MEMORIA
d'Apichatpong Weerhasetakul
Avec Tilda Swinton, Jeanne Balibar, Elkin Diaz, Juan Pablo Urrego
Je ne voulais pas rater ce nouvel épisode des aventures du chouchou de Cannes une fois de plus récompensé sur la Croisette. Et puis ce n'est pas un cinéma qui se déguste à la télé. Et à entendre une fois encore la critique au bord de l'évanouissement, je pensais que peut-être enfin, Api et moi deviendrions potes.
Vous l'avez compris, ce n'est pas encore pour cette fois. Et si comme moi, vous aimez qu'on vous raconte des histoires sachez que ce cher Api n'a encore pas décidé de se plier à la contrainte, inimaginable pour lui manifestement, de l'arc narratif. Oui je sais j'y vais un peu fort.
Alors devant quoi sommes-nous ? Je dirais une longue séance de méditation, avec quelques sursauts. Sauf que les séances de méditation je les vis les yeux clos. Ce qui, au cinéma est très gênant. Cela dit, vous pouvez quand même fermer les yeux quelques instants pour savourer le silence, le bruit ou la musique (c'est selon), vous vous retrouverez devant le même plan fixe.
Cela commence par un long plan fixe donc (plusieurs minutes) sur ce qui semble être une chambre. A force de faire la mise au point sur la pénombre, on se dit "bingo", c'est une chambre. Il y a même quelqu'un dans le lit. Comme nous avons lu le synopsis, nous nous doutons (oui je me parle à la 1ère du plurio ce jour) qu'il s'agit de Tilda et qu'il va y avoir un bruit.
Et BANG !
Le bruit.
Même prévenu, on sursaute. On dirait un coup de feu, une déflagration, un big bang quoi. Tilda/Jessica (je vous passe le couplet sur le fait qu'elle s'appelle Jessica Holland (nom qui ne sera jamais prononcé dans le film, donc il faut le deviner) en hommage au film de Jacques Tourneur Vaudou qu'Api vénère ce qui nous fait une belle jambe) se lève. Elle doit avoir deux de tension. Elle n'aura jamais davantage. Une petite accélération à 3 peut-être mais c'est tout. La ténormine fait bien effet. Mais bon, elle se d.é.p.l.a.c.e. TRES len...te...ment... C'est pas grave on a deux heures et neuf minutes pour la suivre. Je n'ai pas compris pourquoi le monsieur du 4ème rang est parti au bout de deux heures. Quand on en est à ce point d'abnégation, on tient bon merde !
Puis, alors que le jour n'est pas encore levé, toutes les alarmes des voitures se mettent à sonner. D'abord une, puis deux, puis toutes... Le barouf est infernal. On s'attend à voir surgir Christine ou une DeLorean. Plan fixe de plusieurs minutes. Api est sadique, il aime jouer avec nos nerfs fragiles. Puis le silence se fait. Ceux qui sont restés méritent ce qui va suivre.
Tilda (plan fixe de plusieurs minutes) pianote sur son portable au chevet d'une femme qui dort à l'hôpital. La personne ouvre les yeux : - "ah tu es là, tu es arrivée quand ?" - "je suis là depuis ce matin, tu ne te souviens pas ? C'est merveilleux de te regarder dormir." Tilda lui montre des photos qui paraît-il sont magnifiques. Nous, on se la met sur l'oreille, Tilda ne nous les montre pas. Plus tard nous saurons qui est cette personne. Je vous le dis ? Allez non, je ne vous le dis pas. Pourtant c'est capital. Vous n'avez qu'à y aller voir.
Tilda découvre qu'elle est la seule à entendre le bang qu'elle a entendu. Oui, ça se répète, parfois plusieurs fois d'affilée. Tilda sursaute mais personne ne s'en inquiète. Elle va voir Hernan, un beau jeune homme (il jouait dans ce beau film au beau titre et il est né le même jour que moi mais pas la même année mother fucker), acousticien ou je sais pas trop quoi qui bidouille sur une grande console pleine de boutons et d'écrans. Elle explique son bang à Hernan. D'après elle c'est comme une boule de béton qui tombe dans un trou... Mouais, j'aurais pas dit ça mais je ne suis pas Tilda... En bidouillant Hernan essaie de reconstituer le son. C'est le plan fixe de plusieurs minutes le plus formidable du film. Hernan est un génie, il trouve tout bien comme il faut. Et il sourit et c'est beau.
Tilda rencontre Jeanne à l'hôpital. Elle l'empêche d'entrer dans son bureau alors elles deviennent copines. Jeanne travaille sur des os qui ont sans doute 6 000 ans d'âge, et normal, elle demande à Tilda de les toucher. Après, elles vont manger des saltenas sur un banc. Ah oui, je ne vous ai pas dit, nous sommes en Bolivie. C'est pour ça qu'elles mangent des saltenas sur un banc. Je comprends qu'Api ait eu un coup de foudre pour Tilda et Jeanne, ce sont sans doute les deux actrices les plus métaphysiques du monde. Sur ce banc a lieu un dialogue que d'ores et déjà je place pour être L'ECHANGE de l'année :
Tilda : "je crois que je deviens folle.
