La première condition non négociable est que le film soit tourné en un seul plan séquence. Rémi relève ce défi de taille. Evidemment rien ne va se passer comme ce que le plan de travail prévoyait.

Les festivaliers cannois ont dû être quelque peu surpris en découvrant ce machin pas ordinaire en ouverture des festivités du Festival 2022. J'espère que comme quelques impatients dans celle où je me trouvais, personne n'aura quitté la salle au bout de quelques minutes car ce film, on a envie de le revoir dès que la projection est terminée. La première demi-heure est donc ce fameux plan séquence de trente minutes et il s'agit du film le plus raté du monde. C'est surprenant, et au fur et à mesure qu'on s'accoutume à ce ratage, vraiment drôle. La suite nous donne les explications du pourquoi du comment de ce fiasco. On revoit donc le film mais en se plaçant cette fois derrière et autour de la caméra et c'est délirant de voir tout ce qui a conduit aux imprécisions, improvisations et bidouillages.

Le tournage d'un film dans le film est souvent l'occasion de découvertes surprenantes. Un tournage de film est une petite entreprise et il faut en effet composer avec la multitude de personnes présentes sur place ainsi qu'une abondance d'imprévus et d'impondérables. Ce Coupez ! est le remake de Ne coupez pas ! film japonais de 2017 et la productrice exige entre autre que les personnages portent les prénoms originaux. C'est donc déjà assez curieux d'entendre des européens se faire appeler Hirugashi, Natsumi ou Hosoda. Le prénom Ken donne l'occasion de quelques sous-entendus graveleux. Quant à mes 3 étoiles et demi, elles auraient été complètes s'il n'y avait une scène de défécation qui s'éternise un peu trop. Pour le reste, quel plaisir d'entrer dans ce délire et de participer au bonheur communicatif des acteurs qui en font des tonnes et dégourdissent nos zygomatiques. 

Ce film fait un bien fou tant on y rit mais il est aussi un bien bel hommage au cinéma je trouve tant il démontre l'utilité de tous les petits métiers qui gravitent autour des acteurs et du réalisateur. Une très belle scène de pyramide (dont je me demande comment elle a été réalisée, la magie du cinéma sans doute) démontre d'ailleurs à quel point l'entreprise d'un film est une affaire collective.

Michel Hazavanicius maîtrise parfaitement cet art de la comédie déchaînée et vraiment drôle. Ses acteurs sont des perles. Romain Duris est exceptionnel en réalisateur qui veut mener à bien le projet coûte que coûte et perd parfois les pédales tout en continuant d'assurer sur tous les fronts quitte à bidouiller. Il faut le voir courir du plateau de tournage à la salle de régie. Tordant. Finnegan Oldfield est hilarant. En jeune acteur au succès fou, il est impayable dans celui du gars qui sait qu'il tourne une bouse et est pieds et poings liés par son contrat. Bérénice Bejo, l'actrice ingérable qui se laisse parfois bouffer par ses rôles est celle qui joue le mieux celle qui joue mal ce qui est une preuve de grand talent. Jean-Pascal Zadi en musicien improvisateur apporte une touche comique plus douce et décalée encore. Grégory Gadebois accro à ses addictions est adorable. Bref, ils sont tous parfaits. D'une drôlerie !!!

Le sang gicle parfois mais c'est complètement dingue, absurde et ça fait un bien fou.