LES LECONS PERSANES
de Vadim Perelman ***
Avec Nahuel Perez Biscayart, Lars Eidinger, Jonas Nav
En 1942, Gilles, le fils d'un rabbin d'Anvers, qui souhaite fuir pour la Suisse, est arrêté avec d'autres juifs par des soldats allemands.
Il échappe à la fusillade dans une forêt en assurant aux soldats qu'il n'est pas juif mais persan. Ce mensonge lui sauve la vie car un des officiers du camp de transit où Gilles est envoyé, le capitaine Klaus Koch recherche quelqu'un parlant le farsi, car il souhaite rejoindre son frère en Iran après la guerre et ouvrir un restaurant. Il veut profiter de la présence de Gilles pour apprendre le farsi. Chaque soir Gilles doit donc se rendre auprès de l'officier pour lui apprendre une langue qu'il ne connaît pas. Il va donc l'inventer et comme il le dira : "inventer ce n'est pas le plus difficile, il faut aussi tout retenir".
Cette histoire est adaptée d'une nouvelle de Wolfgang Kohlhaase parue en 2021 "Erfindung einer Sprache" ("Invention d’une langue") mais aussi, d'après le réalisateur s'inspire de différentes histoires aussi surprenantes dont il n'en a fait qu'une.
Certains critiques se sont offusqués qu'une telle intrigue rocambolesque, à peine crédible, prenne place dans un camp de concentration. Les abominations commises sont la plupart du temps hors champ sauf lors d'un plan, peut-être évitable, mais on sait désormais ce qui s'est passé dans ces endroits et le voir traiter dans des fictions est souvent inconcevable mais je n'ai pas été choquée que le réalisateur y place son histoire et encore moins prétendre que ce film est à fuir. Ou m'offusquer que le camp s'inspire du camp français, le Struthof et qu'on voit la porte de Buchenwald... Au contraire, imaginer que des personnes aient pu s'en sortir grâce à une débrouillardise ou un stratagème quel qu'il soit est plutôt réjouissant. J'espère ne choquer personne.
J'ai été suspendue pendant tout le film à ce mensonge tant on se demande quand il va être découvert. On ne croit pas que la supercherie puisse tenir sur la durée d'autant que certains soldats, jaloux de l'étrange relation qui s'instaure entre les deux hommes font tout pour tenter de confondre Gilles. Les mots qu'il invente sont presque drôles et je me suis surprise à tenter d'essayer de les retenir. Le jeune homme trouvera ensuite une astuce pour continuer à inventer. Cette petite combine donnera lieu à la toute fin à une scène absolument bouleversante.
Et la relation entre les deux hommes prend un tour de plus en plus personnel voire intime. La brutalité verbale de l'officier contraste évidemment avec la fragilité du prisonnier et on ne peut qu'être ému lorsqu'il dit : "je n'en peux plus". L'officier s'étonne et Gilles répond : "je n'en peux plus d'avoir peur". L'officier s'adoucit au contact du jeune homme. Et les deux acteurs sont absolument exceptionnels. D'un côté Nahuel Perez Biscayart, si frêle, si vulnérable, étonnant dans sa façon de maîtriser plusieurs langues (même une imaginaire) et d'incarner la peur et Lars Eidinger d'une incroyable subtilité à interpréter un nazi qu'il rend déconcertant et humain à force de naïveté.
Je trouve moi que ce film est à voir. La toute dernière scène cloue au fauteuil tant elle est bouleversante et d'une grande dignité.
Commentaires
Comme toi je me fichais de Savoir que ce n est pas la bonne porte car ce film n'est pas un documentaire ! Le à fuir comme critique est escessif selon moi.
J'ai aimé voir toutes ces inventions que Gilles doit trouver pour que son plan fonctionne. J'ai eu peur quand le militaire, registre ouvert avec la règle dessus, était tout près de découvrir d'où sortaient ces mots persans..
Cela me rappelle Europa Europa sorti en 1990 ou pareil le jeune Solomon s'en sort grâce à des successions de hasards...
Belle confrontation que ces deux personnages.
Nous sommes bien d'accord.
J'ai tremblé tout le temps pour Gilles (je ne me souviens plus de son prénom persan).
Aucun souvenir de Europa... J'ai honte.
Je crois que le prénom d'emprunt de Gilles est Reza... à peu près aussi authentique que tout ce qu'on nous montre à l'écran.
Je suis toutefois d'accord avec l'émotion suscitée par l'une des dernières scènes (celle sur le souvenir des noms). J'ai été aussi impressionné par la performance d'acteur de Nahuel, les scènes de confrontation avec l'officier SS figurant parmi les moins mauvaises du film, qui ne manque pas de moments ratés, mal joués et/ou mal mis en scène.
Je n'ai pas cru une seconde à la possibilité de la supercherie, qui n'a rien d'historique. Le réalisateur tente de faire croire qu'il y aurait eu quelque part des détenus qui auraient imaginé des moyens similaires pour survivre... sauf qu'il ne cite aucun exemple réel. C'est bidon.
