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ENNIO

de Giuseppe Tornatore *****

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Avec Ennio Morricone, Giuseppe Tornatore, Bernado Bertolucci, Mario Bellochio, Clint Eastwood, Vittorio et Paolo Taviani, Dario Argento, Sergio Leone, Roland Joffé, Oliver Stone, Hans Zimmer, Quentin Tarantino, Bruce Springsteen...

Ennio Morricone (10/11/1928 - 6/07/2020) voulait être médecin. Son père très autoritaire lui offre très tôt une trompette (d'occasion car l'homme est avare) et décide qu’il sera trompettiste. "Je nourris ma famille grâce à cette trompette, il en sera de même pour toi".

Ce n'est qu'après la mort de son père qu'il n'a jamais osé affronter ou contredire, qu'il abandonne cet instrument qu'il n'aimait pas particulièrement. Il est pourtant l'un des piliers de certaines compositions. 500 partitions dont la plupart consacrées au cinéma. Cet art particulier qu'il a contribué à rendre majeur. Entre ses débuts involontaires dans la musique et sa mort en 2020, des décennies de création et pour moi le regret éternel d'avoir eu en main un billet pour le voir diriger en personne un concert en Belgique il y a quelques années et n'avoir pu y aller...

Je n'ai que des superlatifs pour évoquer ce film. Le personnage, le compositeur, la musique tout ici est too much et l'émotion qui s'empare du spectateur à la vision et à l'écoute de ce film est parfois... violente. Amoureux cinéphiles et mélomanes ne ratez pas ce film passionnant. Bien sûr la forme est classique (chronologique) et les quelques 80 témoignages qui le jalonnent relèvent souvent de l'hagiographie. Mais cela n'est guère étonnant puisque son grand ami Giuseppe Tornatore pour lequel Ennio a composé toutes les musiques de ses films pourrait sans doute lui élever une stèle tant il le vénère. Franchement on le comprend. A la réécoute de tous ces airs, on ne peut qu'être d'accord avec tous : Ennio est un génie et à l'image de Bertolucci qui ne parle de lui qu'en levant le regard, on a le sentiment que cette musique élève.

C'est à Clint Eastwood que revient la formule la plus drôle : "sa musique a réussi à me rendre lyrique, ce qui n'est pas simple". Et il est vrai qu'on a du mal à imaginer son personnage de westerns souvent marmoréen sans musique. Et si l'illustration de l'inoubliable course folle de Tuco (Eli Wallach) à la recherche de la tombe d'Arch Stanton dans le cimetière de Sad Hill est un incontournable, on n'oublie pas la très mélancolique flûte de pan de Gheorghe Zamfir dans Il était une fois en Amérique ou l'harmonica de Il était une fois dans l'Ouest. Entre autre car tous les thèmes méritent qu'on s'y attarde. Evoqués par leur créateur ces thèmes prennent toute leur dimension. Un sifflement, un claquement de fouet, une cloche, une boîte à musique, les sons de la nature... tout était utilisé par Ennio pour caractériser une scène ou un personnage. L'anecdote drôle et touchante est que Sergio Leone et Ennio avaient été élèves dans la même classe étant enfants. Ils n'avaient pas été proches à l'époque et s'étaient retrouvés quelques décennies plus tard pour la collaboration fructueuse que l'on connaît. Sergio Leone serait à l'origine d'une entourloupe pour qu'Ennio ne participe pas à l'Orange mécanique de Stanley Kubrick. Possessif le garçon.

Plus déplaisante (quand on a comme moi uniquement envie de louer le maestro) est l'intervention des maîtres qu'Ennio vénère pourtant et notamment Goffredo Petrassi qui n'aura de cesse de dénigrer son travail, le trouvant indigne de la création musicale classique. A ce puriste austère et compassé, on a juste envie de dire : "qui connaît le nom et l'oeuvre de Goffredo Petrassi ?" Il reconnaîtra du bout des dents après quelques dizaines d'années de réussite que finalement le travail d'Ennio n'est pas si mal. 

