EL BUEN PATRON
de Fernando Leon de Aranoa ***(*)
Avec Javier Bardem, Manolo Solo, Almudena Amor
Juan Blanco est le bon patron dont il est question ici et dans son discours inaugural il annonce à ses employés que l'entreprise fait partie des 3 finalistes à l'obtention d'un prix honorifique régional.
Pour cela il est indispensable que tous soient exemplaires lors de la visite prochaine et inopinée d'un membre du comité de sélection. Il leur répète à tous son attachement et insiste sur les trois points qui font la force et la réussite de cette entreprise qui fabrique des balances : EFFORT, EQUILIBRE, FIDELITE. Il conclut en leur affirmant qu'il se considère comme leur père à tous. L'histoire va s'employer à nous le démontrer ainsi que son contraire. Et l'on se demande d'ailleurs jusqu'à quel point ce patron très intrusif dans la vie de ses salariés est sincère et croit à ce qu'il dit tant sa bonhomie au sein de la firme tranche avec son attitude quelque peu arrogante en dehors et notamment dans sa belle, grande et cossue demeure. Tout comme on se demande jusqu'à quel point les employés eux-mêmes approuvent ce paternalisme écoeurant.
Ce matin là, sa femme a quelque chose d'important à lui dire mais... elle a oublié. Cela ne devait pas être si important. On oublie ce moment. Le réalisateur nous le rappelle bien plus tard lorsque la belle machine a déjà commencé à bien se gripper. Juan ne se doute pas que l'employé qu'il vient de licencier va s'installer devant l'usine et y camper des jours durant, ce qui fait tâche face à l'image d'exemplarité qu'il souhaite donner. Il n'imagine pas que le contremaître qu'il feint de considérer comme un ami déstabilisé va mettre en danger la production parce que sa femme le trompe. Et qu'une stagiaire peu farouche va le piéger.
Il va suffire d'une semaine pour que ce beau mécanisme qui semblait si bien huilé s'enraye à presque tous les niveaux et le réalisateur choisit la farce (subtile) pour traiter l'hypocrisie, les rapports de classe et les manoeuvres pas toujours reluisantes d'un patron maladroit, naïf et implacable décidé à ne pas perdre la face.
Le film a croulé sous les récompenses lors de la dernière cérémonie des Goya (les César espagnols) coiffant au poteau un certain et pourtant très puissant Madres paralelas. Rien moins que meilleurs film, réalisation, scenario, montage, musique et acteur. Et l'on comprend que l'Académie espagnole se soit emballée pour ce film et surtout ce patron prêt à tout pour promouvoir son entreprise. Un des murs de sa maison à l'éclairage très flatteur est orné de récompenses à laquelle il ne manque que cette dernière, et la place du trophée est d'ailleurs déjà réservée.
Le réalisateur prend son temps pour nous faire entrevoir le véritable visage de ce type persuadé que tout s'achète et ce n'est qu'en le mettant face à des situations de plus en plus inextricables qu'il va peu à peu lui faire perdre de sa superbe. Pour l'interpréter il a choisi le Stradivarius des acteurs espagnols, Javier Bardem. L'acteur est époustouflant dans ce rôle à facettes. Rarement il est possible de voir défiler autant d'expressions sur un visage. Sous le calme apparent et la rondeur mielleuse, Javier Bardem alterne entre personnage inquiétant, menaçant, sûr de lui jusqu'à l'extrême et figure rassurante. Il réussit à nous faire ressentir l'agitation et l'inquiétude qui bouillonnent en lui. L'interprétation flamboyante de ce patron qui finit par perdre l'équilibre tient du grand écart et c'est réjouissant de bout en bout.
Javier Bardem, acteur à la séduction XXL.
Commentaires
Je suis ravi d'apprendre qu'aux derniers Goya, ce film a niq... coiffé sur le poteau le surestimé "Madres Paralelas". Avis aux pourfendeurs du capitalisme et aux partisans de la lutte des classes : "El buen patron" est une comédie de gôche (réussie) !
Ah c'est dur. Madres paralelas est un film magnifique où la solidarité des femmes est au coeur. Un film rare et une Penelope sublime. La femme du Patron.
De gôche peut être. Il n'y a aucune lutte collective ici. Chacun réussit (pour ceux qui réussissent)"par des manoeuvres isolées, promotion canapé comprise.
Bonjour, c'est le premier film que je revoyais après 16 jours d'abstinence ciné (rien ne me tentait vraiment). C'est vraiment bien sous ses airs de comédie, c'est une tragi-comédie acide. Bardem est excellent et avec mon ami, on a aimé la dernière scène qui pourrait très mal se terminer avec la perceuse. Mais cela, on ne le saura pas. Bonne après-midi.
Bonjour dasola. En effet, j'ai bien cru que la perceuse allait servir... jai cru aussi que Juan allait pleurer mais il n'a pas changé. Amère conclusion.
Javier Bardem est extra. Bon dimanche.
Excellent film, quelle belle surprise, une comédie qui a du fond et de l'à-propos, à la fois drôle et cynique, de la tragi-comédie de haute volée avec, il est vrai, un Javier Bardem épatant. A voir et à conseiller.
Voilà, rien à jeter dans ce super film et surtout pas Javier Bardem éblouissant.
Un parrain (plus qu'un père), et peut-être un parâtre? Je me suis demandé un instant si jadis, la mère de la stagiaire (et femme d'un ami)... Bref.
(s ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Oui ils ont l'air de pas être trop regardants et bien faire semblant les parents, les amis, les parents des amis, les parents des stagiaires...
J'ai fini par le rattraper et j'en suis ravie. Je te rejoins en tout point ! Je ne sais pas s'il méritait de tout rafler aux goyas car je n'ai pas vu les autres films (sauf madres paraleles effectivement !) mais son cynisme m'a cueillie. Je l'ai trouvé très subtil. Et Javier au top dans ce rôle !
Oui c'est formidable ce film et Javier est merveilleux. Quel charisme ! J'aime quand on nous fait aimer les sales types :-) même si ce n'est pas très moral.