BERGMAN ISLAND
de Mia Hansen Love ***(*)
Avec Tim Roth, Vicky Krieps, Mia Wasikowska, Anders Danielsen Lie
Un couple de scénaristes s'installe sur l’île suédoise de Fårö dans la demeure même où vécut Ingmar Bergman.
Tony est un cinéaste expérimenté. Sa femme Chris beaucoup plus jeune se trouve confrontée à de sérieux problèmes d'inspiration. Ils s'installent chacun dans une partie de la maison, elle dans le moulin attenant, lui dans un bureau. Où que le regard se pose la vue est splendide, inspire ou incite à la rêverie.
Pour la petite histoire, c'est lors du tournage de son film A travers le miroir que Bergman tombe amoureux de cette île à la fois aride et paradisiaque. Il y fait construire la maison dans laquelle il finira ses jours et y tourne encore cinq films : Persona, L'heure du loup, La honte, Une passion, Scène de la vie conjugale. C'est Bergman qui a souhaité que sa maison soit après sa mort utilisée par des artistes pour développer des projets pas forcément en rapport avec son oeuvre. C'est donc là que Mia Hansen Love a travaillé à son film. Et on la comprend.
Je fais partie de ces cinéphiles qui peuvent et aiment se plonger dans l'univers d'un réalisateur. Flâner sur certains lieux de tournages m'a provoqué de fortes et durables émotions. Je n'ai donc eu aucune difficulté à accompagner les vagabondages de Chris et de Tony à travers l'île. Alors que Tony participe à l'authentique Bergman Safari qui permet à des cinéphiles emmenés par un guide encore plus cinéphile de parcourir les endroits où le maître a tourné, Chris découvre avec un étudiant qui s'occupe de la bibliothèque des lieux encore plus secrets. La force du film est de ne pas être destiné uniquement aux admirateurs de Bergman. Que l'on ait vu, aimé ses films ou qu'il soit un parfait inconnu, le voyage invite à la méditation et à la découverte d'une nature étourdissante de beauté. Nul doute que cette île possède une âme, qu'on a envie de la parcourir en silence. Rarement film donne la sensation d'une telle communion avec la nature.
Le couple va jusqu'à dormir dans le lit de Scènes de la vie conjugale, le film responsable d'un grand nombre de divorces. Cette idée perturbe Chris alors que Tony s'en amuse. Et tandis que les pages blanches de Tony, très inspiré, se remplissent, Chris fait face à une panne d'inspiration.
Si la première partie observe un couple qui se met à douter, la seconde se fait encore plus cinéphile et cinégénique et permet d'accéder à ce que j'attends de tout film : l'émotion. Chris propose à Tony de lui raconter l'idée de scenario qui peu à peu se développe en elle. Il accepte et désormais le film dans le film occupe toute la place pour finir par se confondre...
Amy et Josep se sont connus et aimés alors qu'ils n'étaient encore qu'adolescents. La vie les a séparés. Ils se sont retrouvés quelques années plus tard, ont vécu une passion commune pour se séparer à nouveau. C'est à l'occasion du mariage d'une amie commune sur l'île de Fårö qu'ils se rencontrent à nouveau. Aucun des deux n'est libre mais ils s'aiment toujours. Et là, la réalisatrice convoque tout l'arsenal de la comédie romantique contrariée. De cérébral et intellectuel disséquant les difficultés de la création artistique, le film se fait romantique et passionné. Et comme Amy, on est transporté dans les affres et les joies de la passion. La magie opère. Le couple magnifique incarné par Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie (il est facile de tomber amoureux de l'un comme de l'autre) nous fait éprouver tous les tourments, les frustrations mais aussi les élans merveilleux de l'amour. Est-ce que les histoires d'amour finissent mal en général ? Est-ce que les amours mortes ne le sont jamais vraiment tout à fait ?
Si l'ombre du maître plane sur le film, elle ne pèse pas. On sent l'amour de Mia Hansen Love pour Bergman qu'elle déboulonne néanmoins non sans un humour vachard lors d'une petite scène où le marié s'en moque de façon hilarante.
L'interprétation subtile, nuancée, sensible des 4 acteurs finit de donner au film tout son attrait.
Donnez une chance à ce BEAU film parfois réjouissant puis mélancolique comme une chanson d'Abba..
Commentaires
J'ai bien envie d'y aller ... j'attends juste la fin des grosses chaleurs (salles provisoires, because cinéma en travaux, pas de clim. chaleur insupportable)
ça devrait être bon très prochainement. Ne le rate pas.
Le cinéma est décidément une terre de contraste. Je passe de Kaamelott à Bergman Island pour lire quasiment autant de louanges.
Il faut admettre que tu sais trouver les mots pour convaincre le sceptique que je suis, plutôt méfiant quand une représentante du cinéma d'auteur intello français s'attaque à la statue du commandeur. Je vais faire abstraction de la phrase sur Abba et tenter de lui laisser sa chance.
Passer de Logres à Faro ne me pose aucun problème même si c'est parfois usant de ne pas être "tiède"... :-) Et ensuite je suis allée conspirer avec les belettes (très réjouissant aussi).
Je trouve le cinéma d'auteur intello de Mia très accessible, contrairement à celui froid comme un iceberg de Sciamma par exemple, qui ne m'atteint pas.
Je serais heureuse d'avoir réussi à te convaincre. Et si tu es allergique à Abba, ma petite conclusion fait uniquement référence à une très jolie scène. The winner takes it all c'est quand même de la chanson de rupture haut de gamme.
Ok, celle-ci je prends.
Problème : je suis plutôt Sciamma. Du coup, il y aurait incompatibilité. Mince.
Je t'invite à regarder la version Meryl Streep...
Oh nooon... ce Bergman n'a rien à voir avec les autres Mia Hansen Love. Il faut le voir c'est obligé.
La BA ne m'a pas donné du tout envie, mais ton avis pourrait me faire changer d'avis. Hélas ne vivant plus 100% e mon temps à Paris, e loupe beaucoup de films et dois prioriser :(
Ah tu n'es plus à Paris ?
Je pense qu'il aurait pu te plaire. C'est vraiment beau.
On a une maison en Normandie depuis l'été dernier. On revient à Paris pour le boulot de Monsieur et le cinéma ! (la carte UGC n'est pas accepté dans les cinés de la grande ville près de chez ns (ville à 22 km ahaha, on est paumés dans les champs ^^).
Ah oui quel changement ! Tu ne dois pas être loin de la mer.
Hélas si, je suis aussi loin de Paris que de la mer (1h30), paumée au cœur de la plaine agricole d'Evreux !
Aïe. J'espère que tu n'es pas trop déçue. Mais une heure trente de la mer, ça le fait.
Moi je pars demain... j'ai 500 kms.
Avec beaucoup de retard, je découvre ce film grâce à la médiathèque de ma commune... Mia Hansen-Love m'a épaté avec L'AVENIR et EDEN et à un moindre niveau MAYA mais je trouve son cinéma dépaysant, honnête, j'ai l'impression qu'elle se fout totalement de plaire, elle propose un voyage, venez avec moi sur cette île ou pas...
C'est vrai que ne pas connaitre le cinéma de Bergman n'est absolument pas pénalisant
J'ai adoré la première partie sur la création "brute" , le récit qu'elle propose à son mari.
Néanmoins je trouve la fin confuse, à revoir
Comme souvent je ne me souviens plus de la fin...
Mais je suis d'accord avec tout ce que tu dis.
Ce film m'a fait voyager.