur donne ... J'ai adoré lire ton avis, très lumineux :)

  • Je suis emballée par leur volonté et leur faculté à se construire en dépit de leur environnement familial.
    On pourrait croire qu'Emma est plus protégée dans son milieu privilégié mais la mère castratrice ne parvient pas à casser sa fille qu'elle voudrait sans doute voir devenir contrôleur des impôts comme elle... Je déteste cette femme et j'en veux à ce genre de personnes de me faire ressentir cela.
    La scène où Emma est toute contente de lui montrer que son 1er choix est validé m'a bouleversée. Je me disais : c'est pas possible, elle va finir par se réjouir. Cette femme doit souffrir de ne pas façonner sa fille comme elle l'a décidé.
    Anaïs en a lourd sur ses jeunes épaules mais j'ai l'impression que ses parents réfléchissent plus que ceux d'Emma et ils sont fiers de leur fille. Et il y a l'amour dont elle déborde.
    Ces filles sont formidables. Je les aime toutes les deux.

  • 2h 16 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
    'Il existe un proverbe chinois qui ne dit rien. Il m'arrive de le citer quand je n'ai rien à dire' ;-)

  • Super film
    On peut observer le déterminisme social
    Mais au final Anais s’en sort pas trop mal
    Je me suis vue avec mes copines à quinze ans
    Et cela m’a projeté bientôt avec ma petite-fille qui est en 5ieme cette année
    Bref adolescence = amitié
    Adolescence = premiers amours
    Adolescence = tout est possible
    On vit tout puissance 10
    J’aimerais bien retourner dans cette période
    On leur souhaite le meilleur

  • Ma Poupée est en 6ème. Aujourdhui même je suis allée la chercher avec sa copine. J'ai adoré les entendre glousser.
    Ce film m'a quand même crevé le coeur parfois. Elles ne sont pas aidées par leur entourage. Et chez les bourges c'est encore bien plus sinistre.

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