H6 - PETITE SOLANGE
H6 de Ye Ye ***
C'est en entendant la réalisatrice sur France Inter récemment que j'ai eu envie de voir son film. En France depuis 2001, la jeune femme a été hospitalisée en 2015 pour une méningite. C'est là qu'elle s'est aperçue qu'elle réagissait différemment des autres malades. Sa patience et son optimisme face à l'hospitalisation et à la maladie tranchaient par rapport aux autres malades souvent abattus. Elle s'est demandé si cette différence venait de ses origines chinoises. C'est ainsi qu'a germé l'idée de réaliser un film. Elle s'est donc immergée au coeur de l'un des plus grands hôpitaux de Shanghaï. Pour elle c'est une façon de dresser un portrait de son pays en s'intéressant au cas de cinq familles contraintes de réagir face à l'hospitalisation de l'un des leurs. Dans tous les cas, c'est une véritable révolution, un bouleversement du quotidien et surtout une lutte de chaque instant pour tenter de trouver les moyens financiers de payer les soins et les "suppléments" qui s'ajoutent aux imprévus.
Ce que l'on découvre dans ce film est sidérant. Le système de santé chinois ne peut que laisser bouche bée les petits français que nous sommes qui écumons de rage lorsqu'un médicament n'est pas intégralement remboursé ou qu'un spécialiste abuse sur les dépassements d'honoraires. En Chine, absolument rien n'est pris en charge. La famille fait parfois 30 heures de train... et se rassemble pour tenter de réunir des sommes astronomiques, d'autres vendent ou hypothèquent leur maison ou leur appartement. Un homme alité, maintenu par des vis au niveau du crâne doit choisir entre risquer de mourir pendant une opération qui le laissera de toute façon infirme et ruinera sa famille ou rentrer chez lui sachant que rien que le voyage peut le tuer. Une ado a été accidentée. Elle réclame sa maman qui lui manque. Personne ne lui dit qu'elle est morte dans l'accident et son père passe des journées entières à lui chanter des chansons à tue-tête dans le couloir. Imaginez qu'un pignouf se comporte de cette façon ici ! Les chinois, ça les amuse, d'autant que le garçon chante horriblement faux. Un vieil homme veille sa vieille femme suspendue à la vie par à peine un souffle. Il lui caresse les cheveux, s'inquiète de savoir si elle le reconnaît. L'aide-soignante compatissante se confie au vieil homme en lui disant qu'elle aurait aimé un homme comme lui. Une petite poupée de 3 ou 4 ans a la main cassée. Elle pleure beaucoup quand on lui change son pansement. Le médecin lui tape sur la tête en lui disant "tais-toi ou je te bats". Un infirme seul (sa seule famille, son fils vit au Japon et il ne veut pas le déranger) doit se rendre à l'hôpital, attendre 50 jours pour avoir un rendez-vous et encore 20 autres jours pour... je ne sais plus quoi.
Ah oui, il faut savoir que les malades sont dans des salles communes, les lits sans séparation et que les visites ont lieu une fois par jour, de 15 h à 15 h 30, une seule personne à la fois. Les visiteurs dorment sur place, dans les couloirs sur des cartons... Et moi qui suis terrorisée à l'idée d'entrer dans un hôpital, je me suis mise à relativiser un peu. Mais pas longtemps. L'hôpital me terrorise toujours. Mais je ne peux que vous encourager à voir ce film passionnant souvent touchant et toujours surprenant. On ne voit pas les deux heures passer.
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PETITE SOLANGE d'Axelle Ropert **(*)
avec Jade Springer, Léa Drucker, Philippe Katerine
Solange interrogée par sa prof de français fond en larmes... Quelques mois plus tôt on découvre Solange rieuse, insouciante et gaie dans la légèreté de ses 13 ans.
Que s'est-il passé depuis ce jour où ses parents fêtaient leurs 20 ans de mariage et de bonheur en présence de la famille et des amis ?