L'Académie des Oscar n'est pas plus glorieuse quant à la reconnaissance du travail d'Ennio. 5 fois cité pour Les moissons du ciel, Mission, Les Incorruptibles, Bugsy et Malena. La récompense ira ces années là dans l'ordre à Giorgio Moroder pour Midnight express, Herbie Hancock pour Autour de minuit (alors qu'il s'agit pour la plupart de reprises de standards du jazz), David Byrne et Ruychi Sakamoto pour Furyo, Alan Menken pour la Belle et la bête, Tan Dun pour Tigre et dragon. Il obtiendra finalement la prestigieuse statuette en 2007 par un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière, et une dernière fois en 2016 pour la bande originale du film Les huit salopards de Quentin Tarantino. Ennio ne cache ni sa déception pour ces "échecs" ni son émotion lorsqu'il a reçu les prix.

Ennio pouvait paraître hautain, peu bavard lors des interviews, c'est en fait un grand timide, travailleur acharné, exigeant. Et si le film est passionnant dans son ensemble, il se fait palpitant, poignant, fascinant, enthousiasmant lorsque c'est Ennio lui-même qui a la parole. Giuseppe Tornatore a en effet rassemblé la somme de 5 années d'entretiens avec le maestro qui le reçoit dans son appartement romain. Il y dirige un orchestre invisible, commence sa journée par une séance de yoga et des étirements entouré de livres, de partitions... Ces moments là m'ont semblé immenses, à l'image du "sujet" du film. Ennio était un musicien hors pair qui maîtrisait l'art difficile du contrepoint (pour faire vite : l'art de superposer plusieurs lignes mélodiques). Il le détaille parfaitement et pédagogiquement sans la moindre prétention pour décrire le thème du film Mission où se superposent pour s'harmoniser un choeur religieux polyphonique, des instruments indiens et européens (ah ce hautbois déchirant ! et Robert de Niro qui attend la mort de Jeremy Irons pour se laisser aller à son tour...), un choeur ethnique, des cordes, des percussions... Des moments rares, précieux sont ceux où Ennio assis dans son fauteuil, enthousiaste et concentré entonne a cappella avec une justesse folle certains passages de ses airs les plus célèbres, ses intuitions, son inspiration : le cri du coyote, la goutte qui tombe sur un chapeau, le couinement d'une éolienne. PASSIONNANT.

Je ne livre qu'une infime partie de tout ce que l'on apprend dans le film, des anecdotes et des moments plus profonds ou touchants (sa femme est sa première auditrice, si un thème ne lui plaît pas, nous ne le connaîtrons pas) ou de pure création. Ne craignez pas ses 2 h 36, elles sont passionnantes de bout en bout.

J'ai entendu parler d'une version longue de 5 heures, sans doute lors de la sortie en DVD/Blu-ray : je ne la manquerai pas.

Selon moi, deux des plus beaux thèmes musicaux jamais entendus au cinéma.

Commentaires

  • Bonjour Pascale.. Vu ce film hier samedi. Ai failli ne pas y aller à cause des 2h30.. Mais faut pas hésiter. On apprend beaucoup d anecdotes et son parcours est incroyable. Mission est vraiment une superbe musique pas d'oscar mais aucun césar non plus ( clan des siciliens.. Le professionnel...) Et dans mon petit panthéon celle du clan des siciliens et un citoyen au dessus de tout soupçon ( impression d'avoir aussi entendu cette musique dans une série TV...??)
    Petite coquille en début de l'article sur sa date de décès sinon ces 2 oscars seraient posthumes !
    Passeport retrouvé à Paris dans une poubelle.. Mais trop tard... Préfecture de police demande 11 euros de frais de garde et paiement des frais de poste retour....

  • Bonjour Dan. J'imagine qu'on a tous nos morceaux préférés et ceux que tu cites sont extras aussi.
    Je n'ai pas vu le temps passer.
    Coquille rectifiée.

    La police a besoin d'argent on dirait.
    J'espère que tu vas pouvoir repartir.

  • Evidemment passionnant, je mettrais un bémol sur trop d'entretiens un peu vides (oui on sait il est génial mais encore ?!), et j'aurais préféré à la place plus de films détaillés par la maestro, ici la filmo abordée reste trop succincte... Mais à voir et à conseiller :)

  • Il faudrait que tu le revois car la filmo abordée m'a paru plus que conséquente. Beaucoup de films, certains inconnus, dont je ne me souvenais pas qu'Ennio était le compositeur et sa participation à des chansonnettes au début de sa carrière. J'ai trouvé ça très complet. Et j'aime entendre dire du bien des gens que j'admire.

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