NIAGARA
de Henry Hathaway ****
Avec Jean Peters, Marilyn Monroe, Joseph Cotten, Casey Adams
Ray et Polly Cutler, petit couple sans histoire arrivent aux Rainbow cabins, un motel dont la plupart des logements offrent une vue imprenable sur les Chutes du Niagara. Ils n'avaient pas eu l'occasion de vivre leur lune de miel et profitent de cette semaine de vacances pour réparer.
A leur arrivée, le bungalow qu'ils ont loué est encore occupé par un couple sulfureux, George, instable et jaloux et Rose poupée sensuelle et provocante. Très conciliante, Polly accepte de résider dans un autre bungalow. Le lendemain, elle aperçoit Rose dans les bras d'un inconnu. Quant à George, il pique une crise de jalousie et casse le disque que Rose écoute alanguie devant tous les occupants des bungalows réunis pour une soirée dansante.
Puis Rose passe un coup de fil mystérieux et se rend à la police pour déplorer la disparition de George. A la morgue, on lui présente un corps à reconnaître. Elle s'évanouit.
Je n'en dis pas plus pour ceux qui n'ont pas encore vu ce classique dans lequel Marilyn interprète sans doute son unique rôle de "méchante". Elle trompe son mari. Ce n'est pas ce qui la rend méchante mais qu'elle souhaite s'en débarrasser avec l'aide de son amant. On a envie de lui dire qu'elle semble sur le point de quitter un homme pas à la hauteur pour un autre pas plus reluisant, mais là n'est pas le sujet. Les choses ne se passent tout simplement pas comme prévu.
Il y avait longtemps que je n'avais revu ce film et rendons grâce à Arte d'être la chaîne qu'elle est et nous permette ce voyage en cinéphilie sans avoir à payer d'abonnement... Dans mon souvenir, le film était en noir et blanc, c'est étrange car ce qui explose ici c'est le technicolor. Hathaway joue sur les couleurs flamboyantes ou d'autres auraient choisi le clair-obscur pour évoquer ce drame noir.
On ne s'embarrassait pas de vraisemblance à l'époque : les personnages livrent leurs secrets les plus intimes à de parfaits inconnus et Marilyn, créature quasi surnaturelle, se réveille ou sort de la douche parfaitement maquillée d'un rouge à lèvres éclatant et toute en boucles blondes maîtrisées.
Cela n'a aucune importance, la contempler fait partie du bonheur à voir ce film et j'ai l'impression qu'elle n'a jamais été aussi belle qu'ici dans la splendeur de ses 27 ans. En outre, elle change de toilette à chaque scène et j'ai une admiration particulière pour celle-ci :
Même si c'est son apparition en robe rouge (fushia) qui a marqué les esprits.
Cela dit, même en ciré jaune pour affronter les embruns des chutes, elle est parfaite.
Je n'ai pas retrouvé l'auteur de cette remarque d'une grande justesse : Niagara - "Grand film noir qui réunit deux chefs-d'oeuvre de la nature : le Niagara, symbole de forces qui nous dépassent, et Marilyn, née pour les déclencher". Et en effet, le spectacle vient d'abord de ces deux "éléments". Et le réalisateur s'en donne à coeur joie en nous offrant la visite touristique guidée des chutes et de son environnement : le village du motel et la ville de Niagara elle-même.
On peut aussi apprécier le jeu subtil de Marilyn. Je découvre sans surprise qu'il fait l'objet de bien des controverses, certains affirmant qu'elle joue des hanches comme seul argument et "qu'elle capte l'attention en permanence par des mimiques labiales qui font soupçonner une dégénérescence cérébrale déjà avancée"... Je trouve cette remarque particulièrement injuste et absurde car elle parvient au contraire parfois dans le même plan à faire de son visage celui d'une poupée innocente pour le transformer rien qu'en tournant la tête en un masque grave et dur de garce fatale et manipulatrice. La performance est assez remarquable.
Et pourtant, Marilyn n'est pas le personnage central de ce drame. Jean Peters, ravissante et sans jamais surjouer, s'impose en douceur face à la star. C'est elle qui finalement est le lien entre tous les personnages.
