de Darius Marder ***

Avec Riz Ahmed, Olivia Cooke, Paul Raci

Ruben et Lou, ensemble à la ville comme à la scène, sillonnent les Etats-Unis entre deux concerts. Un soir, Ruben est gêné par des acouphènes, et un médecin lui annonce qu'il sera bientôt sourd. Désemparé, et face à ses vieux démons, Ruben va devoir prendre une décision qui changera sa vie à jamais.

First of all : Le réalisateur de Sound of metal a souhaité favoriser l’accessibilité du film à tous les publics. Les dialogues sont donc sous-titrés et accompagnés de descriptions sonores. Je trouve que ce procédé devrait être appliqué à TOUS les films et à TOUTES les séances. Dans mon cinéma, UNE séance par semaine est réservé aux mal-entendants... et encore, pas pour tous les films. J'ai appris que les bien-entendants... n'y étaient pas favorables voire très défavorables car cela dérange leur confort pour voir un film ! Heureusement que je suis non-violente car il y a vraiment des tirs de sulfateuses qui se perdent.

Deuxièmement de tout : les "métalleux" peuvent passer leur chemin. A part la toute première scène qui montre Ruben et Lou sur scène dans une prestation enragée (il brutalise sa batterie plus qu'il ne joue, elle beugle plus qu'elle ne chante) que seuls les hardeux peuvent apprécier, le film se concentre ensuite exclusivement sur la lutte de Ruben pour tenter d'apprivoiser son handicap. Comme lui dira Joe (merveilleux Paul Raci) qui l'encourage à rejoindre la communauté qu'il a créée, composée exclusivement de sourds suite à des accidents de parcours, "tu dois apprendre à être sourd". C'est presque une double peine pour Ruben dont le style de musique évolue plutôt dans le bruit et la fureur. Et pourtant dans l'intimité de son van, partagé avec sa chérie adorée, ils n'écoutent que des mélodies jazzies.

Il n'est pas étonnant que ce film ait reçu un Oscar et un Bafta dans la catégorie Meilleur mixage son. L'expérience est absolument prodigieuse et donne vraiment à s'interroger et se réjouir d'être en pleine possession de ce sens incroyable. Tout entendre, avec nuances et efficacité. Je me suis dit que finalement le seul handicap "supportable" (avec beaucoup de guillemets) serait peut-être d'être muet. Et c'est vrai que si tout le monde pouvait la fermer un peu, dans cette époque de cacophonie où chacun peut s'exprimer tout en se plaignant encore plus bruyamment du manque de liberté d'expression, ça ferait du bien aux oreilles. Mais ça n'a rien à voir.

Le silence peut faire du bien s'il est provisoire et pas imposé. Ici, la surdité intervient presque brutalement. Le déclin de l'audition de Ruben est très rapide. Il pense que ce sera provisoire, n'en parle pas et se trouve contraint d'abandonner en plein concert. La suite pour lui, retrouver coûte que coûte l'audition, quitte à être appareillé, quitte à se faire opérer. Et c'est là que le film est assez surprenant. Il nous donne à entendre ce qu'un sourd puis une personne appareillée perçoit. Et c'est terrifiant !

Deux petites réserves néanmoins. Il semble que l'histoire de Ruben s'étale sur plusieurs années. A l'écran on a l'impression que 15 jours séparent le début de la fin. C'est un peu gênant. On doit admettre que Ruben est un ancien toxico que sa relation avec Lou (magnifique Olivia Cooke) a rendu abstinent. On aurait aimé en savoir plus sur son passé.

Mais il y a Paul Raci qui interprète Joe responsable du foyer qui accueille les nouveaux sourds. Il est la bienveillance et la tolérance mêmes et peut se montrer intransigeant lorsqu'on déroge à une règle... Dans la vraie vie, il est un vétéran du Vietnam. Né de parents sourds il "parle" couramment la langue des sourds.  Et il y a Riz Ahmed, souvent cantonné aux seconds rôles jusque là, il explose dans ce rôle dramatique.