LE PIGEON (DVD)
de Mario Monicelli ***(*)
avec Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, Toto, Claudia Cardinale, Renato Salvatori, Tiberio Murgia
Il y a pas mal de temps déjà, Strum m'avait donné envie de voir ce film (comme pratiquement chaque fois qu'il chronique un film). Et puis le DVD a pris la poussière avec les autres films de ma P.A.V. Revoir très récemment Vittorio Gassman dans Nous nous sommes tant aimés, un de mes amours de jeunesse (oui je sais, encore un, mais mon cœur est grand) a transformé cette attente en urgence puisqu'il y tient le premier rôle.
J'ai passé une bonne soirée en compagnie de ces personnages assez inaptes dans tout ce qu'ils entreprennent mais tellement sympathiques et drôles. Evidemment cette comédie foldingue n'a rien à voir avec le film mélancolique de Scola. On peut néanmoins y découvrir Rome quelques années après la fin de la Première Guerre Mondiale. Les personnages du film semblent être tous des paresseux mais on sent bien que la pauvreté et les appartements minables qu'ils occupent à la limite des bidonvilles évoquent la réalité. Le comique côtoie le désespoir mais sans jamais jouer sur la corde sensible.
On peut également apprécier comment des acteurs de l'envergure de Gassman et Mastroianni passent avec aisance d'un genre à l'autre. Deux types aussi beaux et affolants auraient pu jouer toute leur vie des séducteurs mais ils se régalent manifestement à être de parfaits crétins. Il faut voir l'air idiot de Peppe lorsqu'il danse avec une jolie fille dont il est tombé amoureux et qui aura un rôle prépondérant et involontaire dans le fiasco de l'arnaque dont il est question ici.
Côté air couillon, Tiberio (Marcello ) n'a rien à envier à Vittorio. D'autant plus que le pauvre est souvent flanqué d'un bébé braillard qu'il ne parvient pas à calmer, parce que la mère (sa femme) est en prison pour escroquerie à la cigarette... :
Vous l'avez compris, rien de sérieux ici à l'image de la très jolie affiche mais de quoi s'agit-il ? C'est assez tordu. Cosimo, voleur sans envergure se fait arrêter en plein vol d'une Fiat. Pour être libéré, il demande à ses amis de trouver un pigeon qui accepterait de s'accuser du vol et purger la peine à sa place pour 150 000 lires (environ 77 €uros si je ne me trompe pas !!! nous sommes dans les années 50). Sauf que tous les amis ont un casier judiciaire et qu'être récidiviste transformerait la peine légère en prison ferme. On peut constater et s'amuser de voir à quel point les malfrats connaissent le Code Pénal.
Seul Peppe (Vittorio Gassman) boxeur sans talent (j'ai trouvé son combat hilarant) qui croule sous les dettes est encore blanc comme neige. Il s'accuse et se retrouve en prison avec Cosimo qui ne sort finalement pas. Ce dernier raconte à Peppe l'idée de son prochain casse : le cambriolage du Mont de Piété. En fin de compte c'est Peppe qui sort le premier de prison et organise le casse avec les amis de Cosimo. Cosimo libéré souhaite se venger qu'on lui ait piqué son idée. Mais cela se passe mal pour lui...
L'équipe est donc composée de Peppe (Vittorio), Tiberio (Marcello) le photographe et son bébé, Mario (Renato Salvadori) orphelin mais ayant plusieurs mères, Michele (Tiberio Murgia), un sicilien qui séquestre sa trop jolie sœur (Claudia Cardinale), Capanelle un vieil homme toujours affamé. Pour accomplir leur méfait ils font appel à un spécialiste du perçage de coffre-forts. C'est Dante (l'acteur Toto) qui se charge en robe de chambre et sur un toit d'initier les pieds nickelés à l'art d'ouvrir un coffre. La scène est merveilleuse et hilarante.
Ci-dessous, toute la bande réunie autour du maître avant le casse :
Tout cela est joyeux, follement italien avec ces beaux parleurs, baratineurs, menteurs et pour vous donner une idée des dialogues, en voici un exemple :
Tiberio (Marcello) : - "Voler c'est un métier de gens sérieux. Vous, vous êtes juste bons à travailler.
Peppe (Vittorio) - Je sais, mais travailler, ça me fatigue.
La musique jazzy qui accompagne est elle aussi réjouissante. Mais là où Monicelli se surpasse c'est dans la longue scène du cambriolage, sans doute l'un des plus foireux de l'histoire. Rien de ce qui a été préparé à la va comme j'te pousse ne fonctionne. Et Tiberio illustre à la lettre ce qu'est une équipe de bras cassés puisqu'il se retrouve avec le membre cassé à l'horizontale.
Se retrouver à commenter un plat de pâtes aux pois chiches c'est encore drôle mais la toute dernière scène est quand même un brin maussade.
Commentaires
Leur misérable butin de pâtes et de pois chiches est représentatif de la comédie italienne où le burlesque côtoie souvent le pathétique. Le pigeon fait partie (comme Nous nous sommes tant aimés) des 100 films italiens qui ont changé la mémoire collective de l’Italie entre 1942 et 1978.
Une suite, « Le pigeon vingt ans après », d’un réalisateur moins connu, Amanzio Todini, mais avec les acteurs principaux et les mêmes scénaristes, met en scène la bande de petits voleurs confrontés à la métamorphose de la société italienne des années 80. Farce, tragédie, sociologie...très intéressant aussi.
Oh oui les voir se régaler de leurs pâtes aux pois chiches c'est comme tu dis à la fois burlesque et pathétique.
Je découvre qu'il y a une suite, comme les 3 mousquetaires. Ça me donne très envie.
Ciao Pascale !
Vu... il y a déjà longtemps. Je n'avais guère apprécié, mais, maintenant que je connais un peu mieux la comédie italienne, il se peut que je le réévalue à une prochaine vision. Si ça se présente... je tenterais.
Merci d'en avoir parlé, cela dit, car Monicelli mérite qu'on s'y arrête. J'avais adoré son "Larmes de joie", sorti deux ans plus tard, dont nous avions déjà devisé "chez moi".
J'ai moi-même bien mieux apprécié qu'en étant jeune. La comédie italienne de cette époque est tellement différente de la française... il faut une certaine adaptation je trouve. Et surtout apprécier le jeu des comédiens en totale roue libre.
Content de t'avoir donné envie de voir le film ! D'autant qu'entre Monicelli et Scola, mon coeur n'hésite pas une seconde et prend Monicelli, pour l'ensemble de sa carrière, car Nous nous sommes tant aimés est certes un film très différent du Pigeon. La dernière scène dans ce dernier est à mon avis essentielle, car elle apporte la morale mélancolique et sociale du film et c'est cela qui en fait une comédie à l'italienne, c'est à dire une comédie sociale. Sinon, si tu veux trouver un film dans l'âge d'or de la comédie à l'italienne (Scola vient après) auquel comparer Nous nous sommes tant aimés, c'est Une Vie difficile de Dino Risi, ma comédie à l'italienne préférée que je tiens pour un des plus beaux films du monde. Et pour finir, je préfère de loin la comédie à l'italienne à la comédie française (Les Tontons flingueurs par exemple, je trouve cela assez médiocre).
Oui cette dernière scène surprend un peu comparée à l'ambiance générale du film. C'est triste de les voir se séparer.
Je vais essayer de trouver cette vie difficile...
Je ne suis pas très... pas du tout comédie française actuelle mais les répliques d'Audiard, j'adore.