Jeanne : Moi aussi.
Ya pire".
J'ai ri. Pas trop fort, pour ne réveiller personne.
Tilda s'enfonce dans la jungle et entend son bang au bord d'une rivière où il y a de grands arbres verts. C'est beau (voir affiche). Moi si je m'égare dans la jungle bolivienne, à tous les coups je me fais enlever par les Farc et j'erre pendant dix ans avant qu'on paye une rançon. J'ai plus de parents, qui voudrait me récupérer ? Tilda non, elle rencontre Hernan qui a pris un méchant coup de vieux. Il gratte les écailles des poissons avec une brosse à cheveux assis sur une caisse en bois. Il ne veut pas connaître les beautés du monde comme Miss Monde et tout ça (c'est Tilda qui propose ce qu'il rate). Long plan fixe, l'un des plus longs de tous, sans doute un bon quart d'heure. Et Tilda lui demande de dormir pour qu'elle regarde comment ça fait. Parce que Tilda ne dort plus et puis elle aime regarder les gens dormir, elle trouve cela merveilleux. Alors il s'allonge par terre et dort et nous, on regarde. On croit qu'il est mort. Ensuite, elle va dans sa maison et dans un très, très, TRES long plan fixe (c'est bon cette fois on tient le plus long) elle lui propose du Xanax mais il ne veut pas. Alors il pose sa main sur son bras et Tilda entend tout ce dont Hernan se souvient. ça s'appelle Memoria n'oublions pas.
Api compose de superbes plans comme l'architecte, artiste plasticien qu'il est sait faire. C'est beau. C'est même TRES beau. Le cadre, la lumière, tout ça, on applaudit, on se tait et on admire. On a le temps, chaque plan fixe dure plusieurs minutes.
J'ai parlé de film hermétique ici, mais Api c'est au-delà, une aventure abstraite, contemplative mais bon sang, si un jour il pouvait nous raconter une histoire, je ne dirais pas non. Cette fois il a peut-être essayé de nous faire croire aux soucoupes volantes et j'avoue que pour la première fois il m'a quand même bien faire rire.
Allez, soyons réalistes, il m'a fait sourire.
Commentaires
Bon, nous avons compris. Bravo pour avoir une critique drôle sur un film que vous n’aimez pas !
J'avais décidé de le voir. Je m'obtine depuis Tropical maladie. C'est comme une drogue.
J'adore ta critique .. mais je n'irai pas le voir.
Épargne toi ça.
OMG...
Le Monsieur est peut-être parti au bout de 2h car il avait dormi et avait tout loupé ;)
Les films qui ne racontent pas d'histoire, c'est rude.
;-) même sa démarche avait l'air agacé. Il n'a pas claqué la porte.
C'est vraiment dommage qu'il ne sache ou ne veuille pas car visuellement c'est beau. Mais ça fiche mal à la tête.
Alors là, bravo et merci ! Je crois que je tiens un champion pour mon prochain long voyage en avion (mais avé ce fichu nouveau virus, je ne sais pas trop quand) - Génial : un de ces films où même si on dort la majeure partie du temps, au réveil, on n'a pas plus compris que si on avait tout regardé. J'adoooore déjà !
Question à 2 balles (0,30 €) : pourquoi tous les films font plus de 2 h en ce moment ?
J'attends ta critique de House of Gucci avec impatience (2 h 37, quand même)
Alors là, pas besoin de somnifère pour ton voyage quand le mimi Omicron aura fait son oeuvre...
Cela fait des mois voire plus que je me plains des films qui dépassent les 2 h et ont une demi heure de trop. Pourquoi ? C'est pas assez cher payé pour que je creuse.
J'ai vu House of Gucci, pas mal, sans plus, avec des réserves.
House of Gucci à mon avis c'est pas 1/2 de trop, c'est au moins "un gros 45 mn" (ce qui donne environ 1 h, en langage du sud avé lassant)
Adam est vraiment moche, on comprend pourquoi on lui laisse un masque la plupart du temps dans un film de science fiction qui commence par Star et finit par Wars, les textes ne sont pas tous raccordés (on dirait qu'ils se répondent à côté des questions), l'univers du luxe et de l'Italie ne sont pas très bien rendus à mon avis.
Par contre il doit y avoir beaucoup de vrai, car les réactions de la famille, qui sont de pure forme (mon grand-père n'était pas aussi moche...), sont délectables !
Oui c'est très long. Et tous ces italiens qui parlent anglais avec l'accent italien, ça m'a gênée.
Leur histoire comme celle de la mode ne me passionne pas.
Je trouve Adam plutôt séduisant et qu'il porte bien le Gucci mais les chaussures, j'en voudrais même pas pour faire mon jardin.
Ah, tous les goûts sont dans la nature (pour Adam) : je te le laisse
Pour les chaussures, on est d'accord, mais j'ai pas de jardin, donc tu les gardes aussi !
Non merci, je n'en ferais aucun usage, mais je ne le trouve pas moche... enfin, pas tout le temps :-)
Pour le jardin, j'ai mes crocks...
Tout ce qu'il faut pour reposer mes yeux et mes neurones.
On peut voir ça comme ça.