Il faut l'admettre, les hommes ne sont pas à la hauteur des deux filles. Le mari de l'une n'est pas bien malin et celui de l'autre frôle la folie. Pas de doute, comme nous, Henry Hathaway concentre toute son attention sur les filles. Joseph Cotten qui compte pourtant quelques chefs-d'oeuvre dans sa filmographie est d'une fadeur déconcertante et Casey Adams est inexistant. Ils ne gâchent en rien la qualité du film. Dommage, James Mason était pressenti pour jouer le rôle du mari jaloux. Tant pis.
Dans la dernière demi-heure, quasi muette, Hathaway se fait hitchcockien et clôt son histoire par une scène inattendue plutôt mouvementée.
A voir, à revoir.
Commentaires
Ravies de voir que nous ne sommes pas les seules à aimer ce film ! Marilyn est parfaite, elle montre qu'elle est capable de jouer toutes les facettes d'une femme, le film maintient le suspens jusqu'au bout et le cadre naturel des chutes du Niagara est extraordinaire !
Le son du carillon reste pendant longtemps...
Clairement hitchcockien oui !
J'approuve ta critique. Quel lourdeau le mari de Jean :)
Ce film est à voir absolument et effectivement merci Arte !
Marilyn est une merveille de la création et une excellente actrice. Et puis je la trouve aussi très très bonne chanteuse (j'ai des disques...) et ici aussi elle fredonne un peu.
Quant aux Chutes, elles donnent des envies de voyage.
Ah ce carillon...
Je suis ravie que tu parfasses (??? du verbe parfaire...) ta culture ciné et que souvent tu écoutes ta mère et qu'en plus nous soyons d'accord !
Le mari de Jean, on a envie de le noyer... Quand il entre dans le bungalow alors qu'elle est terrorisée et qu'il ouvre les placards en disant : il est pas là. Quel plouc !
Vive Arte.
Petite soirée vintage pour moi aussi. Une découverte pour moi de ce film. Et oui d'accord avec tous ces commentaires : les acteurs masculins bien en dessous des deux actrices. Des vieux films comme ça j'en veux bien tous les soirs pour me sortir des cette actualité confinée.
Ravie que ce film plaise.
Il y a tant à découvrir. C'est parfois bon de se laisser guider par le programme télé.
Ah ! Une chronique de classique ! Plaisir !!!
J'avais bien aimé aussi, mais je ne m'en souviens que très vaguement. Marilyn à contre-emploi...
Arte est sans doute la chaîne de télé la plus intéressante dans sa prog' cinéma.
Merci.
Oui, pour une fois j'ai eu envie d'écrire.
Je m'échauffe pour la reprise...
Arte, c'est la base.
Tchiki boum :-)
Ah houm cha cha cha !
Arte, une valeur sûre.
Pas beaucoup de souvenirs de ce film, sinon de la chute reins de la star qui fait tomber les hommes en cascade. Hélas, déjà trop vieille pour James Mason qui préfère les lolitas.
Très chouette article en tout cas, qui me donne envie de remettre cet Hathaway dans le lecteur.
Oui vive Arte !
Marilyn est une œuvre d'art ici et elle joue vraiment BIEN.
Ah oui, insère le donc et fais un bel article.
'On ne s'embarrassait pas de vraisemblance à l'époque : les personnages livrent leurs secrets les plus intimes à de parfaits inconnus'
Vraisemblance ou pas ;-)
Monroe faisait + que livrer ses secrets intimes à de parfaits inconnus, elle s'est donnée carrément à nombre d'entre eux.
Daté Niagara, seul film ou MM, du moins son personnage meurt à l'écran.
De quoi tu parles ? Je parle des personnages, notamment le mari qui se confie aux nouveaux arrivants sur ses déboires conjugaux alors qu'il les rencontre pour la première fois !
C'est vrai qu'elle meurt pour la seule fois je crois aussi.
Un grand Hathaway et Marilyn est sensationnelle là-dedans !
Oui ce film c'est Elle mais elle disparaît trop tôt.