Solange entend de loin et de plus en plus souvent ses chers parents se disputer. Elle découvre que l'employée du magasin de lutherie de son père porte le pull de son père. Et puis son père dort sur le canapé et là elle le comprend, le divorce n'est pas loin. Son grand frère de 20 ans fuit le navire et va erasmer à Madrid. Quant à sa mère, comédienne de théâtre, elle est peu présente pour percevoir les états d'âme de sa fille. Et puis on lui dit vertement : "il y a le monde des adultes et le monde des enfants, on espère que tu saisis la différence Solange !"
On assiste donc assez interloqué à la solitude de Solange, à sa détresse que personne n'entend pas plus ses parents qui ne voient rien, que son frère (assez antipathique) qu'elle cherche à joindre au téléphone pourtant en le suppliant de lui répondre. Et plusieurs fois en arrière plan on voit l'affiche du film de Comencini Incompriso (L'incompris) et c'est bien ce qu'est Solange, une incomprise. Pour la comprendre, il faudrait peut-être la voir et l'écouter. Ce que personne ne prend la peine de faire. Face au chaos et au silence devant sa souffrance Solange qui n'est pas une ado rebelle va perdre l'équilibre.
Les seconds rôles ne font pas merveille et j'ai eu la sensation que la réalisatrice s'était concentrée sur son actrice principale et elle a eu en partie raison car Jade Springer est une révélation. Je ne sais combien de temps s'est écoulé entre la première et la dernière image (magnifique) mais la maturité acquise par cet apprentissage un peu brutal est visible à l'écran. Et c'est elle qui donne une leçon de vie et d'espoir à tout le monde. C'est un film doux et cruel dans lequel brille une pépite.
Commentaires
Le film sur les hôpitaux chinois me donnerait des cauchemars et n'arrangerait pas non plus ma peur de l'hôpital ici. C'est beau le communisme (sic). Quant à Solange, c'est un film qui me tente, ne serait-ce que pour sa jeune interprète.
Ce film donne l'impression d'être sur une autre planète ou dans une autre époque. Pas en 2022 en tout cas. Il y a beaucoup de solidarité.
La petite Solange/Jade est une merveille mais le film un peu mou.
Le Chinois me paraît effrayant en te lisant. On dirait toute une saison d'Urgences en version mandarin.
Pas tenté par Solange.
Il est aussi passionnant. Effrayant par rapport à ce que nous connaissons chez nous, oui.
Solange est évitable.
J'ai finalement zappé Solange mais je suis restée sans voix devant H6. Tous ces destins ... et puis leur situations incroyables, à peine s'ils pleurent. Faut voir comme ils acceptent. J'avais pas compris ce que foutais le petit bonhomme avec sa cane, le pauvre. J'ai été très émue et vraiment triste. Chaque fois qu'on voit un docu sur les systèmes de santé dans le monde, on relativise le notre. Et il faut VRAIMENT tout faire pour sauver l'hopital public !
Solange, c'est dommage pour la petite qui est formidable, mais j'ai déjà oublié.
Par contre je n'oublie pas H6 et ces gens incroyables et les conditions dans lesquelles ils sont soignés ou accompagnent leurs malades. Visites de 15 h à 15 h 30, et une personne à la fois !!! C'est hallucinant (entre autre).
Le (formidable) documentaire "H6" nous met, nous, Occidentaux privilégiés, face à une réalité que l'on ne veut pas voir. Dans la majorité des pays du monde, le système de santé est beaucoup moins protecteur que le nôtre. Le paradoxe est que les autorités chinoises ont autorisé le tournage pour mettre en valeur la "modernité" et l'efficacité du centre de soins.
Il est vraiment exceptionnel ce documentaire sans le moindre commentaire. La réalisatrice est talentueuse. Et j'étais vraiment surprise qu'elle ait pu tourner. Mais apparemment elle a bénéficié d'être présente sur le tournage d'une série mais ça ne change pas grand chose.