de Juan José Campanella ***

Avec Graciela Borges, Oscar Martinez, Luis Brandoni, Marcos Mundstok, Clara Lago, Nicolas Francella

Mara, Norberto, Pedro et Martin ont jadis été amis. Aujourd'hui, octogénaires ils vivent ensemble dans une somptueuse demeure/château isolé dans la campagne proche de Buenos Aires mais se détestent à peine cordialement.

Dix ans déjà que Juan José Campanella nous a livré le brillantissime Dans ses yeux qui brouillait les pistes sur plusieurs périodes et au travers de plusieurs histoires menées simultanément. Ici c'est davantage un huis clos parfois un peu théâtral mais qui provoque néanmoins un grand plaisir de cinéma.

La particularité et le point commun des quatre amis : ils ont été des gloires du cinéma argentin des années 60/70. Un réalisateur, un scénariste, un acteur médiocre et une actrice autrefois adulée et détentrice d'un Oscar qu'elle est (dans le film) la seule actrice non américaine à avoir obtenu avec Sophia Loren. Si les garçons s'entendent comme larrons en foire entre parties de billard, apéros terrasse, peinture pour l'un, chasse à la belette pour un autre, Mara ne peut plus les supporter et aimerait qu'ils quittent sa maison. Elle garde un peu de tendresse pour son mari, acteur en fauteuil roulant qui peint des croutes très colorées, mais déteste les deux autres.

Le réalisateur cite Lubitsch comme référence. On en est sans doute assez loin mais je comprends l'idée et c'est quand même réjouissant d'observer le ballet de ces personnages qui ne peuvent s'empêcher de s'insulter dès qu'ils se croisent. Mara vit très mal cette retraite obligée. Elle vit dans le passé, passe ses journées à regarder les films de sa jeunesse et reproduit constamment la cérémonie lors de laquelle elle a reçu son prix.

Au moment même où les comparses espèrent que rien ne viendra troubler leur quiétude, un jeune couple débarque et prétend être perdu. Malgré les efforts des amis pour s'en débarrasser, Barbara et Francisco s'incrustent. Il s'agit en fait de deux agents immobiliers vaguement escrocs qui espèrent réaliser une opération juteuse grâce à une méthode pas franche du collier. Francisco se charge de séduire Mara qui tombe rapidement dans le panneau tandis que Barbara tente avec moins de réussite de charmer les vieux messieurs.

Dès lors le combat entre l'arrogance de la jeunesse et la roublardise de la vieillesse s'avère un véritable jeu de massacre, réjouissant à tous les niveaux. Des mystères et secrets enfouis vont faire surface. L'immoralité de l'épilogue achève de rendre ce film encore plus fréquentable ainsi qu'une interprétation unanimement excellente.