TWIST A BAMAKO
de Robert Guédiguian ****
avec Stéphane Bak, Alicia Da Luz Gomes, Saabo Balde, Issaka Sawadogo
En 1962, le Mali est heureux de s'être enfin affranchi de son statut de colonie française. Cela n'empêche pas la jeunesse de danser au son des tubes yéyé français et d'ailleurs.
Samba a 20 ans et un rêve de socialisme pour son pays. Avec deux amis il parcourt les villages alentours pour tenter de faire valoir aux paysans les vertus du socialisme, d'une société plus juste où l'intérêt général triompherait de l'intérêt particulier. Ces idées nouvelles ont déjà de la difficulté à intégrer la sphère familiale puisqu'il est le fils d'un riche commerçant de Bamako, le très élégant Issaka Sawadogo.
Les premières images sont en noir et blanc. Pour réaliser son film, Guédiguian s'est inspiré du magnifique travail du photographe malien Malick Sidibé (1936-2016) qui a immortalisé dans les années soixante "l'ambiance joyeuse du pays qui vient tout juste d'accéder à l'indépendance". Je vous invite à découvrir sur internet les photos de cet homme. Tout au long du film un photographe fixe sur pellicule les personnages du film qui témoignent de la joie et des espoirs de la jeunesse. Ces instants figés sont très beaux.
Les images suivantes fourmillent d'activité et l'on voit les ouvrières à l'oeuvre pour teinter le fameux bazin africain. Le père de Samba est d'ailleurs soumis dans son entreprise au contrôle du service d'hygiène et de sécurité dont jusque là il se souciait peu. C'est au cours d'une de ces tournées que Samba rencontre Lara, une jeune fille mariée de force qui s'est échappée du domicile conjugal. Le coup de foudre est immédiat et réciproque. On se doute que le parcours amoureux des deux jeunes gens sera semé d'embûches.
Guédiguian quitte l'Estaque et Marseille pour nous transporter au Mali, même si son film a dû être tourné au Sénégal pour cause de menace terroriste. Et sauf pour Le voyage en Arménie il ne nous avait jamais emmenés si loin mais il a bien fait. Et en posant son histoire au Mali nous ne verrons donc pas l'ombre d'une Ascaride, d'un Darroussin ou d'un Meylan.
Hélas on entend souvent évoquer le Mali à l'histoire bien compliquée, pour de sinistres raisons. Après s'être délivré de la colonisation, il s'est progressivement embourbé dans une succession de coups d'état puis dans la dictature. Voir les dernières images où les Burkas ont remplacé les mini-jupes et les barbus surveiller une Lara âgée et plus que jamais libre est un crève-coeur. Guédiguian ne va pas si loin, il s'arrête à cette année 62 où la joie de la jeunesse et les espoirs d'un peuple semblent être une utopie, un rêve provisoire.
On lui fait le reproche de réaliser un film trop didactique. Mais à moins d'être spécialiste, qui connaît bien l'histoire du Mali ? Pas moi en tout cas, et je suis ravie de visiter même sommairement l'histoire de ce pays grâce à un film de fiction documentée au travers d'une histoire d'amour tourmentée comme ce réalisateur nous en a tant contée.
Je suis brouillonne et confuse, mais ce film ne l'est jamais. Il vous emporte dans la joie et le tumulte. Vous donne envie de danser puis de pleurer. C'est un film d'une grande beauté formelle et moi qui suis fascinée, presqu'envoûtée par les baobabs, on peut en admirer quelques uns d'une beauté rare. Et cette lumière propre à l'Afrique réchauffe le coeur. Mais le film est douloureux aussi et justement, cette jeunesse, cette gaité, cette lumière contrastent avec la noirceur des événements parfois, cet échec de l'indépendance en quelque sorte. Les adultes, les anciens encore tout pétris de religion et de coutumes ancestrales ne vont en effet pas tarder à voir dans la danse et les élans de liberté et révolutionnaires de la jeunesse les prémisses de la dépravation et de la débauche. Alors que dire du fait que Lara se soit échappée de chez son mari dont les réactions ne cesseront de surprendre.
Pour nous éblouir et nous émouvoir, nous déchirer le coeur, Robert Guédiguian tellement toujours humain et désormais mélancolique a choisi deux jeunes gens d'une beauté incandescente voire indécente. Stéphane Bak (déjà vu ici et ailleurs) et Alicia Da Luz Gomes (dont c'est le premier film) élèvent le film vers des sommets de douceur, d'énergie et d'amour. Ils peuvent repeupler le monde.
Commentaires
Je n'ai pas vu de Guédiguian depuis un bon moment ; le thème de celui-ci me tente bien.
C'est surprenant, à quelques exceptions, ce sont toujours de bons films. Celui-ci est vraiment extra.
Mon programme (ciné, mais pas que...) est assez chargé, mais j'espère le voir !
Un détour par Bamako s'impose.
Indispensable, rien que ça pour un Guédiguian, qui ne m'a pas forcément passionné jusqu'ici dans ses films. Mais l'exotisme... je ne dirais pas non. Tiens, si j'avais une flag, je m'en décapsulerai une. Tiens si j'avais un disque d'Amadou et Mariam, je me les écouterai en buvant ma flag. Tiens, si j'avais le soleil de Bamako, ben j'aurais plus chaud et plus soif, et peut-être que je danserai le twist... Ca fait beaucoup de si, cet après-midi...
Et si je pouvais supprimer mon précédent commentaire j'aurais corrigé en Guédiguian, bien sûr... Désolé.
Ah oui indispensable car c'est un film MAGNIFIQUE qui te plairait j'en mettrai ma tête à couper, non ma main au feu ça suffira... Mais je dois être plus guédiguianesque que toi, même si ici on est loin de Marseille.
Il vaut mieux boire ta flag de Bamako et danser le twist sous les brouillards givrants actuels car Le Mali en a marre de la France... :-('
https://youtu.be/sCF0NUMHqEs
Je ne comprends pas...