Je pense plutôt qu'il n'ose pas donner sa véritable référence, le film qu'il auquel il aimerait qu'on compare le sien : "Le Pianiste" (inspiré lui d'une histoire bien réelle). Mais Perelman n'a pas le dixième du quart du talent de Polanski et la plupart des acteurs des "Leçons persanes" ne mériteraient même pas de faire de la figuration dans une œuvre de Roman.
Ah oui c'est Reza, le prénom noté sur le livre.
On est d'accord pour l'interprétation des deux acteurs principaux. Et je n'ai pas trouvé les autres catastrophiques. Ah si les deux filles, surtout la blonde frisée (c'est important qu'elle soit frisée car c'est ce qui plait à Machin), c'est pire que catastrophique, jusque dans la façon de se tenir.
Pour le reste, j'espère juste que des gens ont trouvé des astuces pour s'en sortir dans ces conditions de survie. Je ne fais pas de recherches, mais j'avais vu un reportage sur certains musiciens qui ont survécu grâce à leur talent.
Ce film reste une fiction. Voilà ce que j'ai lu :
"Si le film est basé sur une nouvelle de Wolfgang Kohlhaase, Vadim Perelman s'est inspiré de beaucoup d'histoires similaires ayant réellement eu lieu" (effectivement elles ne sont pas citées, espérons qu'elle existent, si elles n'existent pas, le film n'est pas à jeter à la poubelle).
"En fait, un ami de Wolfgang Kohlhaase lui avait raconté une histoire assez semblable quelques années après la guerre, mais elle avait seulement quelques points communs avec la nouvelle écrite par la suite. L’adaptation de Kohlhaase fait apparaître des détails totalement différents."
"Ces histoires ne sont liées que par une seule chose : elles sont insensées, précisément parce qu’il a fallu à leurs protagonistes du courage, de la chance, de la rapidité d’esprit et de l’aide pour échapper à l’implacable poursuite des fascistes allemands et de leurs partisans."
Je vais surement le mettre dans ma liste de film à voir. J'en ai entendu pas mal de bien même si le film n'est pas porté aux nues. Tu dis que c'est un film à voir, alors soit !
Franchement, j'ai été bien embarquée et les réserves parfois virulentes me semblent aussi déplacées que ce qu'elles dénoncent.
Bien aimé aussi, j'ai tiqué sur d'autres points, d'abord la raison un peu fumeuse de l'officier pour apprendre le farsi, mais surtout l'idylle des deux soldats qui manquent franchement d'intérêt à tel poitn que le épart pour le front n'a aucune incidence. Mais ça reste un très bon film.
Les intrigues secondaires, je ne les évoque même pas. ça me permettait juste de respirer en attendant de retrouver Reza et son regard terrifié (j'adore cet acteur). Les idylles, je ne comprenais pas et puis après je me suis dit que comme la jeune fille qui va bien, c'était une façon de dire que les soldats sur place continuaient leur petite vie sans voir ni se préoccuper de ce qui se passe autour d'eux. Mais c'est vrai que ces amourettes ne sont pas bien folichonnes.
J'en avais vaguement lu quelques critiques négatives, mais la tienne fait envie. Si j'ai le temps...
Ce film et cette intrigue sortent de l'ordinaire et je le trouve bien traité. Imaginer ce subterfuge et croire naïvement que des déportés aient pu s'en sortir ainsi fait du bien un instant.
Et rien que pour les cinq dernières minutes ABSOLUMENT EPOUSTOUFLANTES, BOULEVERSANTES ce film serait à voir. Un des plus beaux hommages aux victimes je trouve ! Te voilà bien intrigué. Va le voir ! :-)
En son temps « La vita è bella » de Begnini avait aussi reçu des critiques négatives. Et pourtant quelle leçon d’amour et de sacrifice d’un père pour son fils ! En utilisant les camps de concentration pour situer une histoire qui n’est pas la pure réalité historique, les cinéastes font un pari risqué.
La vie est belle était une fable complètement irréaliste mais tellement bouleversante.
Ici, ça se veut plus réaliste et en ce qui me concerne je trouve que ça l'est. Même si c'est une minorité ridicule, il y a sans doute des gens qui par chance ou astuce ont échappé au pire.
Il faudrait que je revoie "La Vie est belle", mais, a priori, je ne range pas ce film dans la même catégorie que "Les Leçons persanes" (pas seulement parce qu'il est plus réussi). Comme Pascale, je pense que les deux œuvres ne jouent pas sur le même registre : Benigni se veut plus poète qu'historien (et ça passe), Perelman est dans une veine réaliste qu'il maîtrise mal... et il n'est pas expert dans la direction d'acteurs (même si Nahuel sauve le film du naufrage). Sur la déportation, les camps et les juifs, on a déjà fait beaucoup mieux.
La Shoah, l'extermination sont des sujets tellement délicats. Il ne faut pas faire n'importe quoi bien sûr, mais en parler me semble toujours essentiel. Avais-tu vu Les faussaires ?
Certains seconds rôles (surtout féminins) sont assez catastrophiques, je suis d'accord.
Mais Nahuel a effectivement des dons pour capturer l'attention et élever le débat.
Et cette scène finale !!!