MADRES PARALELAS
de Pedro Almodovar ****
avec Penelope Cruz, Milena Smit, Israel Elejalde
Janis et Ana ne se connaissent pas mais se soutiennent à la maternité à quelques heures de leur accouchement.
Janis, la quarantaine est photographe et entretient une relation suivie et des sentiments partagés avec Arturo, anthropologue judiciaire hélas marié et déjà père. Il n'entend pas quitter sa femme gravement malade et avoir un autre enfant. Janis attend néanmoins ce bébé avec joie sans demander de compte à Arturo. Ana est une adolescente traumatisée et nous saurons bien plus tard comment elle s'est retrouvée enceinte. Sa mère l'accompagne mais c'est une mère absente qui a toujours fait passer sa carrière d'actrice avant l'éducation de sa fille. La complicité entre les deux futures mères va persister au-delà de leur accouchement même si elles vont d'abord être séparées, chacune très attentive à son bébé, reprenant le cours sa vie, pour se retrouver plus tard et vivre une autre aventure.
En marge de cette histoire intime, Almodovar convoque le passé franquiste de son pays. Et contrairement à ce que je lis à peu près partout, j'ai aimé ce mélange des genres. Est-ce que l'histoire d'un pays s'arrête lorsque nous vivons des drames personnels ? Et je n'ai pas trouvé ce film foncièrement politique ou militant. Ce que réclament les survivants du franquisme depuis des décennies c'est de révéler l'existence et l'emplacement des charniers qui permettront l'identification des corps et la possibilité de leur offrir une sépulture digne. J'ai trouvé les scènes où les générations successives se rencontrent pour évoquer leurs souvenirs et leurs douleurs particulièrement émouvantes.
L'émotion c'est justement ce qui parcourt pratiquement toute l'oeuvre de ce cinéaste majeur et indispensable. Une valeur sûre dirai-je et ce film vient après le vertigineux Douleur et gloire. Pedro place une fois encore au centre de son propos, la mère. Elle a pour lui le corps, le visage et la personnalité de sa muse au coeur de sept de ses films, Penelope Cruz. Elle est la mère définitive ou idéale. En tout cas, quand on regarde la filmographie de la belle andalouse (oui je sais elle n'est pas andalouse Penelope, mais ça sonne bien) Pedro doit être celui qui a le mieux su valoriser son exceptionnel talent d'actrice. Lui donnant l'occasion d'obtenir pour ce film la Coupe Volpi de la Meilleure Interprétation Féminine à la dernière Mostra de Venise. Récompense amplement méritée. Elle est éblouissante, parvenant à faire fusionner sincérité, mystère, ambiguïté. Mais aussi féminité et instinct maternel. En effet, à mesure que le bébé grandit, et même si le père est totalement absent, lorsqu'il vient lui rendre visite pour la première fois, il ne peut que constater comme nous qu'il ne lui ressemble en rien. Ce qui suit ne peut être révélé même si nos doutes accompagnent ceux de Janis avec de plus en plus de certitudes.
Ce qui me plaît tant chez Almodovar en plus des couleurs tellement chaudes, ces rouges, ces verts qui semblent n'appartenir qu'à lui, la musique du fidèle Alberto Iglesias, ces mélos qui vous tirent les larmes, sa façon de nous raconter des histoires tortueuses, son sens des ellipses... c'est le regard exceptionnellement bienveillant qu'il porte sur les femmes, l'amour aussi de ses actrices. Encore une fois les personnages féminins, alors qu'on s'attend parfois qu'elles se fassent les pires vacheries font preuve d'une incroyable bienveillance les unes envers les autres. Douceur, indulgence, solidarité et bonté surgissent quand survient la tristesse, c'est assez admirable. Même la mère défaillante de la jeune Ana qui n'est pas un exemple de dévouement et de compréhension maternels n'est pas accablée par le réalisateur. Malgré l'égoïsme parfois, il reste toujours malgré tout l'amour. Et c'est beau.
L'empreinte et l'art de Pedro font une nouvelle fois merveille dans un film où la transmission passe à ses yeux par la connaissance voire la reconnaissance d'un passé historique douloureux.
Puissant. Magnifique. Almodovarien.
Commentaires
Je vais y aller bien sûr.
Immanquable.
Du cinema, une histoire, une actrice.
que ça fait envie, un indispensable come ça...
Mais oui. C'est BEAU, c'est TRISTE. Comment résister ?
Un très beau film. Existe-t-il, dans le cinéma d'aujourd'hui, un réalisateur autre que Pedro Almodovar pour laisser une telle place aux femmes ? Je n'en suis pas sûr...
Ah ben moi non plus je ne vois personne d'autre que Pedro. Et j'aimerais rencontrer toutes les femmes qu'il met en scène.
Moi aussi, j'aimerais rencontrer toutes les femmes qu'il met en scène. A commencer par Penelope Cruz... Cela dit...?... si je commence par Pénélope, je n'aurais pas envie de découvrir d'autres femmes après elle... :-))))
Anéfé, il vaut mieux garder la meilleure pour la fin. Dans ce film elle est resplendissante, irrésistible.
Très belle critique. Je l'ai vu hier, rien à ajouter (même si j'ai été un peu gênée par la relation des deux femmes car la petite est vraiment jeune mais je crois que ça se comprend car elles partagent quelque chose d'ultra puissant ...).
Elle est jeune mais majeure et déjà mère très responsable... tout va bien :-)
Beaucoup aimé la partie maternité... Mais déçu tant la partie fosses communes est sous-exploitée, on dirait que Almodovar a assemblé deux scénarios qui n'ont rien à voir, deux film en un qui rend l'ensemble un peu bancal.
J'ai apprécié les "ponts" entre les deux thèmes. Un film QUE sur les charniers serait beaucoup plus politique et l'objet d'un autre film effectivement;
D'après ce que j'ai pu lire ici ou là, le scénario d'origine prévoyait d'accorder une place plus importante à l'histoire des fosses communes... et c'est bien dommage qu'il n'en ait pas été ainsi. Aussi éblouissante Penelope Cruz soit-elle, elle ne suffit pas à rendre ce film passionnant. C'est loin d'être toujours bien joué, ni très bien écrit.
Le récent décès de Veronica Forqué me donne plutôt envie de revoir "Kika", qui date d'une époque durant laquelle l'imagination d'Almodovar n'était pas rangée au vestiaire.
Pas très bien joué ??? Par Milena que tout le monde appelle révélation et que je ne trouve pas terrible j'imagine et pas par Penelope.
Mais j'aime beaucoup ce film.
L'époque de la folie des films comme Kika semble être révolue. J'aime les 2 époques.
Ah oui Kika s'est suicidée :-('