de Lee Daniels **(*)

Avec Andra Day, Trevante Thodes, Garrett Hedlung

Jusque là habituée aux chansons sentimentales ou en partie autobiographiques, Billie Holiday décide d'interpréter Strange fruit, un poème écrit par un jeune professeur de lycée. Le texte puissant et lyrique est une métaphore du lynchage dont sont victimes les noirs aux Etats-Unis. Les étranges fruits qui se balancent dans la brise du sud et l'odeur des magnolias, ce sont des hommes, noirs.

Le texte déplaît au gouvernement qui y voit une provocation mais ne peut arrêter La Lady sous ce seul prétexte. Pas de problème, la dame fume, boit et se drogue à longueur de journée. Il est donc aisé de mettre à ses trousses la section de lutte contre les narcotiques du FBI. Harry Anslinger, surnommé le McCarthy de la drogue s'emploiera jusqu'au lit de mort de la chanteuse à la harceler.

Je vous avais déjà dit mon admiration et mon amour pour Billie Holiday lors de la sortie du documentaire de James Erskine. Ce film voudrait évoquer l'engagement de Billie Holiday et sa lutte contre le racisme au travers de cette chanson et de son obstination à la chanter devant le public. Il n'en est rien. Il s'acharne surtout, à décortiquer les addictions de Billie, sa progressive descente aux enfers, sa déchéance physique, sa liaison avec l'actrice Tallulah Bankhead (évoquée très pudiquement...) son ardeur à ne s'entourer que d'hommes toxiques et violents, sa dépendance au sexe. Jusqu'à une scène (hors sujet) de son enfance de prostitution. Si Billie fut militante, ce film ne le démontre pas vraiment. Même si bien sûr, ce qu'elle subit, les fouilles, les intrusions, la prison, sont disproportionnées et intolérables. Comme si elle payait pour les autres le fait d'être noire et célèbre. Jamais elle ne dénoncera ses dealers, pour la plupart ses nombreux amants.

Anslinger utilise Jimmy Fletcher, le seul agent noir du FBI pour approcher la Diva. Ce dernier finira pas comprendre que ce harcèlement est sans fondement, fera amende honorable en devenant l'amant attentionné de Billie. Il semble que la réalité soit moins rose bonbon sur ce plan.

Finalement, ce qui semble le plus intéressant dans ce film est l'aspect politique. Mais encore une fois il n'est que survolé ou évoqué à la fin du film. Imaginez que dans les années 30, un texte de loi visait à abolir le lynchage des noirs, toléré et encouragé "grâce" à la loi Jim Crow qui a imposé la ségrégation raciale à la fin du XIXème siècle. La loi ne fut pas adoptée à l'époque. Le même texte a été proposé en 2020. La loi n'est toujours pas passée... Live black matters, il paraît !

La reconstitution, les costumes et l'interprétation sont impeccables. La voluptueuse chanteuse Andra Day (beaucoup trop claire pour le rôle, désolée de le dire) a perdu 20 kilos pour interpréter la dame aux camélias. Elle chante vraiment dans le film et a réussi à rendre le vibrato incomparable de la voix traînante de son modèle. L'imitation est quasi parfaite. Mais le film traite davantage du ravage des addictions sur un être humain que d'une lutte quelconque pour une émancipation féminine voire un pamphlet contre un fléau, le racisme.

Une déception donc et la Lady qui chante le blues reste Billie forever.