HAUTE COUTURE
de Sylvie Ohayon ***
Avec Nathalie Baye, Lyna Khoudri, Pascale Arbillot, Claude Perron
Esther se lève tôt, parle à ses roses, "met du vieux pain sur son balcon..." et se rend au travail. Ce jour-là, elle s'arrête devant une jeune fille qui chante dans un couloir du métro et se fait voler son sac. "Comme quoi, on peut pas s'détendre" dira-t-elle.
C'est Jade et sa meilleure amie et complice Souad qui sont coupables du vol. Mais Jade, prise de remords vient rendre le sac à Esther sur son lieu de travail, la Maison de couture Dior dont cette dernière est chef d'atelier. Curieusement Esther (et c'est la seule petite faiblesse du film que j'ai eu du mal à comprendre) invite Jade au restaurant et propose même à la jeune femme un stage d'observation puis d'apprentissage au sein de son équipe. La jeune femme, sans emploi, accepte. Et le film devient l'observatoire de la rencontre de deux mondes qui avaient peu de chance de se rejoindre.
Jade vit en banlieue et s'occupe de sa mère bigote et dépressive (Clotilde Coureau avachie, même pas princesse des HLM) et partage tout son temps libre avec son amie Souad qui se dit pas faite pour travailler. Les petites maladresses du début sont vite neutralisées par la façon dont la réalisatrice s'empare de son sujet. Au-delà de l'observation très intéressante de la vie d'un atelier de haute couture, comme une île hors du temps, hors du monde voire hors de la réalité, la réalisatrice s'attache à ses deux personnages centraux.
La relation ne va pas de soi, Esther et Jade étant dotées chacune d'un caractère bien trempé mais leur affection réciproque devient un authentique sentiment. L'une cherchant une mère digne de ce nom, l'autre ayant favorisé son travail et complètement négligé sa fille qu'elle ne voit plus depuis longtemps. Cela peut paraître simpliste mais c'est porté par deux actrices exceptionnelles dont l'une incite l'autre à découvrir un métier. Il y a donc aussi quelque chose de l'ordre de la transmission d'une génération à l'autre. La connivence entre les deux actrices est une évidence et les deux personnages vont également pouvoir dépasser leurs préjugés et a priori sur la banlieue par exemple. Beaucoup de clichés sont déboulonnés avec humour et subtilité. Le personnage de Pascale Arbillot, jolie blonde pleine de douceur et d'empathie vient du 9.3. Le jeune Abel qui travaille à l'atelier habite le XIIème et sa mère est avocate. Les idées préconçues ne viennent pas forcément de là où on l'aurait imaginé. J'ai trouvé cette approche de la diversité vraiment différente et intelligente.
La vie au sein de l'atelier dans une atmosphère blanche et ouatée est faite d'instants forts. En parallèle à la création, il y a des moments de complicité, de tension, des rivalités, des mesquineries (Claude Perron est la teigne hargneuse de la bande) et la superstition propre à la profession qu'il faut aussitôt conjurer. En opposition à l'agitation extérieure, l'atelier est vraiment appréhendé comme un monde à part.
Il y a une foultitude de personnages secondaires très bien structurés avec une majorité de femmes. C'est vraiment rare de voir aussi peu d'hommes dans un film. Les dialogues sont vifs, malins, drôles. Lyna Khoudri tient son meilleur rôle et réussit parfaitement à exprimer la dichotomie entre la fille de banlieue et la jeune fille qui découvre un métier qu'elle n'aurait jamais envisagé et qui lui convient parce qu'elle a des doigts de fée. J'ai trouvé Nathalie Baye exceptionnelle dans ce personnage ronchon, autoritaire et tellement solitaire. Elle est très drôle aussi. Son personnage doit être mis à la retraite, ce qu'elle n'envisage pas de gaité de coeur. Il faut l'entendre, lorsqu'elle doit s'arrêter quelques jours à cause d'une blessure dire "j'me fais chier". Cette actrice plus discrète que ses contemporaines (Catherine, Isabelle(s)) est vraiment formidable ici.
Et puis dans cette histoire il y a des ingrédients, ces petits trucs en plus qui font que... et que j'aime, de la solidarité, du partage, du soutien, de la sororité. Vous trouvez ça cul cul la praline ? Moi j'adore.
Je n'avais pas vu le premier film de Sylvie Ohayon Papa was not a rolling stone mais cette Haute couture me donne très envie de le découvrir.
Commentaires
Rebonjour Pascale, tu es indulgente sur ce film que j'ai trouvé terne. C'est mou du genou. Désolé. Bonne après-midi.
Bonsoir dasola.
Je me suis régalée moi.
P.S. : j'ai essayé plusieurs fois de mettre un commentaire sur ta dernière note ciné mais un message d'erreur s'affiche.
Un joli film, très classique, très académique, sauvé surtout par son panel d'actrices. On est surtout déçu pat le côté haute couture qui ne sert que de prétexte mais sur lequel on ne voit réellement rien...
Je trouve au contraire les nombreuses scènes dans l'atelier très intéressantes et parfaitement intégrées au récit.
Bon petit moment en compagnie des 2 actrices. Si on accepte facilement la situation de départ ( appartement très facile de rentrer dans la haute couture), j'ai beaucoup aimé suivre la de ces dames dans les ateliers. Le rôle de Clotilde n'apporte pas grand chose à l'histoire....
D'accord avec ce que tu dis. J'ai trouvé bizarre qu'une fille qui va être "mise" à la retraite puisse recruter aussi facilement. La pauvre Clotilde... ça doit la reposer de jouer les souillons...
Et le César de la meilleure actrice est attribué à Clotilde Coureau.
Elle porte le survêtement et la casquette à l'envers comme personne.
Elle remerciera dans son discours "son canapé" car sans lui rien n'aurait été possible.
Il lui a permis de comprendre le personnage.
Elle fait pitié la Princesse, on lui jetterait bien une petite pièce. Et elle porte le bigoudi comme personne aussi.
Mais j'ai bien aimé ce film.