CE SOIR, ON PLEURE
à 20 h 55 sur France 3.
MANCHESTER BY THE SEA de Kenneth Lonergan ****
avec : Casey Affleck, Kyle Chandler, Lukas Hedges
Synopsis : L'histoire des Chandler, une famille de classe ouvrière, du Massachusetts. Après le décès soudain de son frère Joe (Kyle Chandler), Lee (Casey Affleck) est désigné comme le tuteur de son neveu Patrick (Lucas Hedges).
Voici donc Lee contraint de revenir à Manchester la ville où il est né et qu'il a quittée pour aller vivre et travailler à Boston. Les raisons de son départ et de son peu d'enthousiasme à y revenir seront révélées peu à peu en flash-backs. Et l'on ne fait que se tromper sur tout ce qu'a pu être la vie de Lee avant les révélations. On imagine qu'il est parti car il se sentait exclu de sa famille, qu'il a développé une sorte de haine vis-à-vis de son frère, que son neveu ne l'intéresse pas. Pas du tout, on a tout faux. Au contraire les deux frangins et le fils/neveu Patrick s'entendent à merveille et ont jadis partagé de nombreux moments ensemble, de grandes parties de pêche.
Lee pense que la lecture du testament sera une formalité, que Patrick héritera du bateau et lui de la maison ou plutôt l'inverse. Et non, Lee se trouve désigné pour être le tuteur de Patrick, quitter Boston et venir vivre à Manchester. Il semble que l'aîné n'ait pas consulté son frère avant de rédiger son testament et qu'il a tout organisé sans s'imaginer que Lee va tomber de haut et refuser...
Si vous avez envie de pleurer toutes les larmes de votre corps pour faire de la place pour les suivantes, ce film est fait pour vous. Pourtant le réalisateur ne se facilite pas la tache à grand renfort de violon lacrymal ou de déclarations et scènes bavardes. Même si l'Adagio d'Albinoni dans son intégralité ne pousse pas franchement à la rigolade. Mais j'ai l'impression que ce morceau n'a jamais été si bien utilisé au cinéma en collant parfaitement au désespoir ambiant.
Le réalisateur joue plutôt l'ellipse et les silences. Mais pas toujours. Les dialogues sont d'une intelligence et d'une justesse peu communes. Naturels, réalistes. Et parfois il se tient à distance sans forcer le trait. Et l'on comprend, tout. Et peu à peu on s'enfonce un peu plus dans son fauteuil, la main parfois devant la bouche pour s'empêcher de sangloter. Il faut dire que Lee n'est qu'un bloc de souffrance, de solitude et de chagrin. Il porte la douleur du monde sur ses épaules. Comment il tient encore debout, cela tient du mystère quand on ne sait pas... puis du miracle lorsqu'on sait. Ses brusques accès de violence surprennent parce qu'on ne s'y attend pas et lorsqu'il pourrait réagir violemment il reste impassible comme inaccessible à toute sensation. Il semble au-delà de toute envie, de tout besoin. Il vit, il continue à vivre comme s'il voulait faire de sa vie un long chemin expiatoire sans joie, sans amour. Cet homme inconsolable porte sa culpabilité sans jamais l'évoquer. On ne peut même pas dire que "son besoin de consolation est impossible à rassasier", Lee ne cherche pas la consolation. Il est au-delà, et inconsolable est un faible mot.
Pourtant, la façon dont il prend en charge son neveu Patrick, qui perd son père à 16 ans et dont il craint que la mère inapte pourrait le "récupérer", sa façon de se précipiter lorsque sur le bateau Patrick et sa copine (il consomme compulsivement les filles...) font une fausse manœuvre, son obstination à lui chercher le meilleur tuteur possible prouve qu'il reste au fond de lui de l'amour, de l'empathie. Même s'il dit qu'il n'a plus la force, il démontre qu'il la trouve et qu'il a encore en lui les cendres d'un peu d'humanité et de force.
L'hiver glacial de la côte Est des Etats-Unis est un écrin pour ce drame bouleversant comme on n'en fait plus. Digne, modeste et respectueux. Les personnages, tous fracassés, sont portés par des acteurs impeccables, Kyle Chandler (sans doute son meilleur rôle jusque là) et le jeune Lucas Hedges (très prometteur) en tête. Mais pour évoquer Casey Affleck, il me faudrait consulter un dictionnaire des superlatifs parce que porter à ce sommet d'intensité et de douleur la solitude, la détresse et la culpabilité, c'est absolument exceptionnel. Ce n'est pas d'aujourd'hui que cet acteur qui (comme il est dit dans mon Télérama) "a l'art de se faire curieusement oublier entre deux grands rôles", surprend et fascine, surtout depuis la merveille, mais ici il fait tellement mal parce que ce qui l'a anéanti est sans doute ce qui peut arriver de pire à un être humain qu'on verse à sa place les torrents de larmes qu'il retient miraculeusement.
Commentaires
Contrairement à son frère Ben qui joue comme un bourrin, Casey est un acteur à fleur de peau avec un jeu plein de sensibilité et subtilité.
Je suis d'accord pour Casey mais pas pour Ben que j'apprécie et qui plus est un excellent réalisateur.
Vu et pas envie de revoir. Je pensais aller Courir ce soir dans les cimetières avec Kirsten Dunst, mais elle n'est pas sur Toulon en ce moment et le couvre feu est en vigueur. Donc pour finir Je vais plutôt essayer 'Paris Police 1900' la nouvelle série C+ que j'ai téléchargée ce matin. ;-)
Courir ? Avec ta patte folle ???
Aaaahhhh... il est bien ce Casey....
Les mots me manquent, mais pas à lui...
Le film peu être déroutant au début mais le réalisateur nous conduit magistralement à la révélation.C’est en effet ce qui peut arriver de pire à un être humain ! C’est triste à pleurer mais on résiste pour,surtout, ne pas s’identifier. Dans la vraie vie d’autres aussi comme Martin Gray ont pu continuer à vivre, on se demande comment.
PS : Nous n’oublions pas que Ben nous a totalement bluffées dans Argo !
Oui je ne comprends pas l'acharnement contre Ben.
Je me suis trompée, c'est sur la 3.
Je suis contente de revoir ce film malgré l'horreur.
Je l'avais aimé à sa sortie ce film, mais qu'est-ce qu'il était plombant !! Du coup, je n'ai pas eu envie de le revoir en ce moment.
J'ai re beaucoup aimé. Casey est extraordinaire. Ça n'a pas accentué l'humeur morose.